Interview de Petr Mach par Alimuddin Usmani, parue dans le journal l’Agefi, 19 avril 2014 :
"Créateur et président du Parti des citoyens libres en République tchèque, Petr Mach a été conseiller économique de l’ancien président Vaclav Klaus. Cet économiste proche des thèses de l’Américain Milton Friedman est un adversaire acharné d’un salaire minimum. Quel qu’en soit le montant.
Les électeurs suisses doivent se prononcer le 18 mai sur l’instauration d’un salaire minimum fixé à 22 francs de l’heure ou 4000 francs par mois. Quel est votre regard en tant qu’économiste sur cette initiative?
Je déconseille aux électeurs suisses d’accepter l’initiative sur le salaire minimum. Il existe toujours une corrélation entre salaire minimum et le chômage. Les pays qui possèdent une loi imposant un salaire minimum sont des pays qui connaissent un taux de chômage plus élevé. Lorsque le coût de la main d’œuvre devient trop élevé pour les entreprises, soit elles procèdent à des délocalisations, soit elles remplacent leur personnel par des machines.
En République tchèque, le salaire minimum est fixé à environ 2,20 francs de l’heure (soit 353 francs par mois). Est-ce la preuve que l’instauration d’un salaire minimum ne fonctionne pas?
En République tchèque le salaire moyen est bien plus bas qu’en Suisse. Mais même un salaire minimum aussi bas porte préjudice à l’économie. Ce même salaire minimum n’aurait, bien évidemment, aucun impact dans votre pays mais chez nous il est responsable d’un taux de chômage élevé, particulièrement parmi les personnes non qualifiées et parmi les jeunes qui viennent de terminer leur formation.
Les opposants à l’initiative estiment que l’instauration d’un salaire minimum provoquera une perte d’attractivité de l’apprentissage. Vous confirmez?
Totalement! L’instauration d’un salaire minimum a un effet démotivant. Pourquoi est-ce qu’un jeune irait se former si la loi garantit un salaire minimum pour les personnes non qualifiées?
Les partisans de l’initiative argumentent que le coût de la vie est bien plus élevé en Suisse qu’ailleurs et qu’un salaire inférieur à 4000 francs ne suffit pas à couvrir ses besoins. Ceux qui gagnent un salaire décent paient des impôts pour financer l’aide sociale des travailleurs sous-payés…
C’est un argument qui est repris dans tous les pays qui souhaitent instaurer un salaire minimum. Bien sûr qu’il serait préférable que les gens aient un salaire plus élevé plutôt que de devoir recourir à l’aide sociale! Néanmoins, le salaire minimum a pour effet d’aggraver la situation sur le marché de l’emploi plutôt que de permettre aux gens d’augmenter leur salaire.
L’instauration d’un salaire minimum risque-t-elle d’accroître le travail au noir?
Certainement et l’Etat serait obligé d’engager de nouveaux fonctionnaires pour mieux contrôler les entreprises. Cela va inévitablement mener à une augmentation des impôts nécessaires à rémunérer ce personnel.
Un salaire minimum à 22 frs de l’heure constituerait un record mondial. Le Luxembourg a un salaire minimum à 12,20 francs de l’heure, tandis que l’Australie se place en tête avec un salaire à 14,15 francs. Y-a-t-il un risque qu’un tel salaire renforce encore l’attrait de la Suisse auprès des demandeurs d’emploi non qualifiés de l’étranger?
Un salaire minimum aussi élevé exercerait évidemment un attrait conséquent. Une partie de ces étrangers obtiendrait un travail de façon légale et une autre partie accepterait de travailler au noir pour un salaire plus bas."
Source et auteur : Agefi, Alimuddin Usmani, 19 avril 2014
Et vous, qu'en pensez vous ?