La Russie comme nouvel arbitre au Moyen-Orient ?
La situation au Moyen-Orient est instable et imprévisible. Les victoires contre l’Etat Islamique en Syrie et en Irak redistribuent les cartes. La volonté des Kurdes de créer un Etat cause des tensions en Irak et a amené la Turquie à intervenir plus massivement en Syrie. La purge orchestrée par le Prince Héritier d’Arabie Saoudite risque de déstabiliser le royaume. L’Iran cherche à s’imposer sur divers terrains comme au Yémen, en Syrie ou encore en Palestine ou à justement lieu un rapprochement entre le Fatah et le Hamas.
Alors que les Etats-Unis souffrent d’un important manque de crédibilité suite aux défaites militaires non avouées en Afghanistan et en Iran, au manque de stratégie cohérente sous Obama et a une communication chaotique sous Trump, la Russie profite du vide laissé par Washington pour redevenir un acteur de premier plan sur la scène géopolitique au Moyen-Orient. Omniprésence diplomatique et militaire en Syrie, soutien au maréchal Haftar en Libye, défense de l’accord sur le nucléaire iranien et coopération économique avec l’Algérie et le Maroc, la Russie de Poutine est partout. Avec une stratégie : la Realpolitik et un objectif : le rétablissement d’un certain ordre régional.
Mieux que quiconque, Poutine a su comprendre les enjeux de la situation géopolitique au Moyen-Orient L’Iran est présent un peu partout, de Beyrouth à Damas en passant par Bagdad. L’influence du régime de Téhéran est politique, économique et idéologique. Mais la relation étroite qu’entretiennent les Mollahs avec Pékin relève d’une importance majeure pour comprendre la situation dans la région. « Vu de Pékin, l’Iran est un pays clé et la Chine est déjà son premier partenaire économique. Les deux Etats partagent également un même souci: contrer l’extrémisme sunnite. A Washington, Trump chante une tout autre chanson. Il vomit l’Iran, accablé de tous les maux, notamment celui de soutenir le terrorisme international, et il veut dénoncer l’accord sur le nucléaire. » Rapporte la Liberté (1).
Trump renoue également les liens avec l’Arabie Saoudite. Et le Prince Héritier Mohammed ben Salmane Al Saoud a tout le soutien de Washington dans la mise en œuvre de la purge qui vise avant tout à lui assurer un pouvoir absolu. Ce rapprochement enchante Israël, car paradoxalement le royaume ultraconservateur wahhabite est un allié de premier plan pour l’Etat Hébreux.
La Chine se retrouve alliée avec l’Iran tandis que les Etats-Unis renforcent l’alliance avec l’Arabie Saoudite et Israël. Seul Moscou semble tenter de surmonter ce dangereux antagonisme. Après avoir provisoirement sauvé Assad, Poutine continue de soigner son alliance avec l’Iran sans cesser d’entretenir de bonnes relations avec le premier ministre israélien. Et en même temps il accueille les chefs palestiniens du Hamas et ceux du Fatah. Il s’est aussi rapproché de la Turquie tout en cultivant ses liens avec les Kurdes de Syrie et d’Irak. En outre, il a reçu à Moscou le roi Salman d’Arabie saoudite. Moscou maintient un dialogue engagé avec tous les acteurs de la région.
En renonçant à entrer dans le jeu de la polarisation, la Russie devient de fait le nouvel arbitre de la région.
1) « Moyen-Orient: Dangereuse polarisation » La Liberté du 02.11.2017, le lien, ici
Albert Leimgruber
9.11.2017
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