J'étais hier l'invité du PLR Suisse pour contribuer au débat sur le "mariage pour tous". Verdict ? 211 contre 21 et 21 abstentions pour ce qui constitue, il faut le dire, une véritable révolution.
Voici ce que j'ai dit aux délégués du PLR :
Au Parlement fédéral, le groupe PLR a voté comme un seul homme (si j’ose dire…) pour ce « mariage civil pour tous ». Au moment où je me présente devant vous, je me sens donc un peu comme la Suisse au moment d’entrer sur le terrain face à l’Espagne. Nous verrons bien si avec vous, mesdames et messieurs les délégués, j’arrive jusqu’au penalties…
Maintenant, de quoi ne parlons-nous pas ?
Au-delà des slogans de campagne, la question n’est pas de savoir si, à l’avenir, des couples qui ne sont pas formés d’un homme et d’une femme auront le droit de vivre ensemble. Ce droit, cette liberté, ils l’ont déjà. Personne ne le leur conteste. La question porte donc uniquement sur le cadre juridique que nous devons apporter – ou non – aux diverses formes d’unions. Autrement dit, « vivre et laisser vivre », ce qui semble être un slogan du PLR, c’est aujourd’hui déjà une réalité.
Justement, le mariage, aujourd’hui, est conçu comme l’union d’un homme et d’une femme. Derrière cette institution humaine, il y a une réalité naturelle : un homme et une femme sont seuls à même de procréer ensemble naturellement. Remettre en cause ce principe fondateur de la famille, cellule de base de notre société (c’est ça, le mariage pour tous), c’est (il faut le dire) une véritable révolution ; c’est toucher aux fondements chrétiens de notre civilisation, mais aussi et surtout à l’ordre naturel. Réaffirmer ce principe n’a rien de discriminatoire. En effet, en droit suisse, depuis l’introduction du partenariat enregistré, les couples de même sexe bénéficient d’un statut qui, de fait, est presque identique au mariage et qui leur permet de vivre leur différence dans un cadre reconnu, y compris (depuis 2018) dans un domaine auquel on avait toujours dit qu’on ne toucherait jamais : celui de l’adoption (en l’état, certes « uniquement » de l’enfant du partenaire enregistré).
Alors pourquoi le changement proposé (ou plutôt cette révolution) ?
Pour moi, le combat du lobby LGBT a une portée avant tout idéologique. C’est une guerre de vocabulaire qui a pour objectif l’appropriation, au-delà d’un statut juridique dont les couples concernés bénéficient déjà, du terme même de « mariage ». Je vois toutefois dans cette revendication une contradiction insoluble qui devrait la condamner : depuis toujours, les couples homosexuels (et les personnes qu’on désigne avec de plus en plus de lettres avec un « plus ») revendiquent (ça, c’est parfaitement logique) leur droit à la différence ; et celles et ceux qui ont toujours combattu pour la reconnaissance de leur différence, voici qu’aujourd’hui, ils revendiquent leur identité… L’autre contradiction, c’est également l’idée de traiter de manière identique des formes de vie dont chacun peut constater objectivement la différence.
Autre chose encore : l’accès des couples homosexuels à la procréation médicalement assistée (mais seulement des couples lesbiens, allez savoir pourquoi / retour par la fenêtre de cette nature qu’on veut faire sortir par la porte ?). On a souvent entendu que c’était quand même une ligne rouge qu’on ne devait pas franchir. Eh bien, cette ligne rouge, le Parlement l’a franchie : deux femmes mariées l’une à l’autre pourraient être les parents exclusifs d’enfants conçus au moyen d’un don de sperme. J’ai dit exclusifs. Eh oui, car au prix d’un bouleversement complet des règles et des présomptions liées au mariage comme il est aujourd’hui, la filiation sera établie par le mariage de l’autre parent avec la mère. De plus, l’enfant conçu au moyen d’un don de sperme n’aura pas le droit de contester le lien de filiation avec la femme de sa mère. En clair, il n’aura plus de père, juste des parents interchangeables.
Ça aussi, c’est une révolution. Car l’homme peut bien changer les lois. Mais la nature, il ne la changera jamais. Jamais un Parlement ni même une votation populaire ne pourra enlever aux enfants de ces « mariages pour tous » l’idée que quelque part, il y a ou il y a eu leur père.
Votre parti est libéral. Mais il est aussi radical. Par-là, vous êtes les héritiers (moi aussi, qui suis le fils de deux bons radicaux vaudois) de ceux qui ont fait la Suisse moderne, avec des lois qu’aujourd’hui, avec le « mariage pour tous », on veut renverser. Je conclus donc par une question : mesdames et messieurs les délégués, êtes-vous prêts, sur cette question de société essentielle qu’est le mariage, à passer par-dessus bord l’héritage de vos anciens ?
Et vous, qu'en pensez vous ?