Médias. Nos lecteurs au regard décapant sur l’évolution de la presse et des médias romands

Un lecteur nous fait part de quelques réflexions assez drôles au sujet du panorama des médias en Suisse. Nous prenons sur nous d’en publier ici quelques extraits :

Quand le Journal de Genève a disparu, remplacé par Le Temps, après la fusion du Nouveau Quotidien et du Journal de Genève, le parti libéral, ancienne manière, le parti des vieux genevois et des banquiers, a perdu les élections et c’est depuis, je crois bien, qu’on a un gouvernement de gauche à Genève. Ce n’est pas moi qui l’invente, c’était Françoise Buffat qui l’avait écrit à l’époque. Le Journal de Genève était le trait d’union de ce milieu. Sans lui, ce milieu libéral a coulé à pic et il ne s’en est pas relevé.

Donc, l’existence d’un journal est absolument essentielle pour soutenir une force politique. Sans le journal de Genève, plus de parti libéral. De même, je pense qu’aujourd’hui à Genève et même dans toute la Suisse romande, vos Observateurs vont jouer ce rôle de trait d’union du camp libéral de droite, plus ou moins UDC, et en tous cas eurosceptique. Et je m’en réjouis.

Je suis sur que l’existence et le succès de vos Observateurs va avoir un impact dans ces prochaines élections, un impact positif bien sûr. Je pense que vous allez ajouter environ trois pourcent aux résultats d’ensemble de la droite romande aux prochaines élections. Ce n’est pas un petit compliment, ni un petit impact.

A propos, Impact, ça me rappelle une revue de droite anticommuniste dirigée par un certain Valentin Philibert. Ce monsieur, qui doit être mort aujourd’hui ou alors très âgé. Il était très sympathique. Jan Marejko écrivait dans l’Impact, ainsi que Miguel Garrote, qui écrivent aujourd’hui dans LesObservateurs. Vous êtes donc, peut-être sans le savoir, un peu l’héritier de l’Impact de Valentin Philibert. Mais vous avez plus d’impact réel que lui.

A cette époque Claude Monnier, ancien rédacteur en chef du J. de G. voulait lancer un nouvel hebdomadaire. Il y avait même eu un « numéro zéro » sous le titre Le Temps, sauf erreur. Je n’invente pas. La maquette était inspirée du magazine américain US news and world report. Ca aurait pu être pas mal. Malheureusement Claude Monnier n’avait pas trouvé les appuis financiers nécessaires et avait dû se contenter d’un prix de consolation. On avait créé une revue assez luxueuse, mensuelle, ou même trimestrielle, qui s’est intitulée Le Temps Stratégique et qui a eu quelques soutiens d’annonceurs, je pense du genre régies immobilières genevoises etc. Mais ce Temps Stratégique, qui était bien fait n’a pas eu de vrai succès. C’est resté assez confidentiel. Rien à voir avec le succès public de votre site.

A l’époque certains espéraient que monsieur Philibert, de l’Impact, se lancerait et occuperait le créneau: « hebdomadaire de droite musclée », parce qu’on pensait que le projet de Claude Monnier ne serait pas assez combatif, trop mou. Valentin Philibert au moins était un vrai anticommuniste, aux convictions bien marquées. C’était encore le temps de la guerre froide. Mais Valentin Philibert n’avait pas voulu tenter cette aventure. Il avait son petit monde à lui et ça lui convenait comme ça. Il était soutenu par des milieux de l’horlogerie, et il avait une revue publicitaire de montres de luxe, dont j’ai oublié le nom. C’est ce qui le faisait vivre je crois. L’Impact perdait probablement un peu d’argent mais il se rattrapait avec sa revue de montres. Les mauvaises langues racontaient qu’il recevait aussi des fonds de l’Argentine qui était à l’époque une dictature militaire, avant la guerre des Malouines.

Finalement, Claude Monnier ayant échoué à lancer son hebdomadaire, et L’Impact étant resté mensuel et sans… impact, c’est Jacques Pilet qui a occupé le terrain avec son « Hebdo » de gauche post soixante-huitarde imbuvable, mais ça a marché parce que Pilet avait quand même un certain charisme de journaliste et il avait l’appui de Ringier.

Et ensuite Pilet a fait ce Nouveau Quotidien, qui a été financé à perte par la famille Lamunière de Lausanne (Edipresse) dans le seul but de couler le Journal de Genève, ce qui a marché. La famille Lamunière a donc perdu un certain nombre de millions chaque année juste pour saigner le Journal de Genève. Quand les banquiers genevois en ont eu assez de perdre de l’argent, ils ont accepté de fusionner avec Le Nouveau Q (nouveau cul comme on disait à l’époque) et ça a donné Le Temps avec comme principaux actionnaires si je me souviens bien Edipresse (famille Lamunière) Ringier, et la famille Landolt de Lausanne, très riche (héritiers de l’entreprise pharmaceutique Sandoz), et alors on a mis David de Pury comme président du Conseil d’administration pour plaire à l’establishment.

Je n’ai jamais aimé ce journal qui a toujours eu ce ton anti helvétique pro européen détestable. A la fin la fondation Sandoz en a eu assez elle aussi, je ne sais pas pourquoi. Peut-être que c’était parce qu’ils avaient perdu beaucoup trop d’argent dans les déboires rocambolesques de la Banque Scandinave transformée en Edouard Constant. Ils se seront lassés, ou rendus compte qu’ils n’étaient pas faits pour ces aventures. C’est mon hypothèse.

Alors il y a eu 45% Ringier, 45% Tamedia (famille Supino-Coninx) puisque la famille Lamunière avait vendu Edipresse à Tamedia. Le reste: la société des rédacteurs, peut-être quelques pourcent Le Monde. Et voilà. Puis il y a eu cette comédie de faire semblant de vouloir vendre le journal et de ne pas trouver d’acquéreur, juste pour que Tamedia puisse tout racheter sans que la commission de la concurrence puisse s’y opposer. Et maintenant il reste ce journal imbuvable à 96% Tamédia, je crois.

J’espère que Les Observateurs réussiront au moins à empêcher Le Temps de devenir rentable, comme Le Nouveau Q l’avait fait avec le Journal de Genève. J’espère que vous allez saigner Le Temps à blanc par votre concurrence que je considère comme très réelle, jusqu’au moment où Tamédia décidera de liquider purement et simplement ce torchon déficitaire. Ce sera un bon débarras.

Un dernier mot sur Roger de Weck, qui à mon avis n’a toujours pas surmonté son complexe d’Oedipe. Son père, Philippe de Weck, disait parfois en confidence à quelques amis : « Mon fils a fait beaucoup de progrès. Maintenant il est de gauche. Mais avant il était d’extrême gauche ».

Il paraît qu’à Zurich on se moque gentiment du directeur de la SSR en l’appelant « Herr von Fünfer und Weckli », jeu de mot paraphrasant l’expression idiomatique suisse allemande : « man cha nöt den Fünfer und das Weggli ha », qui signifie on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, Fünfer = le sou (cinq centimes) et Weggli =le petit pain, d’où le jeu de mots Weckli. On dit d’ailleurs que la famille de Weck s’appelait autrefois Cugniet, ce qui signifie petit pain. Quand Fribourg est devenue germanophone (elle a changé plusieurs fois de langue au cours de son histoire), Cugniet est devenu Weck, petit pain.

C’est assez drôle ce « Witz » sur « Herr von Fünfer und Weckli » ? Parce que Roger de Weck a hérité de son père une rondelette fortune (il faut dire qu’elle a du être partagée entre de nombreux frères et soeurs car Philippe de Weck avait beaucoup d’enfants) et vraisemblablement cette fortune a été faite en bonne partie grâce au secret bancaire dans les années où Philippe de Weck a été président de l’UBS. Il est donc ironique que ce président de la SSR ait passé sa vie à vitupérer le secret bancaire, mais ça ne l’a pas gêné d’hériter du profit accumulé pendant 30 ans grâce au même secret bancaire. Donc voilà un monsieur qui veut garder le beurre et l’argent du beurre : den Fünfer und das Weggli (Weckli).

Une dernière chose encore sur Roger de Weck. On peut se demander si sa personnalité antipathique et la contradiction entre son milieu social, auquel il tient malgré tout beaucoup, et ses idées politiques très à gauche, n’explique pas en grande partie le résultat défavorable, pour lui, de la votation sur la redevance.

Si on avait eu un président de la SSR s’appelant Müller, disons un suisse allemand ordinaire avec un gros accent, un « Bünzli » radical ou PDC typique, la révision de la loi passait comme une lettre à la poste. Il n’y aurait pas eu cette bronca de l’opinion contre la révision. Roger de Weck, par sa seule personnalité énervante et son strabisme divergent, a fait augmenter de 4 à 5% au moins le taux d’opposition à la redevance. Le Suisse allemand moyen veut bien payer une taxe, mais pas à un bailli de gauche comme Roger de Weck.

Il se pourrait donc que ça ait été une énorme erreur de casting de la part du conseil d’administration de la SSR de nommer Roger de Weck à ce poste. Parfois un certain snobisme mène les gens à commettre des erreurs.

Si on regarde les choses par l’autre côté, on pourrait même dire que bien malgré lui Roger de Weck a rendu un grand service à la Suisse. Car avec ses airs de gauchiste prétentieux à particule il était la cible idéale pour une campagne démagogique de l’UDC. Il a suscité une forte opposition à la révision de la loi radio TV, opposition qui ne se serait pas manifestée avec un autre directeur que lui, à mon avis.

Quant à Raymond Lorétan, issu exactement du même milieu social que de Weck, comme président de la SSR, ce qui fait qu’on a un conseil d’administration issu intégralement du Cercle de la Grande Société de Fribourg, ce qui est inédit, pour le moins, c’était peut-être aussi une autre erreur de casting, quoique Raymond Lorétan soit moins désagréable et moins gauchiste que de Weck, mais tout aussi euroturbo. Mais tant mieux pour les populistes qui peuvent ainsi exploiter les erreurs de leurs adversaires. N’est-ce pas?

Bien à vous
John Longeole (nom connu de la rédaction)

 

 

Bien à vous

John Longeole (nom connu de la rédaction)

P.S. Je vous mets en pièce jointe le récit de la fusion Nouveau Q - Journal de Genève,

ci-dessous :

DocHsitoirePresseRomandeFinJournalGEetSuite

 

 

14 commentaires

  1. Posté par Adrien de Bubenberg le

    Bravo Murtenschlacht ! Vous êtes un vrai patriote.

    Quel plaisir de vous lire. On espère que la campagne de désabonnements massifs va se poursuivre et s’amplifier. Votre exemple sera suivi. Vous méritez la médaille des braves.

    A propos, est-ce que vous avez remarqué une chose ? Le seul type dans notre histoire qui a essayé de nous gouverner depuis Bruxelles, c’était ce duc de Bourgogne, Charles, justement appelé le Téméraire. Il avait sa capitale à Bruxelles. Ca ne lui a pas réussi de se frotter à nous.

    Depuis quelques temps je redeviens optimiste sur nos chances d’échapper au triste sort que nous préparent les euroturbos et leurs compères les eurocrates. Je sens un frémissement. Le combat change d’âme l’espoir change de camp. Les Suisses retrouvent leur vieux réflexes et s’apprêtent à faire subir à tous ces manekenpis le même sort qu’à l’arrogant Charles le Téméraire à la bataille de Morat.

    Vous avez vraiment bien choisi votre pseudonyme. La bataille de Morat, grande victoire suisse, retentissante, d’importance mondiale, jusqu’à aujourd’hui. Et quoi qu’en disent les fatigués de la patrie.

    http://www.letemps.ch/Page/Uuid/b442b0da-d4d8-11e2-a409-316582df7416/La_messe_dEtat_pour_la_bataille_de_Moratun_ravissement_fribourgeois

  2. Posté par Murtenschlacht le

    Aujourd’hui, j’ai persuadé mon patron de résilier les abonnements de l’Hebdo et de l’Illustré. J’ai invoqué les économies et il a acquiescé. Ce petit acte de résistance a galvanisé ma journée!

  3. Posté par Ueli Davel le

    En passant :
    Les journaleux sont terriblement frustrés, car ils perdent leur monopole. Dire, écrire ce qu’ils veulent sans qu’il y ait une/des réponses en retour. Si réponse, la censure les protégera.
    Alors maintenant ils ont trouvé le « hater » ! Il a y même des émissions sur les « haters », ces sales individus qui sans formations, pas encadrées par des Genosses/camarades dans nos universités osent dire ce qu’ils pensent, certes des fois crûment, sans fioritures sur le net. Ces haters ne sont pas syndicalisé, ne sont pas payer, ne profitent que de l’audience que de ceux qui veulent bien les lires ou les écouter ! La frustration des news rooms est grande. Pas besoin de faire de grandes études du couper/coller. L’industrie des medias existe comme l’industrie du social. La gauche nous crie son ouverture à tout et bien on y est, les journalistes lisent et écoutent semble-t-il ce que des gens sans et avec MBA veulent dire. L’Arabie Saoudite, les Emirats, la Corée du nord entre autres, eux en sont encore au journalisme inculqué par certains Genosse profs actuel de chez nous. Bien sûr cela fait mal et ils ne manquent pas de le dire. J’attends les émissions de style Arena, ABE, Kassenturz et autres pour nous remonter les bretelles. La blogosphère semble être de plus en plus utilisée par les journaleux diplômés frustrés. Nous avons rien contre, nous nous sommes ouvert !

  4. Posté par Jacques le

    Excellent article. L’auteur connait bien son panorama. Il est clair que la disparition du Journal de Genève, ce quotidien de grande qualité, a été une catastrophe au niveau des medias de Suisse romande. A la suite d’une cascade de manipulations il a été remplacé par Le Temps, un insipide canard europhile et gauchiste, dans le même mouvance que l’Hebdo. En Suisse romande il ne nous reste que Les Observateurs, auquels je souhaite longue vue. C’est le pendant de la Weltwoche, désormais le seul medium lisible en Suisse allemande:
    Quant à la RTS/SRF, elle est maintenant sous la coupe de sieur Weck, dont la damille a acqui la particule “de” aprés delongs efforts. Ce sinistre personnage a sans doute été choisi par la Leuthart, non seulement par solidarité entre deux personnes souffrant de strabisme (la Doris a un regard plutôt incertain, alors qu le Weck a un oeil qui va aux fraises pendant que l’autre tient le panier), mais aussi par convergence de leurs visions gauchistes et europhile. Nous n’avons pas le choix, Billag nous obligeant de financer cette officine de propagande.Pauvre Suisse !

  5. Posté par P. Monnard le

    @G. Vuilliomenet
    Ma liste de lecture a été mise à jour avec l’essai de Benoît Malbranque, que vous suggérez. Merci.

    Peut-être que j’y trouverai un commentaire instructif concernant le programme alléchant que nous réservent les socialistes : dépenses publiques massives → dette colossale → déficits abyssaux → guerre → faillite → déchéance.

  6. Posté par Pehem Veyh le

    @ P. Monnard: si ce pignoufle moche et divergeant veut détruire le système qui l’a rendu riche, c’est parce que, comme tout bon socialiste, il ne veut pas que d’autres aient accès à la source de sa propre fortune. Il est jaloux, par anticipation, de ceux qui pourraient faire comme lui…..

  7. Posté par Pehem Veyh le

    En fait, Roger de Weck et comme Christophe Colomb. Un vrai gauchiste parce qu’il organise une chose dont il ne sait ce qui va en sortir, il ne sait ce qu’il y trouvera, il ne sait quand ni comment, il ne sait pas ce qu’il va en faire, il ne sait pas où, mais surtout, ce n’est pas lui qui paie !

  8. Posté par Alain Vuistiner le

    Très bon décapant dans le monde des médias.
    Merci !

  9. Posté par aline le

    Excellente analyse concernant L’Hebdo! Une petite correction quand même: Le Temps appartient au groupe Ringier, c’est pourquoi il a viré complètement à gauche.

  10. Posté par Alain le

    Très bon décapant dans ce monde des médias de gauche.
    Merci !

  11. Posté par P. Monnard le

    Ha! Excellente lecture. Pince-sans-rire et authentique, j’en ai appris au sujet de Herr von Fünfer und Weckli.

    Herr von Fünfer und Weckli, c’est donc le socialiste-modèle :

    ■ Il ne renonce pas à une fortune bâtie grâce au capitalisme, et ensuite contribue à détruire le système qui l’a rendu riche.

    ■ Par son “Club Helvétique”, il cherche à anéantir la démocratie en Suisse pour la remplacer par Bruxelles. C’est normal puisque socialisme et despotisme c’est comme cul et chemise.

    ■ Il se vautre dans les millions de Billag, c’est normal aussi, puisque c’est l’argent des autres et sans lui, on le sait bien, le socialisme disparaît.

  12. Posté par Ueli Davel le

    Excellent papier, si juste! Lorétan et un petit bouche trou prétentieux tirant à gauche, suivez mon regard , comme von Wäckeli.

  13. Posté par alticor le

    Merci,c’était très intéressant et surtout très instructif,je me souviens encore de la chronique de Claude Monnier dans 24h je l’achetai rien que pour ça a l’époque, c’était un véritable OVNI dans cette feuille de chou…..

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