En un âge où l'on veut réduire le langage à un instrument permettant de décrire une réalité bien concrète, bien ronde, bien circonscrite, la remise du Prix Nobel de littérature à Patrick Modiano réjouit. Allons-nous réapprendre à goûter une langue, son mystère, ses enchantements ? Car c'est à cela que Modiano nous initie. Lorsqu'il décrit une scène, un personnage, une rue de Paris, ses mots nous transportent tellement plus loin que ce qu'ils disent, qu'on est bouleversé. Yvonne, dans La villa triste, n'est pas qu'Yvonne. Qu'est-elle, au fond ? Modiano nous amène à poser cette question. Lui-même ne la pose pas. Et tandis que nous, nous la posons, aucune réponse claire et distincte ne nous est jamais donnée. Mais peu à peu Yvonne nous devient présente, parce que la présence est au-delà de toute définition, peut sourdre des mots d'un romancier ou d'un poète. On est seul dans une foule, pas avec Modiano.
Le mystère des personnages qui peuplent ses romans ne cesse de grandir aux yeux du lecteur. Avec Modiano, nous ne sommes pas dans un univers où les êtres seraient comme autant de boules de billard se heurtant les unes aux autres. Ses personnages sont de chair et de sang et, parce qu'ils sont tels, portent l'infini en eux. Raison pour laquelle ils s'échappent à eux-mêmes ainsi qu'à nous-mêmes, comme s'ils étaient une fenêtre ouverte sur un horizon infini. C'est cela, la présence : un infini qui descend dans le temps et dans l'espace. Modiano nous le fait sentir à chaque page.
Je sais bien que Sartre a dit à peu près la même chose que lui, non sans profondeur d'ailleurs, en insistant sur le fait que nous sommes des existants et non des essences. Mais une chose est de comprendre une proposition avec son intellect, autre chose est de la saisir avec sa chair. Avec Modiano, on comprend avec sa chair que chacun de nous est un mystère à lui-même et aux autres. En douceur, Modiano dégonfle toutes ces marionnettes que les êtres humains sont devenus sous la pression de slogans comme l'ouverture à l'autre, pour ne rien dire des droits humains qui contribuent à la réification planétaire de tous les hommes.
On dit que la question de l'identité est centrale chez Modiano. C'est vrai. Il nous amène à nous demander qui nous sommes et qui sont ceux qui nous entourent. Mais il ne faudrait pas croire que sa quête de l'identité, pour lui ou ses personnages, débouche sur la découverte d'une nouvelle et plus profonde identité. Lorsque nous nous approchons de nos semblables en sentant et en sachant que chacun d'eux porte au fond de lui-même quelque chose qui nous échappera toujours, toute recherche d'une identité est vouée à l'échec. Modiano est grand parce qu'il le sait et que, néanmoins, il cherche à s'approcher des êtres autant qu'il le peut. C'est ce qu'on appelle l'amour qui demande qu'on ne s'approche pas d'autrui avec les gros sabots d'une aveugle rationalité. Il faut des souliers de satin.
Jan Marejko, 20 novembre 2014
Je suis t’envoie ! » Mieux encore: « Je serai celui que je serais t’envoie…vers Pharaon ». Aucune référence à aucune autorité ! Même pas le tout-puissant!
« laisser les petits-enfants en venir à JE ne les en empêchez pas! » je signale au passage que de voir chrétiens, fondamentalistes ou non à la suite de chasses, poussent leurs enfants vers LUI. les détournant ainsi que leur propre « je ».
Don Juan Matus, le benefactor de Castaneda, lui dit: « la première chose que tu dois savoir est que tu es un profond mystère! » J’aime Don Juan Matus, et je me fiche qu’il ait existé ou non! Si je suis un profond mystère, l’enfant dont je suis père de l’est-il pas aussi ? Au même titre que Dieu?
Souvenez-vous! « tu aimeras le seigneur ton Dieu…» et «tu aimeras prochain comme toi-même »!
à celui qui demandait à Jésus quel est le plus grand commandement, celui-ci répondit : « tu aimeras le seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même », c’est à peu près ça. Or un des apôtres fustigeait ainsi ses auditeurs, je cite de mémoire: « comment prétendez vous aimer Dieu que vous ne voyez pas alors que vous n’aimez pas votre prochain que vous voyez? » Evidemment il faut ici s’entendre sur le sens d’aimer.
Je conclurai, pour ne pas prolonger outre mesure, que le mystère, quand on ne le tripatouille pas, ne peut qu’offrir d’étonnants cadeaux.