Agression dans le métro et Foule solitaire…

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

Cet incident qui est devenu un événement médiatique amène des questions plus essentielles. La principale se situe au coeur du lien social : c’est celle du rapport qu’entretient concrètement un individu avec les autres, non pas les autres qu’il connaît, mais les autres qu’il côtoie seulement…

Mardi dernier, une Tourquennoise de 29 ans a été agressée dans le métro de Lille. Habitant Tourcoing moi-même et utilisant ce moyen de transport particulièrement efficace, j’ai évidemment été très sensible à cette agression. L’insécurité n’y est pas habituelle. J’avais, dès la création de ce moyen de transport entièrement automatisé, insisté sur la nécessité de le doter d’un réseau de vidéoprotection performant. Celui-ci existe. Un personnel de surveillance et d’assistance y est régulièrement visible. Le problème posé par l’épreuve qu’a subie cette jeune mère de famille n’est donc pas vraiment celui de la sécurité. L’agresseur, un marocain alcoolisé, ne témoigne pas non plus de la délinquance endémique de certains quartiers. Il a été condamné à 18 mois de prison et à deux ans d’interdiction du territoire. On peut juger la seconde peine trop légère, mais on ne critiquera pas une justice qui a été ferme et rapide, en espérant, bien sûr, que les sanctions soient appliquées… L’aspect de ce fait divers odieux qui a retenu l’attention au niveau national réside dans l’attitude des individus qui se trouvaient sur le quai puis dans le métro. Non seulement, ils n’ont apporté aucune aide à la personne qui était attaquée, mais ils sont restés distants, indifférents et n’ont pas utilisé les moyens à leur disposition et sans danger pour eux, comme les bornes d’appel, ou éventuellement leurs téléphones portables, afin d’appeler au secours. La victime a été traumatisée par la violence verbale et physique de son agresseur, mais aussi par l’abandon qu’elle a subi de la part des autres voyageurs. Le procureur de la République de Lille va donner les suites judiciaires qui s’imposent. La vidéoprotection va permettre d’identifier ceux qui auraient pu prêter assistance et ne l’ont pas fait. La non-assistance à personne en danger est un délit. Il était bon de le rappeler.

Mais, cet incident qui est devenu un événement médiatique amène des questions plus essentielles. La principale se situe au coeur du lien social : c’est celle du rapport qu’entretient concrètement un individu avec les autres, non pas les autres qu’il connaît, mais les autres qu’il côtoie seulement. Ce qui caractérise nos sociétés urbaines actuelles, c’est le phénomène que David Riesman avait appelé « La Foule Solitaire ». La tribu ou le village où tout le monde se connaît est une société organisée. La tradition y détermine les comportements. Dans une société plus développée, où l’éducation, la lecture notamment, s’est répandue, des normes assez rigides souvent de nature religieuse, mais aussi civiques fixent les attitudes.  Des personnes qui ne se connaissent pas, vont donc réagir d’une manière identique par une solidarité quasi mécanique, si elles sont en groupe. A l’âge de la foule solitaire, celui de la passivité télévisuelle, et du repli individuel sur le net, celui du brassage des populations, les choses sont très différentes. L’individu ne sait pas qui est à côté de lui, ignore comment il va réagir, et a tellement été matraqué par des images de violence, ses valeurs ont été à ce point dissoutes par le relativisme dominant qu’il ne va pas esquisser le moindre geste, qu’il va se replier dans sa bulle, sans même prendre conscience que ce comportement s’appelle la lâcheté, sans même se rendre compte que ce déni de la situation à laquelle il est confronté l’a inhibé au point de ne pas lui permettre de faire le minimum : appeler au secours !

Si on se rapporte cette fois à Konrad Lorenz, on mesure le paradoxe extraordinaire de notre époque. Parce que notre société a progressé extraordinairement sur le plan technique, qu’on s’y informe de la manière la plus  diverse, qu’on s’y déplace très facilement,  les liens sociaux s’y sont distendus souvent avec l’illusion de la liberté, mais avec aussi la réalité de la solitude. La progression de la technique s’est accompagnée d’une régression sociale, d’un recul du lien social. Le comportement des passagers du métro de Lille a été celui d’une bande anonyme, le niveau le plus faible du lien entre des animaux d’un même groupe, incapables de se défendre de manière active contre un prédateur. Les Choucas font mieux ! Il y a plusieurs manières de lutter contre cette évolution néfaste. Soit on accepte l’individualisme et ses conséquences. Pourquoi une majorité des Américains est encore favorable à la liberté de détenir une arme ? Parce que c’est le moyen de se défendre personnellement sans attendre le secours du voisin ou l’intervention de la police. La France, en limitant le recours à la légitime défense et en légitimant les poursuites contre un commerçant qui a abattu son agresseur, par exemple, a choisi comme d’habitude le dessaisissement de la protection de chacun au profit de l’Etat tout-puissant, de sa police et de sa justice, dont l’efficacité reste chaque jour un peu plus à démontrer. Le nombre des attaques subies par des boutiques de luxe à deux pas du Ministère de la Justice éveille plus que des doutes à ce sujet. Il existe une troisième solution, qui allie le civisme et l’autonomie. Punir l’incivisme sans la moindre tolérance, récompenser les gestes de secours à autrui, la participation active des citoyens à la sécurité collective, les informer sans cesse sur les moyens à leur disposition, leur enseigner les comportements adaptés aux situations rencontrées : cet ensemble constituerait une politique capable de restaurer un esprit de groupe tout en préservant l’autonomie des personnes. En quittant le domaine de la délinquance, la France est, paraît-il le pays où la victime d’un infarctus dans l’espace public court les plus grands risques, faute d’un enseignement systématique des gestes qui sauvent, tel qu’il existe dans de nombreux pays, mais pas chez nous, où tant de choses inutiles voire nuisibles sont pourtant enseignées dans les écoles…

Christian Vanneste, 27 avril 2014

2 commentaires

  1. Posté par Bolomey Marie le

    Contrairement à ce qui est écrit dans votre texte et contrairement au premier commentaire de cet article, le code pénal suisse ne connait pas d’article sur la “non assistance à personne en danger”. Il y a une “ommission de prêter secours”, mais d’après ce que j’ai lu, ni l’agression de Tourcoing, ni celle de Lausanne ne semble permettre l’application de cet article.

    On peut le regretter, mais pour que le débat soit juste, il convenait de faire ce bref rappel juridique.

  2. Posté par Odette le

    Oh combien je compatis à ce qu’a vécu cette jeune femme de Lille.
    J’ai subi une agression sauvage, le 25.10.2012 à une des stations de bus de Georgette, Lausanne.
    Cette place est bien connue des lausannois. Elle relie l’Avenue du Théâtre à l’Avenue de la Gare d’une part, et d’autre part à l’Avenue de Rumine. En face de cet arrêt, une grande boutique de vêtements masculins très chics. Ce jour-là, il était env. 14h20 ,donc plein jour, et des personnes étaient assises à mes côtés, lorsque mon agresseur a frappé. Elle s’y est reprise à 3 fois et personne. mais personne n’a réagi , n’a bougé, personne n’a appelé la police, personne ne s’est déplacé pour chercher une aide plus loin. Ces gens ont assisté, à mes côtés, à ces actes odieux sans émettre un son. Cette jeune femme, m’a projeté avec violence inouïe contre le haut-vent vitré de l’arrêt de bus. Il en est résulté: des fractures multiples de l’humérus, une compression paralysante du nerf radial et atteinte du nerf median. Opération de près de 2h 1/2 , brochette fixée dans l’avant-bras. 18 mois de traitement physiothérapeutique et je n’ai pas encore usage complet de la main. Après de longues minutes d’attente de gémissements, de douleurs à côté de mon agresseur qui me disait d’arrêter ma comédie, j’ai enfin pu interpeller une passante qui a appelé la police avec mon portable. J’ai demandé à une des témoins pourquoi ne m’a t-elle pas aidé? Elle s’est mise à me fustiger d’une voix forte et apporter presque un soutien tacite à l’agresseur. Incroyable….mais vrai. Agresseur et témoin sont partis tranquillement avec le bus peut avant l’arrivée de la police…comme si de rien n’était. Je ne souhaite à personne de vivre une chose pareille. La gouardise, la bêtise infinie…
    Voici ce qu’à dit en substance le porte parole de la police lausannoise, dans l’article de ce 14.11.12, “Il est déterminant que les témoins avisent au plus vite la police par le 117”. Ce Monsieur avait l’occasion offerte de lancer un appel à témoin dans cette affaire. Il ne l’a pas fait…Pourquoi?
    Je suis dans ma 70e année. Ce jour, le dossier est vide pourtant il a séjourné 1 année à la police judiciaire. Il est classé! Cependant, il reste un délai de 3 1/2 ans pour retrouver l’agresseur. Aujourd’hui, dans les milieux concernés on me fait comprendre de jeter l’éponge. Je réponds, JAMAIS. Car il n’y a pas de Paix sans Justice. Apparemment je vis normalement, à part une dépression encore latente post-traumatique. Mais l’atteinte physique et surtout morale sont indélébiles. Pas d’agresseur, pas de procès, pas d’indemnités…Circulez, il n’y a plus rien à voir! A combien, la Justice lausannoise et vaudoise, estime la valeur d’une vie humaine et l’intégrité physique de la personne?…Lorsqu’il s’agit d’argent on y met le paquet.. Combien de temps faudra-t-il subir ce laxisme? Que fait la Municipalité de Lausanne,? d’Yverdon? contre l’insécurité croissante et la délinquance qui sévissent en toute impunité? A combien estiment-ils la sécurité du citoyen?
    Enfin, il existe bel et bien un article dans le code pénal suisse envers des témoins si lâches qui dépasse tout entendement.. et dont la bêtise est infinie d’infinie.(je me répète à escient)….NON ASSISTANCE EN PERSONNE EN DANGER La justice et la police en tiennent-elles compte?
    Je me suis fait la promesse, promis, juré, j’emploierai tous les moyens à disposition dussai-je faire heures de sitting pour retrouver ces lamentables personnages….
    Il ne faut plus que ces choses se reproduisent..de grâce ..J’implore la SOLIDARITE

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.