Crise des migrants, impuissance publique et bulle de la bien-pensance

Claude Robert
Consultant international

 

Les bulles spéculatives ne sont pas un phénomène nouveau. La première du nom remonte apparemment à la crise des tulipes qui s’est déclenchée au 17ème siècle en Hollande. Les bulles des indices boursiers sont régulières. Nous avons connu la bulle des NTIC il y a une quinzaine d’années, puis celle du crédit, dont nous sortons tout juste.

La crise des migrants, qui est en quelque sorte une saillie à grande échelle, dans la mesure où elle révèle un dysfonctionnement majeur d’une partie du globe et une rupture de l’équilibre géopolitique habituel, nous fait découvrir combien nous sommes au beau milieu d’une autre espèce de bulle, moins visible celle-là, mais considérablement plus insidieuse. Cette bulle a commencé son développement il y a  des décennies déjà. Elle a grandi puis s’est installée dans la plupart des pays développés, insidieusement. Les codes du politiquement correct en sont la manifestation la plus visible. Mais avec la crise des migrants, et la volumétrie du drame qui en résulte, sa véritable envergure apparaît maintenant au grand jour. Et souligne par contraste le niveau d’impuissance atteint par la classe politique des pays européens, et la faible considération dont jouissent les citoyens…

L’incroyable ampleur du politiquement correct

Vous pouvez prendre n’importe quelle chaine de télévision, ou n’importe quel support de presse, rares sont les points de vue discordants. Les naufrages de migrants sont une honte pour l’Europe, l’enfant noyé (symbole ô combien visuel, le carburant préféré de nombreux média) est une honte pour les pays de destinations, les tergiversations sur les quotas d’accueil sont une honte pour les pays européens. Jamais ou presque de bémols relatifs à la cause terroriste et orchestrée de ces flux migratoires, à l’inconséquence suicidaire des migrants, ou aux manques de moyens des pays d’accueil. Honte à l’Europe. Ite missa est.

Telle une roue folle dont l’inertie nourrit le mouvement, la classe médiatique se livre donc à une surenchère de « moraline » qui semble déconnectée de tout critère de bon sens. Alors que dans plusieurs pays d’Europe, une majorité de citoyens est opposée à l’hébergement de telles quantités de migrants, les journalistes et les présentateurs de télévision donnent l’impression de se livrer à une course à la bien-pensance. L’intonation de leur voix, leurs mimiques, leurs propos, les images, tous les moyens sont bons pour afficher une indignation de bon aloi, un humanisme à fleur de peau, un altruisme inamovible, un tiers-mondisme de conviction. Ultime figure, l’autoflagellation vient même donner, s’il en est besoin, un surcroît de sincérité.

Que dire en effet contre ces gros plans sur le bébé noyé, contre ces images de nuées de marcheurs errant pieds nus, le long des routes de nuit, entre deux campements de fortune, d’une gare fermée à l’autre ? Le choc des photos… Le sens de la vision est le plus puissant, loin devant l’ouïe, l’odorat et le toucher. Il emporte tout sur son passage : le jugement à froid, le recul analytique, la prise en considération de l’ensemble des éléments du problème. Il est vrai que ces images sont insoutenables et montrent à quel point le drame que vivent les migrants est immense. Mais peut-on réduire le problème à sa dimension exclusivement émotionnelle ?

Une véritable bulle de moraline

Cette boursouflure du politiquement correct a pris de telles proportions au sein des média qu’elle possède toutes les caractéristiques d’une bulle :

elle a atteint une dimension considérable : presque tous les média, presque tous les présentateurs et presque tous les journalistes sont sous son influence. Il y a certes des résistants (Elisabeth Levy en est probablement l’un des symboles les plus courageux en France) mais ils sont très peu nombreux. Ce défilé de mode moralisante est d’ailleurs affligeant. Il n’engage en effet que des personnes confortablement assises devant leur bureau, très éloignées des drames personnels, qui n’ont ni le pouvoir de décision, ni les moyens d’améliorer les choses, ni même la proximité pour payer ne serait que partiellement le coût économique ou humain de leur pulsions moralisatrices. Il leur est donc particulièrement facile de surenchérir sur des postures humanistes, c’est sans risque. De fait, ce concours de beauté morale est devenu tout simplement obscène.

elle est totalement déconnectée des réalités économiques et sociales : prenons le cas de la France. Ce pays n’arrive même pas à assimiler les flux migratoires de ces 50 dernières années. Il est plombé par le chômage de masse. Son économie régresse. Son endettement est monstrueux. Peut-on honnêtement penser qu’il soit de taille à recevoir décemment des centaines de milliers de nouveaux migrants ? Peut-on imaginer un seul instant que ce serait un cadeau pour ces migrants sans formation ni métier que de s’installer chez nous ?

elle est totalement déconnectée de la volonté des peuples des pays d’accueil : combien de pays peuvent se targuer d’avoir une majorité favorable à accueillir autant de sans abris ? Le cas de l’Allemagne est sans doute différent. Parce que ce pays connaît le plein emploi et souffre d’une faible natalité, l’immigration est un choix de son gouvernement. Celui-ci a mis en place depuis longtemps déjà une organisation digne des enjeux : sélection, formation à la langue, orientation. Dans les sondages, 57% des allemands semblent s’opposer à l’absorption d’une telle vague de migrants (EurActiv février 2015). Mais au moins, la politique d’Angela Merkel peut se justifier, et semble même, sur le long terme, particulièrement avisée. Elle a par ailleurs le mérite d’exister et d’avoir été présentée aux citoyens, ce qui, du fait de sa pertinence et son oblativité réfléchie, peut convaincre les plus récalcitrants d’entre eux. A l’inverse, que dire des autres pays comme la France dont 52% des citoyens sont réfractaires à cet afflux (sondage Odoxa/Paris Match/itélé du 4 septembre), ou l’Angleterre dont 76% des citoyens sont pour une diminution de l’immigration (YouGov mars2015), et dont les gouvernements ne savent sur quel pied danser ?

Une classe politique soumise

La première victime de cette bulle envahissante est la classe politique. Hormis sans doute le gouvernement allemand qui semble savoir ce qu’il fait, la plupart des gouvernements européens sont pris en tenaille entre d’un côté la dureté des faits, et de l’autre la pression morale médiatique.

On n’héberge pas, de façon décente et digne, autant de migrants sans des moyens colossaux. Il ne s’agit pas seulement de leur fournir un abri, mais de leur pourvoir également un emploi, des conditions d’insertion normales, une vie acceptable. On ne joue pas avec des êtres humains, il faut avoir les moyens d’assumer la moindre promesse qui est faite envers eux. Or ni la France, ni l’Italie, ni l’Espagne, ni le Portugal, ni l’Angleterre, ni la Belgique ni sans doute le Danemark n’ont des moyens à la hauteur du politiquement correct médiatique actuel…

De même que prendre des mesures coercitives à l’égard des terroristes qui sont plus ou moins sciemment à l’origine de tels exodes, tout cela nécessite un puissant courage. Il faut d’abord s’opposer à la vindicte journalistique et prendre le risque d’être déshonoré, diffamé, voire insulté. Il faut ensuite arrêter des décisions difficiles en matière de moyens militaires, trouver des alliances, obtenir des résolutions de l’ONU pour s’attaquer à la source du problème : la Syrie, Isis, le Yemen et certaines dictatures africaines. Cela semble inévitable. Pourtant, c’est pratiquement tabou.

Devinette : qui est actuellement le maître du jeu européen ? 

-Les gouvernements ? Certainement pas.

-Les citoyens ? Non plus : leur avis n’est pas pris en compte, et jusqu’à présent, aucun pays n’a lancé de consultation référendaire sur le sujet.

-Les média ? Non plus. Ne soyons pas paranoïaque. Le milieu journalistique n’a ni de projet ni d’objectifs. Il n’y a aucun complot organisé par une collusion de professionnels de l’information à la recherche d’un résultat précis. Chaque journaliste ne fait que se valoriser à peu de frais en arborant une morale dominante à laquelle il n’a même plus la possibilité de s’opposer. Son objectif n’est qu’individuel, et narcissique. Généralement, cela ne va pas plus loin.

-Le politiquement correct alors ? Oui ! C’est lui qui domine, au sens où, indépendamment de toute collusion, il s’est développé de lui-même, profitant des espaces vides et de l’absence de véritables barrières. Il a pris un tel essor qu’il est devenu un système dominant. Il a trusté les comités de rédaction, noyauté les agences de presse, et contaminé de nombreux hommes politiques. Ce n’est bien sûr ni une armée avec des millions de chars, ni une caste travaillant inlassablement à un projet. Non, ce n’est qu’un système de pensée. Un système avec ses fausses vérités et ses nombreux interdits. Mais un système qui, à l’instar d’une idéologie, a envahit les mentalités et empêche de penser différemment.

Au fait, quels pourraient être ces espaces vides qui ont fait que cette « morale » soit devenue aussi envahissante ? Parions que cette liste n’est pas loin de la réalité :

-la chute de l’esprit critique (culture humaniste en baisse, primarité, essor du relativisme, zapping sur internet, culte de l’image),

-la faiblesse du politique (formation et sélection, dépendance aux sondages de popularité, incompétence des électeurs, populisme),

-le niveau intellectuel et moral des journalistes (insuffisance déontologique, formation et sélection, course à l’audience)

 

Hélas, tout cela n’est que du poison pour les démocraties…

 

Extrait de: Source et auteur

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2 commentaires

  1. Posté par Eddy Money le

    Aujourd’hui, un réfugié est un bien meilleur placement qu’un indigène Européen. Le “système”
    ne lui doit rien. Il n’a jamais cotisé. Alors que le réfugié à la charge des pouvoirs publiques, représente un capital d’endettement suplémentaire “pur” à 100 %. Les banquiers centraux
    qui livrent gratuitement de l’argent crée à partir de rien à leur copains banquiers privés, lesquels le prête avec intérêt aux gouvernements, adorent !

  2. Posté par A. Vonlanthen le

    Ceux qui en Suisse luttent depuis plus de 40 ans depuis les initiatives de l’action national contre le grignotage du sol national ainsi que contre l’immigration de masse tirent aujourd’hui un bilan très négatif de leurs efforts. Non seulement la Suisse est maintenant surpeuplée mais ce que l’on observe ces derniers temps avec l’invasion de l’Europe il y a de quoi baisser les bras. Le catastrophe est en route et rien ne l’arrêtera.

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