Sublime comme le silence de la nature

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant

 

 Le sentiment de la nature est-il inné ? Survient-il avec l’âge ? Accompagne-t-il la peur de la mort ? Sublime-t-il la vie ? Pourquoi l’irruption d’un lièvre, au petit matin, nous bouleverse-t-elle ? Que vivent nos frères animaux ? Pourquoi ai-je cru voir, ce matin, près de Bernex, mon premier milan noir de l’année, et cette apparition a-t-elle accentué en moi l’idée de la vie recommencée ? Pourquoi toute promenade est-elle une renaissance ? Ces quelques questions, je les avais à l’esprit en lisant avec passion le livre de Philippe Roch sur Robert Hainard.

 

L’ancien patron de l’Office fédéral de l’environnement est l’un des fils spirituels du génial peintre animalier (1906-1999). Ce livre n’est pas une biographie, mais une initiation à ce qu’a pu être la philosophie de la nature chez Hainard. Par le concept. Mais surtout par la vie, l’expérience, les milliers d’heures à guetter la vie animale, la nuit, à l’aube, au crépuscule, dans ces moments où tout commence et tout s’éteint. Alors oui, le peintre, graveur, nous est décrit comme l’homme au milieu de la nature, perclus du mystère de cette dernière. L’homme en communion. Avec qui ? Dans l’ordre de quelle mystique ?

 

Un livre sur la matière. Mais où tout est esprit. Éloge de la matière, références à Kant, Aristote, ancrage dans le paléolithique, résurrection des totems, Philippe Roch nous transporte dans un univers où l’homme ne serait qu’un invité. Un passant. Il aurait à observer le monde, s’en imprégner, vivrait la matière « comme résistance » (page 52). Tel Hainard, qui croque, esquisse, dessine, peint ou grave, toujours dans l’ancrage du concret. Mais pour nous amener où ? Vers quelles hauteurs, quelles profondeurs ?

 

Cette nature-là, celle de Philippe Roch lorsqu’il nous parle de Robert Hainard, nous bouleverse. Elle conserve la fraîcheur immaculée de l’apparition, l’instantané de la rencontre. Le doute, la stupeur : ai-je bien vu ? Ai-je bien vécu ce moment ? A lire d’urgence. D’abord, pour les références en termes de philosophie de la nature. Plus encore, pour la profondeur du sentiment émotionnel qui, de la première à l’ultime page, parcourt et traverse le livre. J’ose le dire : comme un bréviaire. La sonorité d’une liturgie. « L’odeur du bois » (page 9). Le silence, tellement éloquent, de la prière.

 

Pascal Décaillet, Sur le vif - Mardi 04.03.14 

*** Le penseur paléolithique - La philosophie écologiste de Robert Hainard - Par Philippe Roch - Editions Labor et Fides - Mars 2014 - 241 pages.

4 commentaires

  1. Posté par dominique degoumois le

    Me promenant régulièrement partout dans la nature, je vous confirme que la nature n’est pas du tout silencieuse! Sauf pour ceux qui courent, avec des casques et des oreillettes! Pour eux , la nature est soit silence, soit rock, soit classique, soit infos-continues! Pour moi c’est les chants des oiseaux, les bruissements des feuilles mortes, les glouglous des ruisseaux et les aboiements de mon chiens! Robert Hainard est sans doute passé dans toutes les écoles genevoises pour présenter son magnifique travail, je m’en souviens encore. Son regard passionné, ses magnifique gravures, et les petite sculptures qu’il nous avait apporté, quel beau souvenir! Il y a quelques année, dans une émission de radio, il avait dit, -j’aimerai, après ma mort, qu’on me dépose au milieu d’une forêt, pour être mangé par des loups et des petits animaux! je pense comme lui, finir mangé comme ça, dans une forêt par une bien noble compagnie, c’est mieux que le feu et les asticots! Lui a t on au moins dédié une rue à ce saint homme? Une petite rue de village, qui fini en chemin creux au milieu d’une forêt?

  2. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Information: le livre sort dans une semaine. On peut déjà le commander chez Payot. Je suis impatient de le lire. Encore merci, et clin d’œil à Böse.

  3. Posté par Böse Birgitt le

    OH! En entendant Léman bleu cette nuit- mon sang n’a fait qu’1 tour! j’ai relevé illico-à- l’aveugle les coordonnées du bouquin, vous bénissant 1x de +, Pascal D. !(demain j’enlève le D), 1 des rares qui réussit à rendre moins anxiogène les causes de mes insomnies! Oui, vos 1ères questions sont primordiales : à nous d’y répondre. MERCI on devrait l’imposer ds les écoles, comme le questionnaire sur les Intelligences Multiples (plutôt que l’incomplet QI) qui donne une raison d’être à tous les Sauvages de la planète. En fait auj. à l’âge de la pente descendante, je ne décolère pas du bourrage de crâne ds lequel on ns a élevé : ds l’unique dessein d’accomplir des faits technologiques, seuls mirifiques, bref d’être au service de la Société de Con-sommation. Un sertissage forcé qui veut calibrer ts les diams selon cet unique mesure et balance les autres, qui n’ont pas le bon diamètre. Je me suis questionnée sur mes pleurs : qd je vois une connivence homme-bête* je pleure comme un veau : les tigres d’1 cirque et leur dompteur, les chiens d’aveugle… ou les animaux agissant humainement… je chiale à gros bouillon. Un chasseur m’a raconté qu’il n’a pu tiré son chevreuil et m’invectivait : c’est Dieu qui m’en a empêché? Question au moins aussi importante que celle de Shakespeare! Elle revient ds moult films… et je m’demande à quel point les hommes fuyant à tout prix les moments de Solitude, sont des hommes à qui l’on peut faire confiance : ne fuient-ils pas toute réflexion sous prétexte de hautes réalisations? j’en suis sûre. (*nan-nan pas l’homme bestial, l’homme à l’instinct gardé)

  4. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Incroyable! Comment traduit-on la joie en écrivant? Wow? Incroyable car, non seulement vos propos me rencontrent, mais ils sont dans le droit fil de ce que j’écrivais il y a un instant, avant qu’ils soient publiés. Imaginez ma surprise. Je citais la Genèse, le passage ou il est question de la domination sur les poissons, les oiseaux, les animaux et la terre.
    Vos mots me rendent joyeux au point que je vous ai tutoyé. Non par une familiarité déplacée, mais par un élan du cœur. L’effet d’une communion.
    J’ouvre une parenthèse en citant, de mémoire, un passage des « vers dorés de Pythagore » (de Fabre d’Olivet), selon lequel les animaux tendent à devenir humains. Ce que j’ai constaté.
    Je ne sais pas comment ni pourquoi j’ai été conduit à piocher dans la genèse. C’est une longue histoire. Mais ma lecture a changé mon rapport avec les animaux. J’aimerai vous raconter le tigre qui me manque, le chien féroce que j’ai pacifié en deux heure et vingt minutes. Et les bouquetins sur la route des envers, et la renarde et ses trois petits qui ont péri sous les roues de mon fourgon, et Tara, Pirate, Ninja, Tarzan, Tyson et tant d’autres chiens que j’ai côtoyés à la fourrière. Je déborde et suis en larmes en y pensant.
    Je reviens à la genèse. Le débat, la controverse entre créationisme et évolutionnisme n’a pas lieu d’être. Ce texte, lu par moi, s’y dérobe. Faisons-y, si vous le voulez bien, une petite incursion. Au risque de découvrir que nous ne savons rien. Ce qui serait un bon début.
    Dieu dit « faisons » homme, Adam, à notre image… Mais avant il a dit « que la terre produise des âmes vivantes, traduit par animaux. Remarque, Adam est tiré de la terre Adamah, et les animaux âmes vivantes sont produits par la terre éretz! Notez que « âmes vivantes » (animaux) est exactement le terme qui décrit l’homme APRÈS que Dieu ait soufflé dans ses narines. Et que ces distinction ne peuvent être faites qu’en hébreu. Dans un premier temps j’en conclus que les animaux de la genèse et ceux de l’arche de Noé ne sont pas les zèbres de la savane et les vaches de nos écuries. Ce qui, à priori, exclut l’évolution. Mais qui, à fortiori, la rend plausible. Si vous ne me suivez pas, rassurez-vous, je vous précède. Je conviens que mes propos sont balbutiements, mais vous êtes père en écoutant. Et puis je retournerai dans ce texte mystérieux. Avec un fil conducteur, nos relations avec les animaux. Cette étrange communion. Je ressens ce comme-un avec acuité. Et quand j’entends des gens dire qu’ils sont traités comme des chiens, je sais comment ils traitent le chien, leurs enfants et leur femmes ou leurs maris. Et ce sera tout, cher Pascal. Sinon que je me sens, après avoir lu vos lignes, un peu orphelin. Et qu’en votre compagnie la moindre piquette aurait la saveur d’un grand cru.

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