Législatives britanniques : la tentation du "Brexit"

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En 2013, l'actuel Premier ministre, David Cameron, avait fait la promesse d'un référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne, avant 2017. Contraint de tenir sa promesse, les élections législatives britanniques le 7 mai prochain se sont transformées en un vote sur l'opportunité d'une telle consultation.

L'heure est grave au Royaume-Uni. Tony Blair, qui, ces dernières années, enchaînait plutôt les conférences grassement rémunérées, est même sorti de sa réserve pour venir à la rescousse des travaillistes britanniques. « Il y aurait une grande incertitude à l'approche du référendum, mais si celui-ci devait se solder par une sortie [de l'Union européenne], le pays entrerait dans sa plus forte période d'anxiété économique (...) depuis la dernière guerre. C'est un pari complètement inacceptable pour le futur de notre nation  » a prévenu l'ancien Premier ministre lors d'un discours, peut-être le seul d'ailleurs qu'il tiendra durant la campagne.
 
Car l'enjeu des législatives britanniques dépasse de loin la seule question de la répartition des forces politiques à la Chambre des communes. Un nouveau succès des conservateurs pourrait, en effet, conduire à une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (baptisée « Brexit », contraction de « british » et d'« exit »). Le leader des Tories, David Cameron, doit tenir une promesse formulée en janvier 2013, à savoir l'organisation d'un référendum avant la fin de l'année 2017 sur le maintien de son pays au sein de l'UE. 
 
Deux-tiers des Britanniques se disent euro-sceptiques, un tiers d'entre eux souhaitent sortir de l'UE
En 1975, les britanniques avaient déjà été consultés par référendum sur l'Europe. « Voulez-vous rester dans la CEE ?». Ce fut alors un plébiscite pro-européen : 67 % de « oui ». Mais les temps ont changé. L'UE a rarement été aussi impopulaire qu'en ce moment dans le royaume. Deux-tiers des Britanniques se disent eurosceptiques et souhaitent au moins limiter les pouvoirs de l'UE et un tiers d'entre eux souhaitent carrément en sortir selon un rapport annuel du NatCen social Research.
 
David Cameron tient pourtant sa ligne et entend utiliser ce référendum pour obtenir des marges de manœuvre de la part de Bruxelles. Selon le Daily Telegraph, l'actuel Premier ministre joue un double jeu peut-être dangereux: profiter de cette pression électorale pour négocier a minima le rapatriement de certains pouvoirs dévolus à Bruxelles. Ces concessions obtenues, il fait le pari que les Britanniques voteront finalement pour un maintien au sein de l'UE. Mais rien n'est sûr. Le suspense fut déjà long et pénible pour le 10 Downing Street, en septembre dernier, lors du référendum écossais. David Cameron a ainsi préféré interdire à ses ministres de mener campagne, pour mieux réduire au silence les voix des nombreux euro-sceptiques de son gouvernement. 
 
« Ce que je veux pour mon pays, c'est réformer l'Union européenne, pour la rendre meilleure, puis nous recommanderons de rester dans l'UE parce nous avons besoin de ces liens commerciaux. Cette influence dans le monde est utile à la Grande-Bretagne » a expliqué récemment le Premier ministre lors d'une intervention télévisée. En mars 2014, il avait précisé les changements qui lui paraissaient nécessaires : le renforcement du rôle des parlements nationaux avec une procédure de « carton rouge » (il s'agit de doter les chambres nationales d’une procédure de blocage des propositions de la Commission ne respectant pas le principe de subsidiarité) ; la possibilité pour la police et la justice britanniques de protéger les citoyens « sans interférences inutiles » de l’UE ou de la CEDH ; la lutte contre le « tourisme social » ; la suspension, de manière transitoire, du principe de libre-circulation lors des prochains élargissements ; et la suppression, au moins pour le Royaume-Uni, de la mention d’une « union toujours plus étroite » dans les traités. 
 
Il est d'ailleurs fort probable que, contrairement à 1975, le référendum ne se résume pas à une question sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l'Union, mais qu'il porte plutôt sur le rapatriement de certaines compétences bruxelloises à Londres. Une « prudence » à l'égard de l'UE qui dans la France de François Hollande relèverait d'une forme d'audace politique absolument inimaginable alors qu'elle n'est que simple bon sens politique et démocratique... 
 
« L’idéal avoué des conservateurs serait que l’Union tout entière accepte de se réformer dans le sens de la conception britannique de l’Europe : moins de compétences, un budget réduit, un rôle secondaire pour les institutions communautaires, les grands gouvernements seuls sur la passerelle de commandement, et le droit pour Londres de décider souverainement, au cas par cas, si elle applique ou non les décisions qu’elle a contribué à faire prendre. À défaut, les Anglais se satisferaient d’une extension des clauses d’exemption (opt out) dont ils bénéficient déjà dans de nombreux domaines : monnaie, budget, Charte sociale, Charte des droits fondamentaux, justice et affaires intérieures » écrit le député européen Alain Lamassoure dans la revue Politique étrangère
Le faiseur de "roi" pourrait venir d'Ecosse avec le parti indépendantiste 
 
Dans ce contexte, difficile de prédire quel parti verra son leader devenir Premier ministre. Comme dans de nombreux pays européens, les grands partis sont sur le déclin et leurs chefs jouent leur avenir dans cette élection : le conservateur David Cameron, le travailliste Ed Miliband — qui exclut tout référendum sur l'appartenance à l'UE — et le libéral-démocrate Nick Clegg pourraient sauter en cas de contre-performance. Selon un sondage récent, les travaillistes pourraient compter sur 32 % des voix, les conservateurs récolteraient 30 % des suffrages et les démocrates-libéraux 10 %. Ukip remporterait 15 % des voix et les Verts 7 %. Une répartition des suffrages qui, si elle se confirme, obligerait les grands partis à des alliances difficiles à négocier, voire contre-nature et d'autant plus fragiles.  
 
Arrivé en tête aux dernières élections européennes, le parti indépendantiste (Ukip) de Nigel Farage qui prône la sortie de l'Europe, pourrait ainsi arriver en troisième position et emporter une quinzaine de sièges, ce qui en ferait un nouvel acteur du Parlement dans un pays où le bipartisme historique et les modes de scrutin ont toujours interdit l'émergence de petites formations. Ukip recrute majoritairement chez les conservateurs déçus, mais le camp conservateur est très divisé sur l'hypothèse d'une alliance avec le parti indépendantiste. 
 
Mais le faiseur de roi pourrait venir d'Ecosse où le Parti national écossais (SNP) a bien l'intention de faire payer aux grands partis leur campagne contre l'indépendance de l'Ecosse lors du référendum sur le sujet. Le SNP, très à gauche et pro-européen, pourrait obtenir jusqu'à 50 sièges sur les 59 députés écossais qui siègent à la Chambre des communes et l'installer comme une force politique incontournable du royaume. Les travaillistes ont déjà exclu toute alliance avec les indépendantistes écossais, compliquant d'autant la possibilité de construire une éventuelle majorité.
 
Une droite divisée contrainte de durcir son discours et une gauche peut-être définitivement fragmentée. Le schéma devient presque classique. Le tout dans un royaume de moins en moins uni qui s'interroge autant sur sa fameuse « unité » que sur ses partenariats européens. C'est l'une des élections les moins prévisibles de son histoire et aux lourdes conséquences que s'apprête à vivre le Royaume-Uni. 

 

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