Involontairement complice du système, l’UMP détourne l’attention au lendemain des Européennes. Le parti socialiste perd ses électeurs mais demeure. A sa droite, il y a un paradoxe : il y a des électeurs fidèles à un parti qui n’en est pas un. Depuis des lustres, les électeurs de droite modérée, plutôt conservateurs, votent pour le grand parti de centre-droit. Lorsqu’il y en avait deux, les traditions locales, l’image des personnalités, les inflexions sécuritaire, libérale, nationale ou européenne donnaient l’avantage à l’UDF ou au RPR. Lorsque l’unité s’est faite au sein de l’UMP avec l’organisation du second et les orientations politiques de la première, la majorité des électeurs a constamment apporté son soutien de façon un peu pavlovienne au candidat qui se réclamait des trois lettres magiques. Le parti est alors devenu une firme, une machine à gagner les élections, à soutenir des candidats, à organiser des campagnes et à collecter des fonds. Les projets, les valeurs, les idées ont été évacués parce que superflus en dehors des slogans de campagne adaptés aux résultats des sondages. La marque suffisait. Chirac était passé d’un patriotisme exigeant à un consensus humaniste ( humaniste est l’auréole élégante sur les têtes vides de pensée politique). Sarkozy pouvait faire campagne à droite et gouverner ensuite sous le signe de l’ouverture à gauche, la maison était d’autant plus ouverte aux sensibilités que celles-ci avaient disparu au profit des profils de carrière. L’UMP était devenue une coquille vide, mais les électeurs étaient toujours là comme si le mépris dans lequel on les tenait n’altérait pas leur foi. Qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, ils ne se débandent pas et fourbissent leurs armes pour la fois suivante. Après les municipales perdues de 2008, celles de 2014 sont gagnées comme jamais. Aucune défaite de l’UMP n’a eu l’ampleur de 1993 pour le PS aux législatives, de 2014 pour les municipales ou de 2002 pour la présidentielle. La perte des Régions a été due au refus des dirigeants d’une alliance avec le Front National, non à l’effondrement de l’électorat. Ce refus de tout rapprochement avait des motivations historiques jusque dans les années 80. La disparition de la génération de la guerre a effacé ce motif. Il reste le poids des groupes de pression et les calculs électoraux, des deux côtés d’ailleurs. Aux européennes, certes l’UMP est arrivée derrière le FN, mais avec un score d’autant plus honorable qu’il y avait des listes centriste et même souverainiste qui lui prenaient des voix. Le PS s’est effondré, ce qui n’est jamais arrivé à l’UMP. Les habitants des beaux quartiers, la bourgeoisie traditionnelle, les familles des banlieues résidentielles, les personnes âgées aspirent à un ordre calme, sans débat véhément, instauré par des gens qui paraissent corrects, compétents et capables de gérer les deniers publics avec sérieux. Ni Neuilly, ni Marcq-en-Baroeul n’ont manqué à cette fidélité fondée sur les apparences. C’est insuffisant pour gagner les élections. Pour ça, il faut un petit coup de fracture sociale façon Seguin-Chirac, ou une bonne dose de Buisson bien populiste pour drainer l’appoint d’électeurs nécessaire, mais les gros bataillons continuent à bien voter, comme à la manoeuvre. La crise actuelle de l’UMP offre deux sorties possibles : soit, avec une totale hypocrisie, les dirigeants du parti proclameront leur bonne foi odieusement trompée et tout rentrera dans l’ordre, soit un doute profond s’emparera de ce carré d’électeurs qui se sentiront orphelins de parti. Le départ de Copé, l’arrivée d’un triumvirat de respectables anciens Premiers Ministres, qui plaisent à la « droite, comme Mac Mahon, en raison de leur titre et malgré leurs défaites, confortent la première hypothèse. Une attention plus soutenue risque toutefois de provoquer une salutaire prise de conscience. Le spectacle offert par l’UMP est en effet peu reluisant : pour les amateurs d’histoire, on a le choix entre Crécy et les chevaliers qui écrasent la piétaille ou les petits marquis infatués de leurs privilèges mais qui n’ont en rien prouver leur compétence. Les militants sont là pour faire la claque et renflouer la caisse. Les électeurs ne comptent que lors de l’élection. Les chefs n’ont pas le temps. Ils font confiance à leurs collaborateurs. Ils signent des chèques ou des conventions, mais sans les regarder… La désinvolture des propos est révoltante. Comment ? Vous voulez qu’on vous confie la direction de la France, l’orientation de sa politique, la gestion de ses, de nos deniers, et d’un plateau de télévision à un autre, vous ne saurez pas vraiment ce que vous faites ? Vous vous contenterez de suivre vos conseillers et d’écouter les apparatchiks et les technocrates ? Vous brassez les Millions de votre parti, le financement public, les dons, les cotisations, bref l’argent des autres, avec légèreté et vous voulez qu’on vous charge des Milliards de l’Etat ? Vous évoquez les Millions dépensés sans songer à tous ceux pour qui ces sommes sont astronomiques et seraient mieux employées ailleurs ? Si vous voulez qu’on vous prenne au sérieux, commencez donc par abandonner les cumuls de mandats ou d’activités, qui vous servent d’excuse alors que vous les voulez pour asseoir votre pouvoir et votre aisance. Dans n’importe quelle activité, il est malhonnête d’accepter des fonctions qu’on ne peut remplir avec efficacité, et le Bien Commun échapperait à cette règle ? Christian Vanneste, 28 mai 2014
Et vous, qu'en pensez vous ?