Les Accords Bilatéraux, l’invincible atout

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

Lorsqu'on joue au tarot, disposer du 21 d'atout est avantageux: c'est le plus puissant des atouts. En conséquence, la carte ne peut jamais être ramassée par l'adversaire. Quelles que soient les circonstances, les appels au roi et le contrat en cours, le joueur qui pose le 21 d'atout ramasse le pli en jouant sa carte, point.

tarot_le_21.jpgDisposer du 21 d'atout est, clairement, très confortable.

Dans le jeu politique suisse, les Accords Bilatéraux semblent jouer le même rôle. Une réforme pose problème? Le peuple gronde? "Attention, la refuser menace les Accords Bilatéraux!" crient à l'unisson journalistes et politiciens. Les contestataires grommellent et retournent dans leurs tanières en maugréant. Une initiative barre la route de la soumission de la Suisse à l'Union Européenne? "Votez comme vous voulez, mais si cette initiative passe, alors c'est la fin des Accords Bilatéraux!!" glapissent divers éditorialistes et experts judicieusement choisis. L'avertissement disperse le public rassemblé autour de l'initiative aussi vite qu'un compère au chapeau à la fin d'un spectacle de rue.

L'invocation des Accords Bilatéraux est le baiser de la mort du discours politique helvétique. Toutes proportions gardées, les Accords Bilatéraux ressemblent comme deux gouttes d'eau à la fameuse Loi de Godwin et son fameux "point Godwin". Il faudrait juste l'appeler différemment. Le "point Junker", par exemple.

Sa dernière utilisation en date remonte à quelques jours, lorsque l'Union Européenne révéla une nouvelle directive sur les armes à feu, la directive 91/477, obligeant tous leurs détenteurs à des tests psychologiques. Jusque-là, nous assistons juste à une démonstration supplémentaire et assez typique de l'incompétence de l'UE: bien que les attentats de masse soient actuellement en Europe le fait d'islamistes utilisant des bombes artisanales, des armes achetées au marché noir, des couteaux ou des poids lourds fonçant dans la foule, l'UE réagit donc au nom de la "sécurité" en tournant ses soupçons vers les individus honnêtes, chasseurs, tireurs sportifs et amateurs d'armes. Punissez les innocents, il en restera toujours quelque chose.

Dans un monde normal, cela ne devrait pas nous concerner - l'UE a ses délires, nous avons les nôtres. Malheureusement, la Suisse s'est engagée à reprendre automatiquement le droit européen en matière de sécurité en tant que membre de l'espace Schengen. Comment? Personne ne vous avait rien dit lors de la votation sur la libre-circulation? Un oubli, sans doute.

Mme Sommaruga s'en alla donc plaider à Bruxelles une "dérogation" concernant l'arme de service des anciens militaires suisses, qui sera peut-être accordée à titre temporaire, peut-être pas. Vous pouvez être certain que Mme Sommaruga n'a que faire de ces armes et les interdirait immédiatement si elle le pouvait ; mais dans le système politique suisse, certaines décisions doivent encore passer à travers une loi, qu'il s'agit de rendre digeste à la majorité (pro-Bruxelles et anti-armes) du Parlement. On travaille donc juste à des accommodements raisonnables pour éviter un référendum.

Car attention! Attention! Si d'aventure, le peuple suisse se réveillait un peu avant d'être désarmé, et osait convoquer un référendum contre la réforme de la loi sur les armes, et l'emporte, alors tout tomberait par terre! La Suisse ne respecterait plus le règlement interne de l'Espace Schengen! La libre-circulation tomberait! Et avec la fin de la libre-circulation, celle des Accords Bilatéraux! La fin de tout!

armageddon.jpg
La fin des Accords Bilatéraux (vue d'artiste)

Et qui pourrait vouloir la fin des Accords Bilatéraux? Personne - même pas l'UDC.

En définissant les Accords Bilatéraux comme la ligne rouge indépassable du débat politique, les Suisses se défendent contre Bruxelles avec une main attachée dans le dos. Eussent-ils sérieusement plaidé que la directive 91/477 amènerait à la résiliation des Accords Bilatéraux, elle serait peut-être retournée dans ce tiroir qu'elle n'aurait jamais dû quitter ; mais en réalité, à Bruxelles, les diplomates suisses ne plaident rien du tout. Ils prennent leurs ordres. Ce n'est que plus tard, à la maison, dans les couloirs du Parlement, qu'on essaye de voir comment assaisonner les textes, à la marge, pour les faire avaler aux élus et au peuple.

La situation est d'autant plus cocasse que toute cette bagarre vise à préserver un traité moribond. Les Accords Bilatéraux sont brisés depuis le vote du 9 février, précisément parce que le peuple suisse a mis fin à la libre-circulation en reprenant le contrôle de l'immigration. Mais dans les hautes sphères tout le monde continue à faire comme si. On se moque des derniers jours de Constantinople et des discussions sur le sexe des anges, mais à notre époque Berne a inventé la politique à titre posthume. Ce n'est pas tellement mieux.

Reste au peuple suisse à se débarrasser de la dernière illusion profondément martelée dans son esprit par les médias - le caractère avantageux qu'auraient eu les Accords Bilatéraux. Gageons que la bonne marche de l'économie anglaise après le Brexit suffira à convaincre les esprits les plus bornés. Il n'y a nul besoin d'accords bilatéraux avec l'ensemble de l'UE pour commercer avec les pays qui la composent, et encore moins en s'imposant une libre-circulation dont les Suisses ne veulent plus.

C'est une évidence, mais par les temps qui courent, même les évidences doivent être rappelées.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur Lesobservateurs.ch, le 29 août 2016

11 commentaires

  1. Posté par Economico le

    L’intervention de M. Danthin est celle d’un économiste qui sait d’extraire des intérêts politiques. Un justesse intellectuelle dont les politiques de notre pays se sont détournés à écouter les sirènes de l’ultra-libéralisme. La gauche commence à remettre les pieds sur terre avec la RIE III et la nécessité de revoir le modèle économique du pays.
    http://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/rie-iii-sauce-genevoise-soupe-grimace-gauche/story/20668585

  2. Posté par Sergio Morosoli le

    Nous nous sommes fait avoir sur toute la ligne. Puis, nous avons récidivé à plusieurs reprises en acceptant de voter oui à des propositions socialistes émanant du Conseil Fédéral. Par sursauts, appelés citoyens par la gauche, nous avons à chaque fois enfoncé le clou. Petit à petit, Bruxelles et le camp du bien ont fini par exaspérer le peuple suisse, éloignant du même coup le paradis européen tant souhaité. Maintenant, il faudra adhérer par la ruse, les socialos attendent une fenêtre favorable pour nous faire basculer par l’astuce dans l’horreur communautaire.

  3. Posté par Cenator le

    L’avis d’un spécialiste de la Grande-Bretagne sur la TV hongroise M1, concernant la future collaboration de la GB avec l’UE (après le Brexit) :
    La GB va négocier un accord qui limitera l’immigration tout en conservant les avantages commerciaux.
    En aucun cas, la GB n’accepterait des accords bilatéraux du type Norvège-UE ou Suisse-UE, car ces derniers sont beaucoup trop « coûteux », tant en termes de contribution financière que concernant la reprise automatique du droit européen.

    Lorsque la GB aura obtenu l’accord lui convenant, les Suisses n’en reviendront pas !
    En effet, des années de gémissements, de négociations et de génuflexions, feront apparaître l’incapacité de leurs élites bien-pensantes.

  4. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Des tests psychologiques ? Wow, ça décoiffe ! Et par des testeurs testés par qui je vous prie ? J’ai rencontré deux, ou trois étudiants en psychologie. Dont je ne suis pas près d’oublier les témoignages. Ils ont abandonné, au bord de la dépression. C’était ça ou cautionner le reniement d’eux-mêmes. Je ne suis donc nullement surpris quand j’entends que l’université rame à gauche. Donc pour passer le test il suffit de répondre comme le type qui a pu s’acheter le couteau qui lui a servi à assassiner son accompagnatrice. Vous me suivez ?
    La plaidoirie de la piteuse pianiste me laisse tordu de rire. Elle est dans le droit fil de la niaiserie de l’administration, militaire en cette occurrence. Jugez-en plutôt. A la suite de l’ordre aboyé d’un lieutenant roquet j’ai vidé deux chargeur en rafale sans protection auriculaire. Mon audition en est sévèrement et durablement affectée. Des années plus tard je demande une dispense de tir. Qui m’est accordée, mais assortie du retrait de mon arme. Ce qui est une absurdité compatible avec la pianisterie. Ma vie vaut moins que mes oreilles !
    Dernière chose. SI un référendum contre la loi sur les armes l’emportait tout serait par terre ? J’en doute. Car, à propos de je ne sais plus quoi, Burkhalter a dit que si le peuple l’acceptait ce ne serait pas un problème. Dans la bouche de Monsieur « le peuple ah ouais ouais » j’entends « le chien aboie et la caravane passe ».

  5. Posté par Clerc le

    Il faut dire STOP et non pas « non ».

  6. Posté par Myrisa Jones le

    Souvenez-vous des menaces et du chantage de l’UE, et les attaques méprisantes de nos propres politicards et journaleux, suite à l’acceptation de la votation contre l’immigration de masse. « Erasmus » faisait partie du chantage. Alors voici le résultat, dans la réalité, et non pas d’après leurs phantasmes:
    PRIVÉE DE SUBVENTIONS, LA SUISSE A RÉUSSI SON ERASMUS
    Plus de 10’000 Erasmus ont été accordés, ce qui représente une augmentation de 12% par rapport à 2015.

    http://www.lematin.ch/suisse/privee-subventions-suisse-reussi-erasmus/story/17562468

  7. Posté par Le Taz le

    Dénonçons ces accords bilatéraux, pactiser avec Bruxelles, c’est pactiser avec le Diable !

    Il y en a marre de l’ingérence permanente de l’UESSR dans nos affaires. Dans le pire des cas il nous reviendra de négocier d’autres accords économiques avec des pays hors UE. Le temps semble maintenant jouer en notre faveur, si Bruxelles continue sa politique dictatoriale, d’autres pays de l’union pourraient bien faire comme la Grande-Bretagne. Les peuples ne veulent pas de cette dictature des banksters internationaux et ils ont bien raison !

  8. Posté par Christian P le

    Le prix à payer pour les accords bilatéraux devient trop élevé. Si notre liberté est à ce prix , alors dénonçons les!

  9. Posté par didier974 le

    Attention amis suisse car trop de proximité avec l’UE va vous détruire petit à petit… En France nous sommes de plus en plus nombreux à souhaiter nous en éloigner mais l’oligarchie au pouvoirs nous maintient la tête au fond du seau ! Réfléchissez avant d’aller plus loin !

  10. Posté par Loulou le

    Surtout que nous nous sommes fait grugés lors de la votation de ces accords. J’ai personnellement voté pour, j’y voyais la libre circulation comme un avantage (8’000 personnes par année, si ma mémoire est bonne), son coût était raisonnable (cela coûte actuellement 10 fois plus que ce qui était « prévu »). A aucun moment je ne me suis posé la question du coût démocratique, de la reprise du droit de l’Empire. Schengen est actuellement en phase terminale au sein de l’UE, Dublin est mort.

    La Suisse est bientôt le dernier bon élève au sein de cette mafia. Il est temps de dire non. Là on parle de ce qui est à mon avis un fondement de notre culture, de notre pays: le droit à la défense personnelle, la défense de milice.
    Un jour nous devrons dire non. Ou alors adhérons, cela reviendra au même sauf que nous aurons droit à la parole (tu parles!).

    Il est temps de se rapprocher de la Grande-Bretagne, de la Norvège. Il est temps de relancer l’AELE et d’y inviter ceux qui le désirent. Réformer cette institution et en faire l’Europe rêvée, celle qui a échoué sous le sceau infâme de l’UE.

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