Police: a toujours tort. Flaubert (version II)

Yvan Perrin
Ancien Conseiller national

La citation qui sert de titre à ces quelques lignes a servi récemment je l'avoue. Je me suis néanmoins permis de la reprendre dans la mesure où l'actualité ne cesse de démontrer la clairvoyance de son illustre auteur. On apprend en effet aujourd'hui grâce à la RTS qu'une nouvelle fois, un policier genevois a été condamné pour excès de vitesse en intervention. L'homme se rendait toutes affaires cessantes à Plan-les-Ouates où des délinquants avaient fait sauter un bancomat. Précisons que les faits se sont déroulés en novembre 2015 vers 04h00. Manque de chance, un radar placé sur le chemin était lui-aussi en service et a immortalisé le passage de la patrouille à vive allure, plus précisément à 42 km/h au-dessus de la vitesse autorisée.

Bilan, 120 heures de travail d'intérêt général avec sursis et une amende de CHF 1'000.-- infligées par la justice genevoise. Dans son appréciation des faits, l'institution estime que le conducteur "a négligé son devoir de prudence à l'égard des tiers". Il doit donc être puni, d'où cette sanction qui ne va pas manquer de motiver les troupes.

La question de la vitesse en intervention est en effet un sujet qui préoccupe de longue date les représentants des forces de l'ordre. Le policier appelé en urgence se trouve placé devant un choix. Il se rend au plus vite là où on l'attend et court le risque d'y laisser son permis de conduire, quelque argent voire plus si affinité ou il se contente d'aller tranquillement sur les lieux pour le plus grand bonheur des criminels qui n'ont en principe pas les mêmes scrupules automobiles, ce qui leur permet de regagner la frontière dans le calme. Notez qu'avec la tendance actuelle, il est vrai que la police devrait rouler doucement, surtout en cas de poursuite. Imaginez qu'un délinquant en fuite provoque un accident, la maréchaussée à ses trousses. Il ne manquera pas de se retourner contre elle au motif que s'il n'avait pas été pourchassé, il aurait roulé moins vite.

La situation se présente également lors de filatures motorisées, situation encore pire puisque les conditions d'urgence ne sont pas remplies. Une nouvelle fois, le choix est cornélien, laisser filer la personne suivie et contrarier l'enquête ou prendre des risques à titre personnel. Si nous avons la chance de pouvoir compter sur des hommes et des femmes ayant à cœur de remplir leur mission résumée en trois mots, protéger et servir, on ne saurait attendre d'eux qu'ils encourent la moindre sanction pour avoir fait ce que nous attendons d'eux.

Ce cas précis met une nouvelle fois en évidence la difficulté pour les forces de l'ordre, plus généralement pour toutes les services de secours, de remplir leur mission en tenant compte de la loi sur la circulation routière. A l'heure actuelle, il est possible d'échapper aux dispositions du texte dans des circonstances bien précises, longuement appréciées après coup, livre de droit en main, café sur le bureau. Dans le feu de l'action, le temps de réflexion est nettement plus court, surtout lorsque l'intervenant pense aux personnes qui ont besoin de lui.

Il est vrai que le Procureur général a assoupli les règles en début d'années, octroyant ainsi une plus grande marge de manœuvre à la police. C'est un pas dans la bonne direction mais l'impulsion devrait venir du monde politique en vue de corriger les excès de Via Sicura. L'initiative visait au départ les fous du volant se tirant la bourre en ville ou ailleurs au mépris de la vie. C'est ensuite que les choses se sont gâtées lorsque la majorité du Conseil fédéral a choisi de punir l'ensemble des usagers de la route.

Le temps est long lorsqu'on attend quelqu'un pour éteindre un incendie, prendre en charge un malade, un accidenté ou agir sur les lieux d'un délit. Les personnes qu'un sort funeste a placé en pareille situation peuvent en témoigner; cela peut nous arriver à tous. Les services d'urgence méritent notre confiance. Nous avons aujourd'hui l'opportunité de la leur témoigner en soutenant l'initiative visant à corriger les dérives de Via Sicura. Par une simple signature, nous faisons aussi un geste en faveur de notre propre sécurité, cette sécurité sur laquelle veillent celles et ceux qui sont aujourd'hui punis pour nous être venus en aide.

La Côte-aux-Fées, le 13 juillet 2017                                                       Yvan Perrin

10 commentaires

  1. Posté par INFO le

    « La police fédérale (Fedpol) a refusé d’assurer la protection de la délégation suisse, dont celle de la présidente du Conseil national Irène Kälin, lors du voyage en Ukraine. La mission est considérée comme trop dangereuse, ce qui irrite la première citoyenne du pays. Fedpol a déconseillé à l’écologiste de se rendre à Kiev. »
    http://www.blick.ch/fr/news/suisse/lukraine-trop-dangereuse-irene-kaelin-fachee-fedpol-me-protege-a-thoune-mais-pas-a-kiev-id17440162.html

  2. Posté par UnOurs le

    Ah, et je recommande vivement le film “Troupes De Choc”, excellent film brésilien illustrant les rapports que peuvent entretenir les représentants de l’ordre (du moins, ceux qui ne sont pas des “gammelards”) et les autorités politiques, quand on laisse un peu trop aller les choses :

    https://youtu.be/aqsK9tapaq4

    Je nous donne 15 ans, avant d’en arriver là, si rien n’est fait.

  3. Posté par UnOurs le

    Hé bien, quand un socialiste genevois ou tout autre personne de “progrès” sera agressé à Genève, que les policiers, pour intervenir, respectent strictement les limitations, les stops et choisissent volontairement le chemin le plus long et le plus sûr.

  4. Posté par Bruno le

    Les policiers ont désormais tout intérêt d’utiliser le tram et le bus en intervention.

  5. Posté par Maurice le

    @ INFO.
    « Peuvent être équipés de feux bleus et d’un avertisseur à deux sons alternés les véhicules mentionnés à l’art. 27, al. 2, LCR, ainsi que les véhicules qui leur sont assimilés (énumération exhaustive), à savoir : … »
    À quoi servent les feux bleus si ceux qui y ont droit sont contraints de respecter les vitesses et ne peuvent donc arriver rapidement auprès des personnes à secourir ou des délinquants à arrêter ?

  6. Posté par Loulou le

    C’est simple pourtant: si la loi oblige la police à se conformer aux vitesses légales et au code de la route, la police respecte la loi. Et c’est tout. Ce n’est pas à la police de décider l’application de la loi et de penser. La police est payée pour obéir (dixit un flic qui un jour m’a sorti:”je ne suis pas payé pour penser”). C’est ainsi. La loi est mal faite? Certes, mais c’est ainsi. Le jour où l’un de ces politicards ou juge se fera “homejacker” dans son appart ou sa maison de luxe, que la police fasse du zèle: à 35km/h, toute sirènes hurlantes. D’ailleurs qu’elle le fasse systématiquement: les politicards gauchistes de Plainpalais ne supporteront pas longtemps cet état de fait, sous leurs fenêtres, 4 fois par nuit.

  7. Posté par monde-tombé-sur-la-tête le

    Des toutes façons tout le monde sait que les limites de vitesse ridiculement basses en Suisse, et les cameras tous les 30 mètres, n’ont rien à voir avec la sécurité, et ne sont là que pour traire les automobilistes.
    C’est plutôt le contraire: des conducteurs qui sont obligés de passer des heures dans les bouchons pour rien, et de rouler à des vitesses ridicules juste pour arriver 30m plus loin à un nouveau feu rouge de 4 minutes, sont forcement énervés et impatients et peuvent conduire moins prudemment voire péter un plomb.
    Mais lorsque à 4h le matin des forces de l’ordre se précipitent dans les rues vides lors d’un cambriolage par des racailles qui eux, ne sont que rarement inquiétés par la justice, se font réprimander, il y a en effet des questions à se poser.

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