Délire de l’appropriation culturelle, phase deux. Rappelons aussi que le racisme anti-blanc n’existe pas selon la gauche subventionnée.On sait depuis l’affaire Mnouchkine qu’au Canada des acteurs blancs ne peuvent pas interpréter des rôles de non-Blancs, au titre d’une condamnation de l’appropriation culturelle. Comme toujours avec ce genre de logique, il y avait des extensions possibles, et en voici une qui vient de se réaliser : une dramaturge canadienne a demandé à ce que les critiques blancs s’abstiennent de s’exprimer sur sa pièce dans les journaux.
Yolanda Bonnell La dramaturge en question s’appelle Yolanda Bonnell. Elle est d’origine ojibwée et sud-asiatique, et se présente comme une femme « queer-two spirits ». (L’expression « two spirits », traduite par « bispiritualité », désigne une catégorie spécifiquement nord-américaine de queer amérindien.) (1)
Bonnell crée, ces jours-ci à Toronto, un spectacle hybride, entre pièce de théâtre et performance, intitulé « bug ». Ça évoque, selon le résumé qu’elle en donne, « les femmes d’une famille indigène confrontées à la toxicomanie et au trauma intergénérationnel ».
Si l’on en croit le compte rendu d’une spectatrice, le spectacle est composé de « mouvements corporels répétitifs » effectués dans un « espace tortueux/crypté » qui a le pouvoir d’« intégrer les passés douloureux et les processus transformatifs réunis par un rituel indigène génératif d’apaisement de la douleur ». Au début de la soirée, Bonnell « demande aux femmes indigènes dans la salle de se lever pour que le reste du public reconnaisse leur présence ».
« La dominante queer indigène et bispirituelle de l’œuvre » s’incarne dans des « rituels de soin et des demandes permanentes de consentement » adressées aux spectateurs. Yolanda Bonnell elle-même interprète un insecte (d’où le titre « bug »), un Manidoon ojibwé, chargé de rappeler au spectateur-participant qu’« au milieu de la violence coloniale, racialisante et genrée, nous devons devenir des insectes pour négocier notre territoire ».
Le programme de la pièce est donc alléchant. Mais voilà. « Dans le cadre de notre volonté de décoloniser l’art et d’encourager une pratique de la critique culturellement informée, explique Bonnell dans un article, ma compagnie théâtrale, mandoons collective, a exigé que seuls des indigènes, noirs et personnes de couleur (IBPOC) rendent compte du spectacle. »
Les Blancs ont le droit d’assister au spectacle, précise-t-elle, puisqu’il est « important que des témoins soient là pour comprendre les effets toujours actuels du colonialisme ». Ils doivent toutefois, pour peu qu’ils soient critiques, garder le silence sur ce qu’ils ont vu. Il n’est pas précisé si un Blanc non-critique a le droit ou non d’évoquer le spectacle sur les réseaux sociaux. En tant que critique blanc, j’ignore si j’ai le droit d’écrire sur le fait que je n’aurais pas le droit d’écrire sur la pièce.
Bonnell justifie cette demande par le fait que la « performance indigène est globalement sous-discutée » et que « le prisme à travers lequel les critiques blancs regardent ce travail est problématique » : les critiques blancs ont tendance, selon Bonnell, à dire : « Je ne comprends pas, par conséquent ce n’est pas du bon art. » Le critique blanc n’aime que l’art blanc. Une ignorance fondamentale et insurmontable l’empêche, par exemple, de comprendre l’intérêt d’une suite de mouvements répétitifs inspirés du ritualisme ojibwé dans un espace tortueux/crypté. Mal informé, le critique blanc pourrait aller jusqu’à trouver ça ennuyeux. Et même lorsqu’il croit naïvement apprécier l’œuvre non blanche, il la discute en réalité selon les critères de l’art blanc.
S’ensuit que la « conception eurocentrique de l’excellence » du critique blanc « contribue à coloniser encore un peu plus la performance indigène ». On entre donc dans une seconde phase du débat sur l’appropriation culturelle. Bonnell crée le délit d’appropriation culturelle indirecte : la production de l’œuvre n’est plus seule en cause. Son commentaire devient appropriateur. En parlant de l’œuvre indigène, le Blanc la colonise a posteriori.
Notons que, si on adhère à cette logique, un critique afro-américain ou asiatique n’a pas beaucoup plus d’expertise sur la culture ojibwée qu’un critique blanc, et devrait en toute rigueur lui aussi s’abstenir de commenter la pièce. Notons aussi que, sans connaître la sociologie ojibwée sur le bout des doigts, on peut supposer que certains d’entre eux ont peu de familiarité avec leur folklore ou de goût pour le performance art. Si bien qu’au bout du compte, les seuls admis à critiquer le spectacle de Bonnell seraient des Ojibwés théâtrophiles. En poussant un peu, on arriverait à la conclusion que seule Yolanda Bonnell possède la science nécessaire pour commenter le travail de Yolanda Bonnell.
« Ce que j’appelle du théâtre »
Une critique blanche, Karyn Recollet, a toutefois bravé l’interdiction et s’est exprimée publiquement sur le spectacle de Bonnell, qu’elle a adoré. « Je trouve intéressante la manière qu’elle a de décoloniser ce que j’appelle du théâtre », dit-elle en prenant soin de ne pas coloniser la planète avec sa conception eurocentrée du théâtre.(2)
« La majorité de ce à quoi j’ai assisté avait l’air d’être du théâtre, précise-t-elle toutefois, avec des personnages, une histoire. » Un critique, même blanc, pourrait reprocher à un tel académisme de reposer sur des préconceptions narratives eurocentrées qui nient la spécificité du récit indigène et qui reconduisent sa domination. Mais bon, n’allons pas trop loin non plus.
L’affaire est grotesque, mais potentiellement inquiétante, puisque la logique à l’œuvre est, sous une forme extrême, la même que celle qui, en France, préside au décolonialisme culturel. Les Français ont la passion du mimétisme et il n’est pas impossible que, bientôt, un Bonnell de France, mentalement colonisée par le décolonialisme nord-américain, reproche aux critiques blancs de le soumettre au diktat de l’excellence blanche.
Notes
1. Les Amérindiens appartenant aux troisième ou quatrième variations de genre dans les cultures natives, qui comportent quatre genres au lieu de deux. « Two spirits » est représenté par l’abréviation « 2S » dans le sigle LGBTTQQ2SIAAP — souvent abrégé en LGBTQ +. Le terme « 2S » ne s’applique pas, pour autant, aux homosexuels et lesbiennes d’ascendance amérindienne. C’est beaucoup plus spécifique.
2. L’expression « décoloniser le théâtre » pose une difficulté supplémentaire. Si on admet que le théâtre tel qu’il se pratique aujourd’hui vient du théâtre antique, et que son canon actuel, celui-là même que Yolanda Bonnell veut hybrider avec les rituels ojibwés, s’est formé en Europe, alors l’idée de décolonisation n’a aucun sens. A moins de faire du mot « colonial » un synonyme de « Blanc » ou d’« européen ». Auquel cas « décoloniser l’art » signifie « déblanchiser l’art », ce qui pose tout un tas de nouveaux problèmes que la brièveté du format journalistique nous empêche d’envisager ici.
Sources : L’Obs et Vice
Extrait de: Source et auteur
Venant d’une telle personne avec un tel physique on comprend bien pourquoi elle n’accepte pas la critique des non-Blancs.
Désormais, je comprends pourquoi la culture ne peut être que de gauche. Merci à ces “artistes” d’exister, sans eux la vie serait d’un tel ennui.
C’est quoi un racisé ? Un non-blanc ? Donc ceux qui utilise cette expression séparent l’espèce humaine en 2 catégories : les blancs et les autres ! Et l’implication derrière le terme est que les racisés sont oppressé par les blancs et que les racisés sont supérieurs aux blancs (car pas racistes, eux). Dans le genre monstre raciste, on est au top ! Ces gens sont d’une stupidité confondante…