Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse.
Pour une caisse publique d’assurance-maladie (évoquée ici) : l’initiative était clairement l’objet-phare du week-end. L’offensive de la gauche pour étatiser encore davantage le système de santé public connut un échec cinglant avec 61,9% de non.
La carte des résultats montre à quel point nous sommes loin d’une double majorité du peuple et des cantons. Certains journalistes s’empressèrent d’évoquer l’éternel röstigraben, c’est-à-dire une sensibilité différente entre les Romands et les Alémaniques, en oubliant fort commodément le Valais et son refus massif du texte.
Les Alémaniques, ultra-libéraux légèrement bornés, empêchèrent donc encore une fois les Romands progressistes et généreux d’accéder au nirvana socialiste du tout-État. Je simplifie à peine.
Entendons-nous bien : si ces nuances existent, elles sont plus subtiles qu’on ne pourrait le croire. D’ailleurs l’analyse plus fine d’Alain Rebetez à l’antenne de la RTS révéla autre chose : l’effet du porte-monnaie ! Parmi les dix cantons où les primes d’assurance-maladie sont les plus élevées, on trouve les quatre cantons romands à avoir voté oui, mais aussi les cantons alémaniques où le rejet a été le plus faible. Et sa conclusion : « On peut dire qu’il y a dans les explications d’abord un phénomène culturel, les Romands quand ils ont un problème se tournent volontiers vers l’État alors que les Alémaniques s’en méfient, et puis il y a un facteur un peu plus pragmatique au fond, ceux qui payent les primes les plus élevées, qui en souffrent le plus, eh bien c’est ceux-là qui sont les plus enclins à remettre en cause le système. »
Si cette analyse est juste, elle est aussi inquiétante : elle montre qu’à partir d’un certain niveau d’inconfort financier lié aux coûts de la santé, certains électeurs sont prêts à gober n’importe quelle promesse pour faire baisser les primes – l’idée étant ici de faire payer d’abord les autres cantons, puis ensuite les « riches »… Mais toujours de faire payer un autre à sa place. Triste mentalité !
Les socialistes dont Pierre-Yves Maillard furent nombreux à relever la progression de leurs idées par rapport à la dernière tentative socialiste d’une nationalisation de la santé – « pour une caisse maladie unique et sociale », refusée en 2007 avec 71,9% de non. Si le camp du oui a progressé de dix points, il faut relever que le projet soumis au vote ce week-end était différent, puisque dans un premier temps tout au moins, il ne prévoyait pas de faire de la prime d’assurance un impôt en liant son montant aux revenus.
Malgré tout, il paraît relativement clair que médiatiquement et politiquement la gauche a marqué quelques points. L’idée de permettre des caisses publiques cantonales fait aussi son chemin ; cocasse de voir des adeptes de la centralisation caresser l’espoir d’un socialisme cantonal lorsque sa version fédérale paraît hors d’atteinte…
Les questions de fond de la santé ne sont évidemment toujours pas résolues. Le nombre d’individus qui ne paient plus leurs primes ne cesse d’augmenter, les coûts de la santé sont en roue libre, les primes étranglent petit à petit la classe moyenne. La droite suisse a gagné un peu de temps mais si elle ne s’attelle pas au problème avec un minimum de rigueur et de compétence, une majorité d’électeurs pourrait à terme finir par céder au chant des sirènes de la gauche.
Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration : la première initiative lancée par GastroSuisse, l’organisation faîtière de la branche, a fait chou blanc avec 71,5% de non. Les initiants visaient à ce que le taux de TVA soit unifié entre les commerces à l’emporter (où il est à 2,5%) et les restaurants traditionnels (où il est à 8%).
La campagne fut de peu d’ampleur mais les adversaires du texte n’eurent aucun mal à marteler un certain nombre de mensonges ; par exemple l’idée que l’État perdrait de l’argent en forçant une TVA à 2,5% sur toutes les activités de restauration (alors que l’initiative n’évoquait qu’une TVA unifiée pour éviter les distorsions de concurrence, sans articuler de chiffre) ou que le nouveau taux s’appliquerait à la moindre nourriture vendue en supermarché, juste un fieffé mensonge.
Gageons que GastroSuisse, qui ne compte pas s’arrêter là, aura acquis avec cette votation une sérieuse expérience sur ce qu’il faut faire et ne pas faire en se lançant dans l’arène politique.
Ce week-end fut également l’occasion de quelques votes cantonaux. Les Genevois dirent donc non à un tunnel sous-marin lancé par l’UDC et le MCG pour désengorger le centre-ville de Genève, présageant de magnifiques embouteillages sur le pont du Mont-Blanc pendant encore plusieurs décennies ; les Tessinois suivirent la Lega et refusèrent un crédit de 3,5 millions de dépenses de prestige pour une participation cantonale à l’Exposition Universelle 2015 de Milan ; Bâle-Campagne refusa de fusionner avec Bâle-Ville pour rester deux demi-cantons distincts ; les Schwyzois se prononcèrent pour une augmentation des impôts ; enfin, à Neuchâtel, le PLR allié de circonstance à la gauche n’eut aucun mal à souffler à l’UDC le siège du démissionnaire Yvan Perrin.
La Suisse démocratique continue son petit bonhomme de chemin lorsque les questions ne sont pas trop gênantes pour les élites internationales. Mais tout de même, on peut s’étonner d’un taux de participation de moins de 47%, alors que, par exemple, absolument tout le monde est soumis aux lourdes primes de son assurance-maladie. N’aurait-on pas pu espérer davantage de mobilisation ?
Lorsque moins d’un citoyen sur deux prend la peine de se déplacer pour une question qui pèse si lourd sur le budget mensuel de son ménage, on est légitimement en droit de s’inquiéter.
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