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Libye & Géopolitique - Les peuples d'Afrique n'aiment pas Macron
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Michel Garroté -- L'analyse ci-dessous se subdivise en deux parties. La première partie se compose de diverses reflexions géopolitiques sur la situation en Libye et au Sahel. La deuxième partie porte sur le manque de sincérité qu’il y a dans les rapports entre la France et les pays africains : les peuples d'Afrique n'aiment pas Macron, car il y a cette manière de la France de se comporter en Afrique comme si elle était dans son jardin, manière qui ne plaît plus aux sociétés civiles. Pour les chefs d’Etat cela passe, ils avalent des couleuvres ; mais pas pour les sociétés civiles, pas pour les peuples.
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PREMIERE PARTIE
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De conférence en conférence :
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Les ministres des Affaires étrangères des pays limitrophes de la Libye se sont réunis, jeudi 23 janvier 2020, à Alger pour tenter de renforcer le fragile cessez-le-feu entre les forces du maréchal Khalifa Haftar, qui tiennent l'est du pays, et le gouvernement islamique dirigé par le Frère musulman pro-turc Fayez al Sarraj. Cette réunion à Alger, à laquelle participent l'Egypte, la Tunisie, le Soudan, le Tchad, le Mali et le Niger, s'inscrit dans une série d'initiatives internationales à l'image du sommet (inutile, hypocrite et naïf) qui s'est tenu dimanche 19 janvier 2020 à Berlin. Le ministre allemand des Affaires étrangères, l'idéaliste Heiko Maas, a fait le déplacement à Alger.
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"Le Sahel souffre de cette crise (libyenne). Une prolifération des armes dans la région a facilité la propagation du terrorisme", a souligné, à propos du conflit en Libye, le très lucide ministre tchadien des Affaires étrangères, Mahamet Zene Cherif.
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Guerre au Sahel - l’enjeu :
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Christian Vanneste, dans "Guerre au Sahel - l’enjeu", écrit notamment (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Si l’espoir d’assurer la consolidation des gouvernements dans cette région du monde [le Sahel] doit demeurer modeste, il y a une priorité stratégique qui peut, seule, mettre fin au djihadisme : il faut rétablir le verrou que constituait la Libye de Kadhafi. Celui-ci s’opposait aux islamistes et contrôlait la marqueterie tribale de son pays. L’intervention [de Sarkozy] en faveur de ses ennemis, notamment les Frères musulmans de Misrata, a été plus qu’une faute. Il est indispensable que la Libye retrouve un régime fort sur l’ensemble de son territoire. C’est la clef de la pacification du Sahel, ajoute Christian Vanneste (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Le gouvernement d’Al-Sarraj (Frères-musulmans et pro-turc) de Tripoli :
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A propos de la Libye, le géopoliticien Alexandre Del Valle écrit notamment (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Alors que la "communauté internationale" [ndmg - formule hypocrite qui devrait être remplacée par la formule réaliste "la caste onusienne et médiatique"] soutient toujours le gouvernement d’Al-Sarraj (Frères-musulmans et pro-turc) de Tripoli, lié à un parlement illégitime, les pays en guerre contre les Frères-musulmans, Emirats, Egypte et Russie (France officieusement) soutiennent l'armée du Maréchal Haftar, quant à lui soutenu par le Parlement légitime de Tobrouk (le plus récemment élu démocratiquement) et qui tente de prendre la capitale libyenne. Ce dernier vient d'ailleurs de s'emparer de Syrtes, un revers important pour le camp Sarraj qui bénéficie en revanche du renfort de jihadistes et miliciens islamistes que l'armée turque exfiltre de Syrie depuis quelques temps, ajoute Alexandre Del Valle (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Les distinctions entre Maghreb et Machrek s’amenuisent :
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De son côté, l'expert en géopolitique Gilles Falavigna écrit notamment (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : L’intégration du Maghreb au Moyen-Orient est factuelle. Elle ne devrait pas surprendre puisque le Département d’Etat américain a toujours considéré cette partie du monde comme faisant partie du Moyen-Orient. Petit à petit, les distinctions entre Maghreb et Machrek s’amenuisent [ndmg - L'Afrique du Nord, le Sahel, le Proche-Orient et le Moyen-Orient sont devenus un espace géopolitique global, dans le cadre de la guerre djihadiste que les islamistes mènent contre les Etats dirigés par des laïcs, tels que l'Egypte en Afrique du Nord et la Syrie au Proche-Orient]. Quelles en seront les conséquences ? La Grèce déplore de ne pas avoir été conviée au sommet de Berlin. Plus que jamais depuis l’invasion turque de Chypre, la Grèce est sous la menace turque. Pour appréhender les questions géopolitiques d’une région, il convient de regarder une carte en y projetant les données dont il est question : la Turquie est la 4e puissance navale au monde. La marine de l’Empire ottoman a toujours été le fer de lance du Califat, malgré l’épiphénomène de la bataille de Lépante. Erdogan ne se cache pas de vouloir redonner à la Turquie la grandeur de l’empire et de l’Islam, ajoute Gilles Falavigna (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Libye, 2'000 dollars par mois et nationalité turque pour les mercenaires islamo-syriens :
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Un salaire moyen de 2'000 dollars (1'800 euros), la nationalité turque et prise en charge médicale, c’est la promesse d’Ankara pour les combattants syriens qui combattraient le maréchal Haftar en Libye. Selon le quotidien britannique The Guardian, qui cite plusieurs sources, 2'000 combattants islamo-syriens sont déjà arrivés à Tripoli depuis la Turquie.
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DEUXIEME PARTIE
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Aucune résolution de la crise libyenne n’est envisageable sans l’Afrique :
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Les rideaux sont tombés, dimanche 19 janvier 2020, sur la Conférence de Berlin pour la Paix en Libye (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Convoquée sur une initiative allemande, la Conférence, dans sa conception, n’avait pas bien appréhendé le rôle prépondérant des pays africains pour toute recherche de solutions à la crise libyenne. Pour preuve, des pays comme la Tunisie, le Maroc, le Mali, la Mauritanie, etc., n’ont pas été invités à Berlin. L’Algérie voisine, n’a reçu son invitation qu’à la veille de la rencontre.
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A contrario, les pays européens ont été nombreux à y être invités. Fort heureusement, l’Afrique a été finalement présente à travers le Président Denis Sassou Nguesso, président du Comité de Haut niveau pour la Libye et le Président de la Commission de l’Union africaine Mahamat Moussa Faki. L’Algérie a été représentée tout comme la Libye via les deux frères belligérants, Fayez Al-Sarraj Président du Conseil présidentiel (GNA) et son alter ego, le Maréchal Khalifa Haftar, commandant suprême de la LNA qui contrôle près de 80% du territoire libyen. Ces deux derniers n’ont pas participé directement à la Conférence, mais ont tenu des réunions parallèles avec plusieurs délégations.
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Néanmoins, la Conférence a pris des mesures pratiques concernant notamment la création d’une commission de suivi, à la formule de 5+5, composée des 5 membres permanents du Conseil de sécurité (États-unis, Chine, Russie, France et Royaume-uni), en plus des 5 pays régionaux, parties prenantes du conflit libyen, à savoir : L’Allemagne, pays organisateur, les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Italie et la Turquie.
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Tous les observateurs ont déploré l’absence du président du Comité de haut niveau de l’UA sur la crise libyenne, le Président Denis Sassou Nguesso au sein de cette Commission, de même que le Président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki.
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Non obstant cette fonction qui le place au cœur du conflit libyen, Denis Sassou Nguesso est l’un des rares chefs d’État à avoir réuni dans son pays, toutes les factions en conflit en Libye. Il discute avec tous les belligérants et est reconnu par ses pairs comme l’un des plus grands sages du continent, jouissant d’un leadership régional incontesté. Sassou devrait dorénavant s’entourer d’experts qui pourraient l’accompagner dans son action diplomatique.
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On note aussi l’absence de l’Algérie et de la Tunisie, voisines directes de la Libye, tout comme l’absence de la Mauritanie, du Niger et du Mali, qui souffrent directement et quotidiennement des conséquences et répercussions de la crise libyenne. Cette aberration a poussé certains observateurs à dire à ce propos que « les vautours se bousculent autour du cadavre libyen ».
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En effet, l’idée de partage des dividendes ne serait pas absente dans la répartition des rôles au sein de la commission de suivi 5+5. Une telle posture conforte évidemment, les craintes émises quant aux similitudes entre la Conférence de Berlin, convoquée par Angela Merkel et celle de Berlin 1884, initiée par l’Allemagne via « le chancelier de fer » Otto Eduard Von Bismarck. C’était, on s’en souvient, pour partager le continent africain entre les puissances de l’époque.
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Entre autres décisions de la Conférence de Berlin, il y a également la mise en place d’une commission militaire de suivi dont la tâche consisterait à peaufiner un processus de trêve devant aboutir à terme à un véritable cessez-le-feu. On le sait, la trêve proclamée depuis Moscou, le 12 janvier 2020 est fréquemment violée par les acteurs en conflit. L’on suppose qu’elle ne reposait pas sur des fondements solides.
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Il s’agirait, dès lors, d’y travailler davantage pour aboutir à des résultats beaucoup plus concrets sur le terrain. Dans le document final, il est fait état d’un accord sur le respect strict de l’embargo sur les ventes d’armes en direction de la Libye, imposé par la résolution 1970 du Conseil de sécurité. Il est demandé aussi, l’arrêt immédiat de toute immixtion extérieure dans le conflit libyen. Au plan économique, un mécanisme de reconstruction du pays serait mis en place, lequel devrait s’occuper en priorité, de la reconstruction des villes de Benghazi, Derna, Mourzouq, Sebha, Syrte et Tripoli. Il est également recommandé de préserver les puits de pétrole et de laisser la prérogative de vente du pétrole, exclusivement à la Société nationale de pétrole de la Libye.
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Il n’en demeure pas moins que l’envoyé spécial de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé fonde beaucoup d’espoir sur les prochaines rencontres de Genève, qui pourraient aborder les aspects politiques de la question libyenne. Au même moment, le Président du comité de haut niveau de l’Union africaine, le Président Denis Sassou Nguesso convoque une autre Conférence à Brazzaville, le 30 janvier 2020, sur la Libye. Si elle est bien préparée, la Conférence de Brazzaville pourrait constituer un pas important vers la paix en Libye. Il faudrait, naturellement, que le Président Denis Sassou Nguesso y travaille avec des experts qui maîtrisent les aspects géopolitiques (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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La nature des rapports entre la France et les pays sahéliens à l’origine d’un rejet de la présence française :
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Interrogé par RT France, Louis Keumayou, journaliste, président du Club de l'information africaine, estime que les manifestations contre la présence militaire française ne relèvent pas d'un « sentiment antifrançais » (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : La réaction épidermique d’une partie de la population africaine est, selon lui, la conséquence de la nature des relations qu’entretiennent les autorités françaises avec les pays africains : « Je pense que le président de la République se trompe en parlant de sentiment antifrançais. Ce n’est pas un sentiment antifrançais. C’est le manque de sincérité qu’il y a dans les rapports entre la France et les pays africains qui pose problème », estime-t-il. Par ailleurs, Louis Keumayou rappelle que la convocation du G5 Sahel par Emmanuel Macron a été très mal prise dans les pays du Sahel [ndmg - et il le dit de façon claire et cinglante] : « Il y a cette manière de la France de se comporter en Afrique comme si elle était dans son jardin qui ne plaît plus aux sociétés civiles. Pour les chefs d’Etat cela passe, ils avalent des couleuvres, mais pas pour la société civile » (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Michel Garroté pour LesObservateurs.ch
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https://www.bvoltaire.fr/guerre-au-sahel-lenjeu/
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https://www.alexandredelvalle.com/single-post/libyeoccident
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https://www.jforum.fr/le-maghreb-face-cachee-du-conflit-au-moyen-orient-partie-3.html
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Les donneurs de leçon qui nous gouvernent, ne pensent qu’à leurs intérêts ,et n’en n’ont rien à faire des populations que ce soit la leur ou bien celles des pays où ils ont jeté leur dévolu par intérêts!!La honte des soi disant démocraties qui n’auront que ce qu’elles méritent si elles sont combattues par leurs citoyens(France)mon Pays