De notre correspondante à Beyrouth. Le 28 décembre à Machhad, à la fois ville d’origine de l’ayatollah Khamenei et fief d’Ibrahim Raisi, principal opposant de Rouhani au nord-est du pays, quelques centaines de manifestants protestent contre la cherté de la vie. Quelques slogans disparates plus tard et la manifestation se disperse sans heurt. Des observateurs affirment que les mouvements des premières heures sont l’œuvre des ultraconservateurs qui s’opposent systématiquement au « modéré » Rouhani et à son gouvernement.
Mais, dès le lendemain, ce sont des milliers de personnes de toutes sensibilités politiques et sociales qui se joignent au mouvement de protestation dans l’ensemble du pays, avec chacun des revendications différentes. Le 29 décembre, le premier vice-président Eshaq Jahanguiri met en garde l’opposition contre tout dérapage, tout en rappelant le droit du peuple à manifester.
Ce mouvement semble s’intégrer dans le cadre d’une grogne populaire qui a vu le jour début décembre à la suite du vote du budget du gouvernement et de l’austérité annoncée. Ali Vaez, directeur de projet du Groupe de Crise pour l’Iran, explique : « Les récentes hausses de prix, la réduction des subventions et les résultats économiques du pays, malgré un certain nombre de transactions majeures et la reprise des ventes de pétrole depuis l’accord sur le nucléaire signé en 2014, n’ont pas permis d’endiguer le chômage, la corruption et les inégalités des revenus. Tout cela a contribué à alimenter le mécontentement généralisé, déclencheur des manifestations. Ni révolution, ni mouvement politique, cette crise figure les frustrations du peuple iranien confronté à une stagnation politique et économique. Au-delà de la lutte qui oppose l’Etat, avec ses forces de sécurité au service du pouvoir, à la société, particulièrement une classe de jeunes travailleurs, étudiants et chômeurs, les manifestations mettent également en lumière les fractures qui divisent la classe politique. »
“Pahlavi ! Pahlavi !”
On entend même des appels à la dynastie des Pahlavi qui fusent dans les foules : aux « mort à Rouhani » répondent des « mort au guide ! », « mort au Hezbollah ! », « Pahlavi ! Pahlavi ! (du nom de la dynastie du dernier Shah d’Iran) », ou encore « Reza Shah, Roi des Rois ! » Comme il se doit, Washington enfonce des portes ouvertes : « Les dirigeants iraniens ont transformé un pays prospère doté d’une histoire et d’une culture riches en un Etat voyou à la dérive », affirme le porte-parole de la diplomatie américaine, Heather Nauert. Pour sa part, Donald Trump se lâche sur twitter : « Les régimes oppresseurs ne peuvent perdurer à jamais », avant d’ajouter que « le grand peuple iranien est réprimé depuis des années. Il a faim de nourriture et de liberté », ce qui provoque une réaction immédiate de Moscou, qui estime qu’il « s’agit d’une affaire intérieure iranienne » et que « toute intervention extérieure déstabilisant la situation sera inadmissible ».
Dans le flot des accusations diverses, l’ayatollah Ali Khamenei a accusé mardi les « ennemis » de l’Iran de porter atteinte au régime, tandis que le gouvernement accuse les Moudjahidine du peuple (opposition historique au régime des mollahs) d’alimenter les violences et d’être liés à l’Arabie saoudite. Enfin, plusieurs milliers de manifestants pro-régime se sont rassemblés mercredi dans plusieurs villes d’Iran pour condamner les « troubles », en scandant : « Nous offrons à notre guide le sang qui coule dans nos veines », en brandissant des drapeaux iraniens, à la suite de quoi les Gardiens de la Révolution ont proclamé la fin du mouvement de contestation. Selon les autorités, les troubles qui ont débuté le 28 décembre à Machhad, deuxième ville d’Iran, ont été marqués par la mort d’au moins 21 personnes et par plusieurs centaines d’arrestations.
Photo : La situation en Iran inquiète les observateurs.
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