L’assassinat barbare du journaliste américain James Foley a atteint l’objectif recherché. Son caractère atroce l’a placé à la une de l’actualité. Ses auteurs ont fait preuve d’un mélange de machiavélisme et de pathologie sanguinaire, monstrueux aux yeux de la plupart des humains et notamment des Occidentaux. Terroriser les adversaires, leur faire peur au point de les désarmer, c’est semble-t-il le résultat obtenu sur l’armée irakienne lors de la prise de Mossoul. Exercer un chantage sur les Américains ou les Européens pour les dissuader de s’engager davantage est un second but. Fasciner l’admiration morbide des djihadistes en herbe qui depuis les banlieues des pays riches entendent l’appel de l’aventure guerrière figure sans doute aussi dans les calculs de ces criminels. Mais ce dernier point nous amène à l’aspect délirant, pathologique du phénomène djihadiste. Quelle que soit sa réticence à faire vraiment la guerre, Obama, loin de baisser les armes, sera obligé d’engager les forces américaines dans une opération de destruction. Il n’y a pas de place pour l’EIIL au XXIe siècle est une formule explicite de sa part. On ne soigne pas un cancer à l’aspirine. La décapitation filmée d’un journaliste est un acte à ce point choquant qu’il lève les réserves et crée au contraire une obligation d’intervenir. Mais les Etats-Unis ne le feront pas seuls. Fabius a souligné le caractère particulièrement dangereux de ce groupe pour justifier une action collective. On retrouve là une unanimité semblable à celle de la première guerre du golfe après l’invasion du Koweit ou à celle qui a suivi le 11 Septembre. Cameron a déploré que le tueur soit sans doute un Britannique, ce qui est une autre manière de rendre urgente la riposte pour mettre fin à la séduction perverse du djihad sur les paumés de nos quartiers sensibles.
Dans notre monde médiatique où l’émotion règne sans partage, l’image d’un homme martyrisé et celle de ses parents, d’une dignité exemplaire, créent un choc, soulèvent la répulsion pour les auteurs, suscitent la compassion pour la victime et ses proches. Cela ne va pas durer, mais cela rend possible une intervention américaine directe dans le cadre d’une alliance assez large pour faire bouger les lignes des tensions actuelles. Fabius a évoqué l’Iran. On peut penser à l’Arabie Saoudite dont le Grand Mufti a condamné les agissements du prétendu Etat Islamique. Ce serait une clarification bienvenue. Ce n’est pas en Irak mais en Syrie que James Foley a été enlevé par des adversaires du régime Assad, l’ami de l’Iran, que les Américains voulaient abattre. Il serait temps pour eux de prendre conscience de leurs errements et de la situation tragique où leur soutien aux rebelles syriens les a conduits. Comme l’Irak en 2003, les Etats-Unis voulaient convertir la Syrie à la démocratie. Dans les deux cas, ils ont créé l’anarchie pour le plus grand malheur des populations et, comble de maladresse, ont permis l’implantation à cheval sur les deux pays dévastés d’un « califat »djihadiste sanguinaire, capable d’exporter le terrorisme dans le monde et qui leur est farouchement hostile. Le moment est venu pour eux de revoir la copie, et d’accepter avec humilité de reconnaître leur erreur. La Syrie a aidé les Etats-Unis lors des guerres du Golfe et dans leur lutte contre le terrorisme. Elle se bat contre Al Qaïda et son excroissance, l’EIIL qui occupe une partie de son territoire. Son principal allié est la Russie. Là encore, la sainte alliance contre le terrorisme permettrait peut-être de rapprocher les deux grands pays et de regarder d’un autre oeil la crise ukrainienne, en grande partie artificielle, et qu’un peu moins de raideur américaine aurait sans doute permis d’éviter.
Il ne faut pas laisser passer cette occasion d’un guerre juste, cette notion que les Etats-Unis avait compromise en envahissant l’Irak en 2003, sans aucune légitimité pour le faire. Le Pape lui-même a dit qu’il serait juste de stopper les agresseurs. On peut comprendre la modération du Saint-Père qui a déjà surpris en justifiant une guerre. Mais on doit souhaiter faire davantage que d’empêcher l’extension de l’espace abandonné à l’injustice et la violence. On doit reconquérir le terrain, rétablir le droit, la propriété, la liberté de culte et de croyance et châtier sévèrement ceux qui leur ont porté atteinte. Il ne doit pas s’agir d’arrêter l’EIIL, mais de l’anéantir. Militairement, la chose est facile pour une coalition. Politiquement, il faut que le nouveau gouvernement irakien associe Chiites et Sunnites, en redonnant notamment une place aux anciens membres du Baas. Leur éviction en 2003 a été une faute majeure.
Le Président Obama a pris soin de ne pas stigmatiser l’Islam. Il y a toujours entre les textes fondateurs d’une religion et les comportements de ceux qui s’en réclament des évolutions voire des contradictions. On peut souhaiter que les Musulmans d’aujourd’hui pratiquent leurs rites sans ostentation et obéissent aux commandements de manière raisonnable, comme le font les autres religions. Néanmoins, on ne doit pas méconnaître quelques réalités. D’abord, le Coran et les Evangiles n’ont pas du tout le même rapport à la violence. Les vies du Christ et du Prophète non plus. En second lieu, l’Islam soumet la politique et le droit à la religion et les confond. Le Christianisme les distingue. Cette différence explique le rapport de l’un et de l’autre à la démocratie. Le mirage du Printemps Arabe s’est dissipé en même temps que les illusions dont se berçait le Président américain à ce sujet. En troisième lieu, aux limites du monde musulman, du Nigéria à la Chine, des exactions, des attentats, des enlèvements, des traitements odieux à l’encontre des femmes sont commis en relation avec la religion. Un langage de vérité, un dialogue sincère mais ferme seront plus efficaces qu’un discours superficiel et convenu sur la tolérance.
Christian Vanneste, 21 août 2014
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