On ne cesse de parler d’un monde en mutation fondamentale, dont les paramètres d’ajustement ont considérablement évolué depuis au moins une trentaine d’années, début symbolique de la globalisation financière et de la mondialisation. La Terre est devenue plate, la donne politique a changé notamment depuis la fin de l’URSS – et même depuis Gorbatchev, dont l’accès au pouvoir est presque concomitant avec la mondialisation – et l’émergence de la Chine et autres pays émergents au même moment. Le monde s’affole depuis le milieu des années 1980, puis panique avec des USA qui en font un monde unipolaire. C’est la réaction symbolique du 11 septembre 2001 à la toute-puissance américaine qui se croit tout permis, qui porte la guerre chez son ex-allié Saddam Hussein et enflamme le Moyen Orient en toute impunité, pour ses seuls intérêts.
Ce gigantesque bouleversement des équilibres – certes précaires – du monde d’avant les années quatre-vingt, affole les chancelleries, perturbe nos dirigeants, rend les peuples incertains et inquiets de leur futur, mais réjouit les financiers.
Et pourtant… Comment concevoir dans ce contexte totalement déstabilisé, que les alliances nées de l’Après-Guerre constituent toujours le fondement de la politique européenne. Alliés il y a près de 80 ans, amis pour toujours ? La politique ne repose pas sur des relations d’amitié, mais sur la défense des intérêts des peuples. L’Europe éternellement reconnaissante du Plan Marshall ? Une Allemagne inféodée aux USA dans une reconnaissance culpabilisante pour mille ans ? Une France grincheuse et bouffie de rodomontades, mais finalement remorque américaine ? La Fayette ? 1917 ? 1944 ? Tout cela va durer combien de temps face à un monde dont ces souvenirs mélancoliques n’agitent pas un dirigeant et n’intéressent personne.
Les idéologies ont changé, Bandoeng est très loin, Castro est mort, Lénine, Staline et Hitler aussi. Les enjeux du XXIe siècle n’ont aucun rapport avec ceux de l’Après-Guerre. Les dangers ont changé de face : un véritable choc des civilisations s’est fait jour peu à peu, remplaçant les conflits d’antan. Les problèmes sont devenus transversaux, transgressant les vieilles dichotomies gauche/droite, communisme/libéralisme, dictatures/liberté.
Y a-t-il d’ailleurs encore des États où la liberté existe ? Oui, bien sûr, mais au prix des nouvelles dictatures du cloud, du fichage de près de 4 milliards d’êtres humains par la NSA et les multinationales tentaculaires américaines (voir affaire Snowden).
Dictatures insidieuses des champions de la démocratie qui s’arrogent le droit divin d’intervenir où et quand elles veulent avec une violence meurtrière inouïe.
Jean-Jacques Goldman a écrit une chanson – Si j’étais né en 1917 à Leidenstadt – sur la difficulté terrible de faire des choix dans des contextes d’exception que l’on vit au quotidien. Et si nous étions nés en 1990 à Damas ou à Bagdad, qui aurions-nous rejoint ? Al Qaida ou Bachar El Assad ou Saddam Hussein ou les USA ?
Comment l’Europe ne comprend-elle pas – ou pire encore ne veut pas comprendre – que dans un monde nouveau il faut une nouvelle politique sur ses institutions, nées en 1957 et poussivement développées au gré des évènements induits par les USA ; sur son appartenance à l’OTAN, provocation permanente d’un autre âge à la Russie et même au reste du monde où l’OTAN peut maintenant intervenir suite à la modification de ses statuts ; sur son suivisme béat à la politique américaine dont on considère encore et toujours qu’elle constitue un bouclier incontournable, incapable de se forger sa propre force contre nos ennemis de demain.
Mais quels ennemis ? La Russie si on continue nos provocations stériles et haineuses de principe ? La Chine – à quand Les Chinois à Paris, comme l’annonçait Jean Yanne il y a 40 ans – ? L’Inde ? Ou plutôt toute la partie du monde qui refuse les démocraties libérales et les Droits de l’Homme sacro-saints ? La partie du monde qui s’accroche aux cultures de ses peuples, à leurs identités, à leurs valeurs religieuses, et qui n’est plus du tout béate devant le « miracle » libéral porté par l’idéal « american way of life ».
Une fois la jouissance et l’euphorie nouvelle de la richesse passée, les valeurs civilisationnelles reviendront en force, car elles seules forgent et sauvent les peuples.
Quand l’Europe s’affirmera en tant que puissance souveraine et donc autonome de toute ingérence étrangère à son devenir ? Quand cessera-t-elle de se repentir et affirmera-t-elle son rayonnement ? Quand cessera-t-elle de baisser la tête au nom d’un « devoir de mémoire » imposé par Primo Lévi ?
Il lui faudra briser ses anciennes alliances, en forger de nouvelles avec utilité et surtout s’ériger comme une autorité dans le monde. Les budgets militaires doivent atteindre 5 % du PIB et la voix de l’Europe devra être univoque et incontestable. La force a toujours été respectée, la faiblesse méprisée.
Le philosophe Friedrich Hölderlin écrivait au XIXe siècle : « Là où croît le danger, croît aussi la force de ce qui sauve ». L’Occident doit vite retrouver la force pour se sauver.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.Cet article US go home ! est apparu en premier sur Eurolibertés.
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