Nouvelle guerre au Moyen Orient ? – L’ombre de l’Iran plane sur l’Arabie saoudite

Michel Garroté
Politologue, blogueur

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Nouvelle guerre au Moyen Orient ? - L'ombre de l'Iran plane sur l'Arabie saoudite

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Michel Garroté  --  Obtenir un front sunnite uni n'est pas chose aisée pour les Saoudiens. Si les Emirats et Bahreïn sont alignés sur Riyad, leurs autres partenaires du CCG - Qatar, Oman, Koweït - entretiennent des relations quasi-normales avec Téhéran (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page). L'ombre de l'Iran a plané sur trois sommets à La Mecque, en Arabie saoudite, au moment où les Etats-Unis maintiennent la pression sur la République islamique iranienne avec un climat de tensions dans le Golfe.

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Le royaume saoudien ne domine pas le monde sunnite

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Le royaume saoudien sunnite, allié de Washington, entendait isoler davantage son grand rival iranien chiite et les trois réunions - monarques du Golfe, chefs d'Etat arabes et leaders des pays musulmans - ont servi cet objectif, à savoir obtenir le soutien le plus large possible. "Anticipant l'intensification de la confrontation ou de la diplomatie", l'Arabie saoudite cherchait à consolider un soutien arabe et musulman.

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Les tensions régionales se sont exacerbées depuis que l'administration de Donald Trump a renforcé les sanctions contre Téhéran après avoir quitté, il y a un an, l'accord international de 2015 sur le nucléaire iranien. Elles sont encore montées de plusieurs crans avec l'attaque le 12 mai de quatre navires, dont deux tankers saoudiens, au large des Emirats arabes unis, ainsi que la multiplication de tirs de drones par les rebelles yéménites houthis, soutenus par Téhéran, sur des cibles saoudiennes, dont deux stations de pompage d'un oléoduc.

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Début mai, Washington avait annoncé le déploiement dans le Golfe d'un porte-avions et de bombardiers B-52 avant de décider l'envoi de 1.500 soldats de plus au Moyen-Orient. Des généraux iraniens ont, eux, menacé de fermer en cas de guerre le détroit d'Ormuz par lequel passent 35% du pétrole transporté par voie maritime. Alors que le sommet de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) était prévu de longue date, Riyad a convoqué deux autres réunions, celles du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et de la Ligue arabe.

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Présidé par le roi Salmane, le 14e sommet de l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI) a visé à forger une position unifiée sur les questions actuelles. Parmi ces sujets figuraient la lutte contre le terrorisme, la question palestinienne et "l'islamophobie" en Occident. A noter que l'Iran fait partie de l'OCI (57 membres). Riyad, qui cherche à asseoir son autorité sur le monde arabo-musulman, accuse l'Iran de déstabiliser Bahreïn, l'Irak, la Syrie, le Liban et le Yémen en fournissant des armes à divers groupes, notamment les houthis.

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"La coordination et l'unité des rangs sont importantes dans ces conditions critiques et Riyad est habilitée, avec son poids régional et international, à les réussir", a dit Anwar Gargash, ministre d'Etat émirati aux Affaires étrangères. Mais obtenir un front uni n'a pas été chose aisée. Si les Emirats et Bahreïn sont alignés sur Riyad, leurs autres partenaires du CCG (Qatar, Oman, Koweït) entretiennent des relations quasi-normales avec l'Iran.

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Doha s'est rapproché de l'Iran depuis que l'Arabie saoudite, les Emirats, Bahreïn et l'Egypte ont rompu avec lui mi-2017 en l'accusant de soutenir le terrorisme. Oman a des relations traditionnellement bonnes avec l'Iran, les deux pays partageant le contrôle du détroit d'Ormuz. Le Koweït craint la fermeture de ce passage où transite toutes ses exportations de pétrole.

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L'Iran soutient en outre de puissants mouvements politiques au Liban, en Syrie et en Irak, ce qui empêche ces pays de s'opposer frontalement à lui comme le souhaite Riyad. De manière générale, plusieurs pays peuvent ne pas aimer l'Iran et son attitude régionale, mais préféreront sans doute éviter une position conflictuelle. Les attaques contre des navires à l'entrée du Golfe et les stations de pompage en Arabie saoudite ont suscité des inquiétudes quant à la sécurité des approvisionnements pétroliers. Les houthis ont revendiqué la deuxième attaque, tandis que les Emirats disent vouloir enquêter sérieusement sur le sabotage des navires, s'abstenant de désigner l'Iran.

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Mais des responsables américains n'ont pas hésité à le faire, à l'instar du secrétaire d'Etat Mike Pompeo. Washington a annoncé de nouvelles ventes d'armes à l'Arabie saoudite et aux Emirats, en invoquant la menace imputée à l'Iran pour contourner un Congrès de plus en plus hostile à Riyad. La reprise d'activités nucléaires iraniennes, mais aussi la perturbation des exportations de pétrole sont des moyens d'améliorer le pouvoir de négociation de Téhéran. Mais si ces manœuvres sont un jeu diplomatique, c'est dangereux car une partie peut mal comprendre les intentions de l'autre (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).

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C'est comme une ambiance de lendemain de soirée (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : le royaume wahhabite s’est-il félicité un peu trop vite du soutien quasi unanime de ses partenaires arabes face à l’Iran, après la tenue du sommet extraordinaire du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et de celui de la Ligue arabe à La Mecque ? Le Qatar est apparu comme le trublion de la fête, après que son ministre des Affaires étrangères Mohammad ben Abderrahmane al-Thani a exprimé « des réserves » sur les sommets de La Mecque, affirmant que son pays n’avait « pas été consulté » pour les communiqués finaux, dont des dispositions sont « contraires à la politique étrangère de Doha ».

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L'absence de la Turquie

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L’absence de l’autre prétendant au leadership du monde sunnite a également été remarquée. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’ayant pas fait le déplacement, la délégation de la Turquie a été conduite par le ministre des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu. Les relations diplomatiques entre Ankara et Riyad se sont tendues après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018 au consulat de son pays à Istanbul, conduit par des agents venus de Riyad. Une manière également de rappeler que ni le roi Salmane ni le prince héritier n’avaient assisté au précédent sommet de l’Organisation de la coopération islamique en mai 2018 à Istanbul, où la Turquie s’était présentée comme le fer de lance de la "cause palestinienne" [ce n’est pas une mais trois invitations – le sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a eu lieu samedi – qu’a lancées le royaume saoudien]. - (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page)

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En Syrie, les tensions s’accroissent entre la Russie et l’Iran

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L’Iran a déployé des milliers de membres de son corps de gardiens de la révolution islamique (IRGC) et de ses milices chiites alliées en Syrie, tandis que la Russie est officiellement entrée dans le conflit syrien en septembre 2015 pour aider le régime d’Assad (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : à mesure que la guerre s’apaise et que les forces du régime syrien reprennent la majeure partie du territoire qui était contrôlé par les forces rebelles, la Russie et l’Iran semblent se disputer l’influence dominante dans ce pays déchiré par la guerre.

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Mais maintenant, en juin 2019, il y a plus de points de friction entre les deux pays que jamais auparavant. Alors, naturellement, on devrait les voir en concurrence pour remporter des contrats avec le régime syrien, y compris dans les secteurs de l’énergie et de l’électricité et d’autres types d’investissements. En 2018, la Russie a obtenu les droits exclusifs de production de pétrole et de gaz syriens. La Russie a également signé un contrat d’utilisation du port syrien de Tartous pendant 49 ans, tandis que l’Iran a remporté une offre pour utiliser partiellement le port de Lattaquié.

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Les deux pays veulent monopoliser économiquement la Syrie à long terme, car ils ont consenti des prêts considérables au régime syrien tout au long de la guerre. Ce type de concurrence continuera en Syrie, mais la domination économique de la Russie finira sans doute par l’emporter (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).

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Adaptation de Michel Garroté pour LesObservateurs.ch, 5.6.2019

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https://www.lorientlejour.com/article/1172399/lombre-de-liran-plane-sur-trois-sommets-prevus-en-arabie-saoudite.html

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https://www.lorientlejour.com/article/1173425/la-famille-sunnite-toujours-aussi-divisee.html

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https://www.jforum.fr/les-tensions-saccroissent-entre-la-russie-et-liran-en-syrie.html

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Un commentaire

  1. Posté par miranda le

    Et vous ajoutez :
    Les deux pays veulent monopoliser économiquement la Syrie à long terme, car ils ont consenti des prêts considérables au régime syrien tout au long de la guerre. Ce type de concurrence continuera en Syrie, mais la domination économique de la Russie finira sans doute par l’emporter” .
    Donc dans le cas de la Syrie, le fait de posséder des réserves d’énergie a condamné ce pays à devenir l’otage de tous. Ainsi quand un pays possède des réserves de pétrole ou de gaz, cela peut creuser sa tombe. Mais s’il n’y avait que cela. Cette région est aussi celle de toutes les tensions et la Syrie a fait alliance avec ceux qui déplaisent fortement à l’Oncle Sam. Et cela se paie hélas très cher.

    La plus habile, l’Arabie Saoudite a su en faire “son parrain”, mais pour combien de temps? L’Oncle Sam est fidèle si on sait rester son vassal. Mais un jour, l’oncle Sam peut vous empêtrer dans une guerre qui ne vous tente pas et qui peut vous faire disparaître, surtout à l’heure de la guerre des nouvelles technologies.
    C’est là dans toute sa splendeur, la puissance outrancière qu’exerce l’Amérique “des hauteurs mondialistes” sur le monde.
    Comme les guerres que fait l’Amérique”des hauteurs” sont de grands carnages, on aimerait croire que les conflits de cette zone ne s’étendront pas plus loin, mais la tentation d’engager l’Algérie dans ces conflits, se profile à l’horizon. Cela impactera inévitablement l’Europe.

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