La Syrie est en guerre depuis dix ans. A qui la faute ? Quels sont les gagnants et les perdants ?
Vous souvenez-vous comment tout cela a commencé ? La Syrie, pays de 17 millions d’habitants, vivait dans une stabilité relative, sous la férule de dictateurs héréditaires, les Assad. Hafez el-Assad avait pris le pouvoir en 1970, avec l’aide de son frère Rifaat, qui sera plus tard chargé des basses besognes. A la mort d’Hafez, en 2000, son fils Bachar lui succède. On le dit plus ouvert à une « culture démocratique », aux « forces de progrès ». La presse occidentale ne tarit pas d’éloges, d’autant que le parti des Assad, le Baas, se veut parti socialiste, et il est affilié, au niveau mondial, à l’internationale socialiste, siégeant au côté des représentants du PS français. A la vérité, la Syrie est une pure dictature héréditaire, dont le Baas est le bras armé.
Au printemps 2011, des manifestations ont lieu en faveur d’une démocratisation, sous le regard émerveillé des Occidentaux. Mais tout « moderniste » qu’il soit, Bachar entend rester au pouvoir, et cet embryon d’opposition est immédiatement réprimé. Le cycle répression-rébellion se met en place, avec de nouveaux acteurs qui sont les islamistes sunnites, en appui des « démocrates » (sic !), et les minorités religieuses du pays (chiites, alaouites, chrétiens) au côté du gouvernement.
Car la Syrie comprend de nombreuses minorités qui savent qu’une arrivée au pouvoir des islamistes signifierait leur extermination. La famille Assad le sait aussi, puisqu’elle appartient à la minorité alaouite.
A partir de là, les jeux d’alliances militaires poussent les pays sunnites à soutenir les rebelles, tandis que l’Iran et les chiites du Liban (le Hezbollah) se rangent dans le camp Assad. La Russie appuie militairement Assad à partir de 2015. Les Etats-Unis et la France soutiennent les « démocrates ».
La suite, on la connaît : les islamistes s’emparent d’une partie du pays, les « démocrates », ultra-minoritaires, disparaissent du paysage, éliminés par leurs ex-alliés de Daesh, qui étend ses actions terroristes au monde entier. Assad finit progressivement par reconquérir 70 % de son territoire. Telle est la situation actuelle.
« Le pouvoir d’Assad se délite » (Fabius, ministre de Hollande, en 2012)
La guerre rode toujours, mais avec une intensité moindre ; le pays est ruiné, l’influence française réduite à néant.
Les gagnants ? Le régime syrien bien entendu, et la Russie, qui a étendu son protectorat dans la région ; la Turquie, également, qui s’est implantée localement et qui a maté ses dissidents kurdes.
Les perdants ? Pour l’heure ce sont les islamistes, les Kurdes, aussi, qui les avaient combattus en échange d’une perspective sans lendemain d’Etat indépendant. La France et les Etats-Unis font aussi partie des perdants : leur influence régionale a disparu. Laurent Fabius, quand il était ministre de Hollande, avait déclaré : « La chute de Bachar al-Assad est devenue une nécessité évidente …, le pouvoir d’Assad se délite …, Assad ne mériterait pas d’être sur la terre » (août 2012). Au lieu de porter tout le poids de la France vers le Liban, par exemple, pour sauver ce pays francophone et francophile, provisoirement débarrassé de l’encombrante tutelle syriennne, il a saboté les derniers restes d’une politique française au Proche-Orient.
Citons enfin le principal perdant : le peuple syrien tout entier. •
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