Roger Koeppel et les élections de Thuringe: les journalistes de la presse alllemande de complaisance souffrent d’une formidable blesssure narcissique 

Claude Haenggli
rédacteur/traducteur, Berne, Suisse

Roger Koeppel et les élections de Thuringe: les journalistes de la presse alllemande de complaisance souffrent d’une formidable blesssure narcissique 

 

Dans son éditorial de la Weltwoche, Roger Koeppel rappelle que si les Allemands de l’Ouest ont dû être libérés par les Américains en 1945, les Allemands de l’Est se sont libérés eux-mêmes du joug d’une dictature criminelle en 1989. Ce sont en partie les mêmes Allemands de l’Est qui votent aujourd’hui pour l’AfD. Comment alors expliquer que la presse allemande traite si mal l’AfD et ses électeurs ? Pour les arrogants révolutionnaires de pacotille de la gauche occidentale, le fait que leurs compatriotes de l’Est, objets de leurs moqueries, aient réussi une véritable révolution il y a trente ans, est probablement une formidable blessure narcissique.

 

https://www.weltwoche.ch/

Combattants de la liberté est-allemands

Éditorial de Roger Kœppel

Une fois de plus, les électeurs est-allemands sont décriés. Injustement.

L’idée entretenue par les médias selon laquelle les succès de l’AfD signifient la progression de l’extrémisme politique de droite en particulier en Allemagne de l’Est me semble erronée. Rien dans le programme de ce parti, dont certains membres sont contestables et dont certaines déclarations scandaleuses sont le fait de représentants isolés, ne vient étayer cette thèse. Prétendre sérieusement que des politiciens d’extrême droite «nazis» – qualificatif volontairement injurieux –, qui voudraient revenir à l’époque hitlérienne, jouissent en Allemagne d’une respectabilité, c’est mal comprendre l’Allemagne et absolument rien de l’époque hitlérienne.

L’AfD, au style d’opposition provocateur, est à juste titre critiquée pour ses excès par les médias. Mais on devrait au moins lui concéder le droit qui vaut pour tous les partis démocratiquement élus, à savoir le respect fondamental dû au fait que, par exemple, le week-end dernier, plus de 23% des électeurs ont librement décidé d’accorder leur voix à l’AfD en Thuringe, alors que pendant des mois toutes les chaînes de télévision leur faisaient la leçon et les mettaient en garde précisément de ne pas le faire.

Je me suis toujours demandé pourquoi, lorsque le résultat des élections ne répond pas à leurs attentes, les défenseurs soi-disant si ardents de la liberté, de la démocratie et de la philosophie des Lumières, pourquoi précisément ces nobles gardiens de nos valeurs occidentales fondamentales ne semblent pas accepter une valeur fondamentale de l’Occident, à savoir la responsabilité et la capacité de discernement du citoyen comme condition préalable élémentaire de toute démocratie.

Concrètement, les plus de 20% des électeurs de l’AfD de Thuringe ne votent pas pour l’AfD par nostalgie de l’époque nazie. Ils votent AfD parce qu’ils considèrent probablement l’AfD comme la moins mauvaise option parmi tous les autres partis allemands.

De telles opinions objectives semblent n’avoir désormais plus cours dans les médias publics allemands grisés par leurs convictions. La rhétorique alarmiste des journalistes est empreinte d’un mépris apparemment profond de l’électeur allemand que l’on ne se contente pas de créditer d’être par essence réceptif à l’idéologie nazie d’extrême droite. Les journalistes en veulent, qui plus est, particulièrement aux électeurs de l’AfD de voter pour un parti, en dépit des recommandations médiatiques de plus en plus insistantes, pour lequel de nombreux journalistes et politiciens estiment qu’il ne faudrait en aucun cas voter.

Regarder ce qui se passe aujourd’hui en Allemagne est donc assez dissuasif pour l’observateur suisse. On est frappé par un climat d’hystérisation hostile au débat dans lequel les médias officiels semblent uniquement être à l’affût d’un mot ou d’une petite phrase d’une personne, moins à gauche que les journalistes, qui permettrait de la coincer, de la pendre haut et court. Peu importe ce que le suspect voulait dire ou communiquer. La seule chose qui compte est de savoir si on peut lui faire dire avec la petite phrase, le mot, si nécessaire déformés, le sens souhaité par l’Inquisition et hystériser le débat.

En Allemagne, on perd aujourd’hui son emploi si l’on est pris en flagrant délit de déjeuner avec le co-président de l’AfD, le professeur d’économie Jörg Meuthen, député démocratiquement élu du Bundestag et appartenant à l’aile modérée de son parti. Un journaliste qui déclarerait publiquement voter AfD deviendrait immédiatement persona non grata dans la profession, serait déclaré atteint de troubles psychiques ou toxicomane. Les Allemands sont-ils sur le point de perdre la raison?
Probablement pas. Mais on remarque à la façon de traiter l’AfD que l’Allemagne est encore une démocratie très jeune. Le pays a été gouverné durant des siècles par des princes et des rois. Le fondateur du Reich, Bismarck, a fait un sort au libéralisme politique. Sa dictature est devenue au cours des décennies suivantes l’arme de destruction massive de ses successeurs incompétents. Depuis 1945, l’Allemagne de l’Ouest a la démocratie, l’Est seulement depuis 1989.
On le remarque. Mais différemment de ce que croient en savoir les médias allemands. Alors que les Allemands de l’Ouest ont dû être libérés par les Américains en 1945, les Allemands de l’Est se sont libérés eux-mêmes du joug d’une dictature criminelle en 1989. Ce sont en partie les mêmes Allemands de l’Est qui votent aujourd’hui pour l’AfD.
L’insinuation dans les médias traditionnels selon laquelle ces Allemands de Saxe ou de Thuringe seraient séduits par un parti liberticide et antidémocratique revient à se moquer insolemment de ces combattants est-allemands de la liberté qui se sont courageusement levés contre la dictature et la servitude, qui ont revendiqué leurs droits de citoyens face aux fusils de l’Armée populaire nationale, qui ont risqué leur vie pour la liberté.
Dans la diabolisation journalistique de l’AfD et, plus encore, dans la suspicion généralisée à l’égard des nouveaux Länder, qui seraient un terrain propice à l’idéologie brune, s’exprime surtout l’extrême arrogance des Allemands de l’Ouest envers les Allemands de l’Est. En tapant sur l’AfD et ses électeurs, les critiques ouest-allemands s’assurent de leur prétendue supériorité morale et démocratique.
Ni plus ni moins. Ni plus ni moins que de l’arrogance. Que leurs compatriotes de l’Est, objets de leurs moqueries, aient réussi une véritable révolution il y a trente ans est probablement une formidable blessure narcissique infligée à ces arrogants révolutionnaires de pacotille de la gauche occidentale.

Les courageux Allemands de l’Est semblent plus épris de liberté et moins influençables que leurs calomniateurs arrogants. Ils savent mieux, par expérience douloureuse, ce que signifie manquer de liberté et être régentés. Ils n’ont pas besoin de se laisser reprocher par quiconque un manque de conviction démocratique.
Je pense que l’on vote AfD non pas pour, mais en dépit de ses dérapages. On devrait reconnaître aux électeurs, en particulier à ceux de l’Est, qu’ils sont bel et bien des démocrates responsables et capables de discernement.

Roger Koeppel, 31.10.2019

 

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