L’Initiative de Mise en Œuvre en quelques questions

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

Assistant à plusieurs débats et lisant de nombreux articles sur l'Initiative de Mise en Œuvre pour le Renvoi des Criminels étrangers, je constate qu'un certain nombre de préoccupations reviennent souvent. De plus, les adversaires de l'initiative - et des médias pas toujours très objectifs - répandent ou répètent parfois divers mensonges à son sujet dans l'espoir de faire échouer un texte qui, il faut bien le dire, rendra nettement plus compliqué le maintien des criminels étrangers sur notre sol.

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Sans plus de cérémonie, voici donc une liste questions-réponses qui risquent de survenir dans n'importe quelle discussion ayant trait au renvoi des criminels étrangers d'ici au 28 février - et sans doute encore après...

L'initiative est plus stricte que le texte voté en 2010!

Non. L'argument est répété à l'envi par les adversaires du texte, mais l'initiative de Mise en Œuvre n'est rien d'autre qu'une mise en application précise de l'initiative de 2010. Bien entendu, puisqu'il s'agit d'une initiative populaire, elle s'inscrit au niveau constitutionnel ; mais le texte n'est pas différent de ce qui aurait pu et dû être une loi d'application normale, si Parlement et gouvernement avaient convenablement fait leur travail.

Évidemment, on pourra argumenter, et c'est rigoureusement exact, que l'Initiative de Mise en Œuvre n'est pas la seule façon de transcrire dans les faits le renvoi des étrangers criminels déjà approuvé par le peuple. Malgré tout, cet argument reste relativement faible dans la mesure où:

  • L'UDC, auteur du texte de 2010 approuvé par 53% des citoyens, est probablement mieux placée et en tout cas bien plus légitime que ses opposants pour comprendre et mettre en application cette première initiative ;
  • En 2010 les Suisses s'étaient également prononcés sur un contre-projet direct concocté par le Parlement, qui ressemble à s'y méprendre à la loi d'application en projet, et l'avaient sèchement repoussé par 54% des voix. Le peuple a donc déjà voté, et rejeté, une version "light" du renvoi.

L'initiative forcera la résiliation des Accords Bilatéraux avec l'Union Européenne!

Pour toute une frange de politiciens pour qui les relations avec l'Union Européenne sont l'alpha et l'oméga de la vie politique, l'éventuelle incompatibilité de l'Initiative de Mise en Œuvre avec la libre-circulation a le même effet qu'un crucifix sur un vampire. Pour faire simple, l'Initiative de Mise en Œuvre contreviendrait peut-être aux accords de libre-circulation (pour ce qu'il en reste aujourd'hui au sein de l'UE) et déclencherait peut-être la "clause guillotine" qui lie entre eux les sept Accords Bilatéraux I, entraînant peut-être leur résiliation conjointe ou tout au moins leur renégociation dans les six mois.

Outre qu'il implique de nombreuses spéculations, ce scénario reste largement improbable sur plusieurs plans:

  • L'UE est la première à ne pas respecter ses propres règles sans que cela ne prête à conséquence, au point que plus personne n'en soit dupe. Pensons à la suspension des accords de libre-circulation face à la crise des migrants, ou simplement aux accords de Maastricht sur la dette publique (théoriquement limitée à 60% du PIB d'un pays, avec un endettement annuel limité à 3% de son PIB).
  • Les accords bilatéraux I, négociés dans les années 1990 par une classe politique europhile, sont nettement plus favorables à l'UE qu'ils ne le sont à la Suisse ; quitte à les suspendre ou à les renégocier, l'UE aurait bien plus à perdre que la Suisse.
  • Prétendre que l'expulsion des criminels briserait immédiatement les accords de libre-circulation est un argument de campagne utilisé uniquement en Suisse. Aucune source européenne n'a jamais officiellement pris position sur une interprétation aussi catégorique. Et quitte à parler du futur de la Suisse au sein de l'Espace Schengen, l'Initiative de Mise en Œuvre semble une péripétie mineure face à l'Initiative contre l'Immigration de Masse approuvée entre-temps!

Les expulsions sont impossibles sans accords de réadmission!

L'argument est recevable mais n'a rien de nouveau vis-à-vis du texte de 2010. Si les accords de réadmission sont nécessaires pour des expulsions, alors il appartient au Parlement et au gouvernement d'en signer pour que les pays tiers reprennent leurs ressortissants. C'est un travail de longue haleine mais la Suisse ne part pas démunie ; elle pourrait notamment conditionner les généreuses sommes versées au titre de l'aide au développement à l'existence de tels accords. L'absence de progrès sur ces dossiers ne traduit rien d'autre que le peu d'empressement de la classe politique à s'atteler à la tâche.

De plus, l'existence de pays réticents ne doit pas occulter les nombreux autres dans lesquels les procédures de réadmission ne posent pas de problème. Dans les cas fréquents où les criminels sont binationaux (franco-algériens par exemple) la Suisse pourrait choisir entre deux destinations.

Enfin - et c'est un avis personnel - la Suisse et le pays d'origine d'une personne ne représentent que deux pays parmi plus de 200 ; un individu obligé de quitter la Suisse et ne souhaitant pas retourner dans son pays d'origine ne manquera pas de points de chute alternatifs. L'initiative demande que les criminels étrangers soient exilés à l'issue de leur peine ; ils auront donc payé pour leurs crimes et s'ils sont indésirables en Suisse, ils seront aussi libres que n'importe qui de refaire leur vie dans un troisième pays.

L'initiative est contraire au droit international!

Le joker du "droit international" est brandi de plus en plus souvent dès lors qu'une initiative dérange la classe politique - ce qui semble systématique lorsque le texte vient des rangs de l'UDC. La carte avait d'ailleurs déjà été jouée en 2010.

Comment s'inscrit le renvoi des criminels étrangers face aux innombrables accords et traités entre la Suisse et les autres pays du monde, comme l'adhésion du pays à l'espace Schengen, ou des conventions internationales sur le regroupement familial? "Comme d'habitude" répondrai-je, sachant que les possibilités d'expulsion existent déjà dans le droit helvétique. On ne peut même pas plaider la nouveauté!

Mais pour en revenir à l'argument initial d'un texte contraire au droit international, l'initiative exclut explicitement le refoulement vers des pays où les étrangers expulsés risqueraient la torture ou l'esclavage. Elle est donc conforme au droit international impératif, ce qui la rend, de facto, recevable. Elle a d'ailleurs été soumise et validée par le Parlement.

L'initiative court-circuite les institutions!

On peut légitimement se poser la question: qui court-circuite qui? Est-ce le peuple en votant sur l'Initiative de Mise en Œuvre? Ou est-ce la classe politique en élaborant une adaptation affaiblie et peu sincère d'une initiative approuvée en 2010, alors même qu'un contre-projet direct était refusé?

Certains reprochent à l'UDC son timing, arguant que les élus n'ont pas eu le temps de mettre en place une loi d'application. En réalité, assistant aux manœuvres dilatoires de la classe politique visant à dénaturer le texte, l'UDC n'a eu d'autre choix que de lancer une Initiative de Mise en Œuvre pour sauver l'intention approuvée en 2010. Applicable dès le lendemain de son approbation, l'Initiative de Mise en Œuvre votée le 28 février sera en force encore plus vite que le projet abâtardi concocté par le Parlement.

Sur le fond, la Constitution helvétique, issue du peuple souverain, est la source suprême du droit. Partant de là, une initiative ne peut pas, ne peut jamais, court-circuiter qui que ce soit. Elle s'adresse à la source d'où découlent toutes les institutions. C'est à ces dernières de se plier aux exigences du peuple souverain, ou le régime politique suisse ne s'appelle plus "démocratie directe". Les travaux du Parlement valent ce qu'ils valent ; la critique de court-circuit est d'ailleurs cocasse de la part d'une classe politique dont les projets de loi finissent régulièrement à la poubelle suite à des référendums.

L'initiative viole les principes de la justice!

Les adversaires du texte clament à qui mieux mieux que l'automaticité leur pose problème - un argument qui les gênait nettement moins lorsqu'ils soutenaient Via Sicura, mais admettons. Ils reprochent l'absence de marge de manœuvre pour le juge. L'argument est fallacieux pour deux raisons différentes.

D'abord, le texte mentionne bien une marge de manœuvre: l'interdiction d'entrée conséquente à une première expulsion dure "entre cinq et quinze ans", à la discrétion du tribunal. Des juges pusillanimes regretteront naturellement l'impossibilité de ne pas expulser le criminel étranger du tout, mais enfin, les peines plancher ne sont pas une nouveauté.

Ensuite, le renvoi des criminels étrangers est précisément une réponse à la pusillanimité de magistrats qui disposent déjà de possibilités de renvoi mais ne les utilisent quasiment jamais. C'est bien à cause de leur laxisme que les citoyens, déçus de leur justice, visent aujourd'hui à en resserrer les boulons, et il n'y a là nulle violation de principe du droit, pas plus que lorsque les parlementaires introduisent des peines routières automatiques ou discutent de supprimer le sursis pour les jours-amende.

Si des juges se plaignent de devoir respecter les lois en vigueur, qu'ils n'hésitent pas à changer de métier!

L'initiative expulsera les gens pour des peccadilles!

"On peut toujours trouver des exemples qui font pleurer Margot", lança Yvan Perrin sur le plateau d'Infrarouge. La formule est bien trouvée. Les adversaires de l'initiative rivalisent d'imagination pour mettre en scène des situations échevelées (et souvent très approximatives vis-à-vis de la réalité juridique) pour faire la chasse à d'hypothétiques abus dans le renvoi des criminels étrangers. Ils sont en revanche nettement plus discrets sur les dizaines de milliers de crimes bien réels qu'infligent chaque année les étrangers criminels aux habitants du pays. Mais les victimes ne les intéressent guère.

Que le public soit juge! Le texte de l'initiative établit on ne peut plus clairement la liste des infractions au code pénal susceptibles soit d'entraîner une expulsion immédiate, soit une expulsion en cas de récidive dans les dix ans. Le fameux exemple du "vol d'une pomme" (à deux doigts de Jean Valjean et de son vol de pain) ne tient pas debout: le vol n'est susceptible d'entrer en ligne de compte que s'il est associé à une violation de domicile, c'est-à-dire un cambriolage (Art. 197, ch. I.1, a. b) ; et le tout n'entraîne une expulsion qu'en cas de récidive.

Qu'on s'en accommode ou qu'on le regrette, les voleurs de pommes n'ont rien à craindre.

L'initiative ne videra pas les prisons!

D'aucuns font remarquer que les criminels étrangers - qui remplissent 70% des capacités carcérales helvétiques - doivent purger leur peine en Suisse avant d'être expulsés, ce qui ne diminuera pas la population emprisonnée. Là encore, l'Initiative de Mise en Œuvre ne change rien à cette vieille antienne déjà abordée lors de la votation de 2010 ; mais heureusement, cette préoccupation est fausse.

Non seulement on peut espérer un comportement très différent de la part de "criminels opportunistes" d'origine étrangère lorsqu'ils seront sous la menace d'une expulsion de territoire de plusieurs années, mais l'Initiative de Mise en Œuvre aura aussi pour effet de vider les prisons suisses de leurs récidivistes étrangers. Un criminel étranger sera expulsé dès la fin de sa première peine pour un crime grave, ou dès le second pour une récidive dans les dix ans. Non seulement cette approche améliorera la sécurité de la population suisse, mais elle garantira que les pires récidivistes cesseront d'encombrer les prisons helvétiques.

Même si une expulsion est coûteuse, son prix reste dérisoire comparé au coût quotidien d'une incarcération sur des années.

Conclusion

En 2010, le peuple approuva sans aucune ambiguïté le renvoi des criminels étrangers. Six ans plus tard, l'initiative n'est toujours pas appliquée de façon satisfaisante. Ces circonvolutions trouvent leur explication dans le mépris de la classe politique suisse pour la démocratie directe lorsque celle-ci ne va pas dans son sens. Le peuple est donc amené à transformer l'essai en se prononçant sur une nouvelle initiative dite "de Mise en Œuvre".

Bien que la question porte essentiellement sur des questions de sécurité, le vote du 28 février porte au-delà: outre le signal désastreux envoyé à tous ceux qui voient la Suisse comme un supermarché du crime, un échec conforterait également la classe politique dans ses manœuvres pour prendre les initiatives à la légère. Les enjeux du 28 février portent donc aussi sur la crédibilité du peuple en tant que source du Droit.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur Lesobservateurs.ch, le 27 janvier 2016

5 commentaires

  1. Posté par alain-hervé le

    Depuis des années j’envoie des lettres de lecteur à la Tdg qui ne sont évidemment jamais publiées. Dernière en date, celle-ci en rapport avec la votation.
    Un magistrat s’indigne du texte de la votation relative à l’expulsion des criminels étrangers, y dénichant les prémices d’une dictature alors que la sienne est dénoncée par Chr. Blocher. Derrière cette bataille des mots c’est l’arrêt des abus d’un système judiciaire qui, grâce à ses parlementaires lobbyistes, fait la fortune de ses « serviteurs » en prenant la justice en otage, pour en faire une planche à billet illimitée, à charge de ces vaches à lait de contribuables. Le tout au nom d’intérêts corporatistes indignes, propices à l’explosion d’une la criminalité artificielle parce que devenue alimentaire pour beaucoup trop de monde.

  2. Posté par Alcofribas le

    Entre cette initiative et celle de la destruction du Musée d’Histoire à Genève, il y a un curieux fil conducteur. Déjà une curiosité, des gauchos alliés à l’Udc. C’est dans les tuyaux des financements occultes de ces deux votations qu’on peut y voir quelques similarités mais aussi dans les mécanisme de destruction de ce qui constitue la Suisse et son passé. L’initiative du renvoi est soutenue par les 200 charlots conduit par l’autoproclamée Présidente des putes, Ruth Dreifuss. La même engeance s’implique dans la votation pour la destruction du Musée. Déjà curieux ce second comité, dont la pub et émise depuis le Canton de Vaud, à 1052 Le Mont CP32. Je pille à Genève et je paie mes impôts sur Vaud, c’est bien là la morale dominante.

    Ce comité comprends les signataires suivants: Anne-Marie von Arx-Vernon, Gabriel Bariller, Martine Brunschwig Graf, Ruth Dreifuss, Liliane Maury Pasquier, Guy-Olivier Second, Charlotte de Senarclens, Manuel Tornare.

    La destruction proposée du Musée est celle d’une oeuvre d’art de notre patrimoine. Financièrement, il y a un curieux mélange des genres. Un “donateur” sous forme de la fondation Gandur qui propose un tout petit peu plus de la moitié des coûts mais à la condition que le Peuple verse le reste. Et le maître d’oeuvre de cette solution alambiquée, le bureau Jucker et DVK et l’inévitable Jean Nouvel spécialiste des fiasco et des devis sous-évalués. Parmi ses premières “expériences” aux coûts des Suisses, son association avec la pétroleuse Wenger, originaire d’Afrique du nord, version rive du Jourdain. https://blogs.mediapart.fr/association-riverains-ile-seguin/blog/231211/ile-seguin-jean-nouvel-vrai-patron-de-la-culture-boulogne-billancourt-ses-lien et bien d’autres références à trouver sur internet. Des millions de machines neuves à la poubelle aux frais de Nestlé !

    Maintenant vous prenez la place d’un donateur multimillionnaire et bonne conscience comme il se doit. Vous avez des collections dont la mise sous clé coûte la peau des fesses. Les Genevois vont pouvoir s’y substituer élégamment. Vous visitez un “spécialiste” comme Nouvel et lui expliquez le problème. Puis c’est tout simplet, vous promettez aux Genevois de financer une bonne partie de ce que vous allez toucher comme commissions, elles-même alimentées par les dépassements d’horaires, encore piqués dans la poche des Genevois et vous ne payerez plus rien pour le stockage de vos babioles antiques. Les Pieds Nikelés ne sont pas loin ! Et comme la farce est grandiose, il y a toute les chances qu’elle passe.

    On voit que ce 2ème comité Dreifuss, (un nom très tendance chez les magouilleurs) nous interroge au point de nous demander si le comité des 200 n’est pas lui aussi alimenté par des fonds pillés aux citoyens avec l’orchestration des dépenses publiques ? Le tout pour nous imposer les intérêts de cette dictature de combinards, pro Européens. Un point commun qui transpire entre ces deux comités. Les tuyaux financiers percés du Ceva seraient-ils aussi de la partie ? Rêvons un peu. Le peu transparent Mettan, allié au maire socialiste d’Annemasse pourrait se mettre à table non ? A quand une conférence à l’Udc ?

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