Par Alexandre Massaux.
Suite à la victoire de la coalition de centre-droit SPOLU (« Ensemble ») en République tchèque, nous avons pu interviewer Nikolas Dohnal, membre et candidat de la coalition. Celui a accepté de nous donner des informations sur le programme de SPOLU et les enjeux que le parti va devoir gérer.
Entretien réalisé par Alexandre Massaux, secrétaire de rédaction à Contrepoints.
A. M. : La coalition SPOLU est une alliance de l’ODS, du TOP 09 et du KDU-ČSL. Quelles sont les valeurs communes de ces trois partis ? Êtes-vous des conservateurs, des libéraux classiques et/ou des chrétiens-démocrates ?
N.D : Tout d’abord, il faut souligner que nous sommes tous d’accord sur le socle que sont les valeurs démocratiques et l’orientation pro-occidentale.
Ce pays a été menacé par les populistes et les extrémistes, c’est pourquoi nous avons décidé de faire des compromis afin de battre le populisme.
Bien sûr, il existe des différences idéologiques entre les trois partis. Les chrétiens-démocrates ont toujours été plus orientés vers le social, en mettant l’accent sur les valeurs chrétiennes, tandis que le TOP-09 et l’ODS ont été enclins à une politique de marché beaucoup plus libre. Mais aujourd’hui, notre politique commune se situe quelque part entre les deux. Du point de vue économique, en tant que politologue, je dirais que notre programme reflète indirectement la conception allemande de la politique sociale et de marché (Sozialemarktwirtschaft).
En ce qui concerne les questions culturelles, nous avons décidé de ne pas insister du tout sur ces sujets, mais je dirais personnellement que nous partageons tous une sorte de valeurs conservatrices, avec toutefois quelques exceptions. Mais nous pouvons toujours respecter nos positions sans avoir de profonds désaccords.
Sur quel domaine SPOLU se concentrera-t-elle après l’élection ? Quel sujet SPOLU souhaite-t-elle défendre le plus ?
Notre principale priorité est de ramener la responsabilité fiscale. Ce gouvernement populiste soutenu par les communistes nous a laissé des dettes énormes avec un budget complètement détruit. Nous devons immédiatement prendre des mesures fiscales pour arrêter cette tendance insupportable. Si nous n’agissons pas, nous pourrions théoriquement finir comme la Grèce. Dans le même temps, nous refusons catégoriquement d’augmenter les impôts comme nous l’avons promis à nos électeurs. Nous croyons fermement que l’État devrait limiter considérablement ses dépenses au lieu de faire peser une lourde charge sur les citoyens tchèques.
Ensuite, le gouvernement doit faire face à des défis à long terme que la coalition précédente a négligés. J’entends par là une réforme des retraites qui a été ignorée pendant de nombreuses années. Si nous ne procédons pas à une réforme en profondeur, ma génération pourrait être confrontée au pire, c’est-à-dire à l’absence d’aide publique aux personnes âgées dans les prochaines décennies. Mais je ne veux pas être alarmiste. Depuis que nous avons gagné, je suis absolument convaincu que nous allons remettre les choses en ordre.
Il y a beaucoup de travail qui nous attend dans le domaine de l’éducation et de la politique environnementale également. Nous devons nous assurer qu’une transition verte n’aura pas d’impact sur la prospérité économique. Et enfin, nous voulons à nouveau unir la nation. La politique du Premier ministre Babiš et du président Miloš Zeman a régulièrement suscité la colère dans notre société. Cela doit changer. Comme l’a déclaré notre leader, Petr Fiala, dans son discours : « Peu importe pour qui vous avez voté. Nous sommes tous des citoyens de la République tchèque ».
Quelle est la position de SPOLU sur la politique de santé actuelle en République tchèque ? Plus précisément, quelle est la position de la coalition sur la vaccination obligatoire et les passeports vaccinaux ?
Nous avons promis clairement que nous n’autoriserons pas un nouveau confinement. Il est important de garder l’économie et surtout la société ouverte. C’est notre promesse. Bien sûr, nous ne pouvons pas ignorer les chiffres si la situation se détériore de manière significative.
Pour éviter toute restriction dure, il est nécessaire de motiver positivement les personnes non vaccinées à se faire vacciner. Cela ne signifie pas que nous soutiendrons la vaccination obligatoire. Il n’y a aucune raison pour cela. Comme nous l’avons appris du passé, nous sommes capables d’arrêter la propagation si le gouvernement communique clairement et équitablement avec le public.
Si les mesures sont chaotiques, les gens ne respecteront pas les règles. Mais je suis absolument convaincu que nous pouvons faire face à la pandémie sans confinement ni vaccination obligatoire.
Quelle est la position de SPOLU sur les affaires européennes et sur la politique étrangère de la République tchèque ?
Tout d’abord, il est temps de montrer que notre pays est profondément intégré aux organisations occidentales telles que l’OTAN et l’UE. Ces dernières années, nous avons déstabilisé nos partenaires en leur demandant si nous appartenions toujours à l’Occident ou non. En particulier, le président Zeman a essayé de nous rapprocher de la Russie, ce qui a nui à notre réputation. Cette politique étrangère prendra bientôt fin.
En ce qui concerne l’Union européenne, notre politique européenne est basée sur une approche rationnelle. L’année prochaine, la République tchèque assurera la présidence de l’UE (juillet-décembre) et nous devons montrer à l’UE que notre pays est un partenaire fiable et compétent. Nous devons également défendre notre intérêt national et négocier nos priorités. L’UE nous offre de nombreuses opportunités et nous en sommes pleinement conscients. Selon le programme Next Generation, la République tchèque est censée recevoir 180 milliards de couronnes tchèques (7,1 milliards). C’est une somme considérable pour notre économie et nous devons nous assurer que nous utiliserons tous les fonds de manière efficace.
Dans l’ensemble, notre politique européenne est beaucoup plus pragmatique qu’idéologique. C’est une approche réaliste de l’intégration. Là où nous sommes en profond désaccord, ce sont les quotas migratoires obligatoires que nous rejetons depuis le début de la crise migratoire en Europe. La solidarité mutuelle ne peut être fondée sur la coercition. Ce n’est pas la bonne attitude pour coopérer.
Ces articles pourraient vous intéresser:
Extrait de: Source et auteur
Et vous, qu'en pensez vous ?