La crise… cardiaque et la neurologie
La science s’invite souvent au débat politique… sans même qu’on le voie, ni qu’elle le sache. Pourtant, le rêve de tout décideur est de prouver que sa décision est «scientifique»… et ne souffre plus discussion. On l’a vu même au moment le plus inattendu de la campagne sur «l’immigration massive».
J’ai plutôt de l’estime pour François Longchamp… surtout par comparaison avec ses éventuels détracteurs. Pourtant fin janvier, son coup de sang lors d’un débat sur « l’initiative » (à l’Université avec la Tribune de Genève) montre combien un politicien «classique» est tenu par les tabous. Eric Stauffer avait ironisé sur le pôle de recherche sur le cerveau, où les autres orateurs voyaient la preuve par trois des bienfaits de l’Europe. «Irresponsable», s’emporta Longchamp, qui souligna l’importance du futur Campus Biotech sur l’ex site Serono, et du Cern, lieu de naissance du web et centre de la science mondiale.
La vérité coûte moins que la science
Brandir la science comme un crucifix pose toutefois deux questions embarrassantes : une morale, et une savante. La question morale est la plus simple à saisir : dire « si vous ne faites pas le beau à l’Europe, vous n’aurez aucune tranche du fromage » ne prouve pas quel est le bon choix européen, ni en migration, ni en recherche. D’autant que le débat se tenait aux mêmes dates que les cérémonies à la mémoire de l’Holocauste, qui chaque année dénoncent la collaboration des opportunistes… calculateurs. Bref, ce sont les mêmes milieux qui prônent la résistance mais veulent l’adhésion… dans tous les sens du terme. La seconde question est plus difficile…
General Motors et la recherche
Est-il vrai que ce qui est bon pour les chercheurs soit bon pour la science ? Si oui, les problèmes de notre société ne sont que passagers… si non, la science est au cœur de la crise. Nul doute que, depuis des millénaires, la « connaissance » ait « progressé » ; mais cette idéologie du progrès et du savoir est devenue un écran de fumée. Quand nos magistrats adulent le Cern ou Serono, savent-ils bien de quoi ils parlent… surtout quand ils y mêlent les trois w… qui nous mènent à l’Union internationale des télécommunications. Cette autre vache sacrée hi-tech genevoise, au début de la saga du web, a failli le tuer dans l’œuf, faute de l’avoir compris et admis. Qu’elle soit redevenue le temple de la communication, montre bien la part d’ombres et de lumière sur la scène des sciences et des techniques. Et que le Cern se vante sans cesse d’avoir « inventé le web » n’est pas plus convaincant… d’autant que « le web » est une notion à géométrie variable. Parler de l’invention du web est aussi niais que disserter sur l’invention de l’écartement standard des chemins de fer : le web et même internet sont autant des normes que des produits ou des idées. D’ailleurs, à l’interne, le Cern a été plus d’une fois critiqué pour cette vantardise sans lien avec sa mission « nucléaire ». Même si la diversification est devenue un objectif déclaré du Cern, qui vient de tenir un congrès sur les instruments médicaux, sous le slogan « physics is beautiful and useful ». Cette mission nucléaire, il est temps de l’aborder…
Cosmos ou cosmétique ?
Que la « théorie des cordes » soit un très bon excitent mental, et le « modèle standard », une théorie changeant nos vues sur l’histoire de l’univers, c’est vrai pour bonne part. Que l’accélérateur du Cern soit l’outil de choix pour valider les hypothèses n’est pas faux, mais plus sujet à caution : si au Cern, sinon au Conseil d’Etat, on sait plus ou moins ce que « validation d’une théorie physique » veut dire, plus personne – même au sommet des sciences – n’arrive plus à dire ce qu’est une « théorie physique ». « La physique corpusculaire est une secte », disait dans les années nonante une haute figure de la physique européenne. « Les physiciens des hautes énergies constituent un milieu très formaté », admettait un professeur de l’Université de Genève. Et « le conformisme et les préjugés sont aussi présents en physique qu’ailleurs », se plaignait un mathématicien à la Médaille Fields. Pour ma part, ayant assisté à tout ce qu’il est possible d’entendre par le public sur ces sujets, je crois, en effet, que le Cern ne comprend qu’à moitié ce qu’il fait. Il a un gros outil dans les bras, mais quand on creuse, on découvre que le discours sur le boson scalaire est de l’appris par cœur. Même si l’actuel directeur tente de rendre son temple un peu moins guindé ; mais il ne peut pas prendre de risques, car le discours à la gloire du boson et celui à la gloire du Cern sont intriqués, comme on l’a encore entendu à mi février, lors du congrès sur le prochain accélérateur.
Avant de conclure, revenons à la biologie, aux grandeurs et semblants de la génétique – qui a aussi servi souvent à plumer les financiers – et au pôle sur le cerveau. On a peu parlé d’un colloque récent, à l’Hôpital de Genève, qui conclut à la faillite de la recherche académique. « Le roi est nu », entendit-on, ce qui ne veut pas dire que la science ne soit plus belle, mais qu’elle « se laisse aller » quand on la gâte trop. Et si notre recherche helvétique est exemplaire en médecine, comme nous le pensons, c’est l’Europe qui y gagnera, et si elle fait désormais la fine bouche, est-ce que, au fond, la politique scientifique n’est qu’affaire de copinage et non de qualité ?
La science des clapets fermés
Cet article ne prétend pas fermer des dossiers qui ont besoin d’air frais : l’ouverture, c’est aussi ça. Mais quand on voit un autre colloque à l’Hôpital se diviser en deux séances – « publique » et « scientifique » - on se dit que c’est une drôle de dichotomie. De même quand, sur le site de la Maison de la Paix, on voit les colloques ouverts classés sous « Relations publiques ». Et même au Club de la presse, quand on parle d’immigration, ceux qui posent trop de questions aux orateurs ont l’esprit « non scientifique »… on le leur dit sans fard. Ce que les bien pensants et les pensant bien n’ont pas saisi, c’est que le peuple vote mal, avant tout dans l’espoir de leur donner… une crise cardiaque.
Boris Engelson, 18 février 2014
@Normandy
Je n’avais pas dit que toute science est idéologique, j’avais dit sous tendue par un système idéologique.
Cela dit, j’aurais pu dire que toute science est idéologique puisque ce sont des idées plus ou moins adéquates à des phénomènes qui sont eux-mêmes idéologiques.
Quand l’adéquation est bonne on estime avoir décrit le réel, oubliant qu’on a seulement fait correspondre deux structures idéologiques, la théorie et les phénomènes
Vous croyez qu’un phénomène, qu’un fait est quelque chose en soi ?
Il n’existe que des points de vue sur la réalité et non des faits.
La scientificité d’une théorie est un certain consensus réalisé dans un certain cadre de pensée et rien de plus.
D’un certain point de vue, la terre, il est parfaitement scientifique de dire que la terre est fixe dans l’univers et ne tourne pas sur elle-même.
D’un certain point de vue vous êtes vous-même le centre parfaitement immobile de l’univers.
Lorsque vous marchez c’est la terre qui se déplace sous vos pieds et l’univers danse autour de vous, ce n’est qu’une question de point de vue.
Jusque là on est dans le rationnel sous différents points de vue et pourtant déjà il y a contradiction avec ce que vous avez dit.
Le cadre rationnel limite les points de vue sur la réalité mais si en plus vous limitez d’avance les points de vue rationnels, la réalité devient très très limitée.
@Renaud
Je constate d’abord que vous n’avez rien compris à ce que j’ai écrit, sans doute parce vos aprioris vous empêchent de comprendre quoi que ce soit. Je ne devrais pas revenir sur un discours aussi délirant. Tant pis. Je demanderai tout de même si la gravitation universelle, la relativité, la physique quantique, la théorie de l’évolution sont idéologiques ? Si la Terre est un satellite du Soleil et non l’inverse, si elle tourne sur elle-même, si elle n’est pas au centre de l’Univers, si elle a évolué dans le temps, si nous tenons dessus bien qu’elle soit (approximativement) sphérique, si la vitesse de la lumière est constante et limitée, si les maladies infectieuses sont dues à des microbes, si le sida l’est à un virus, si radioactivité existe, si les volcans éjectent de la lave en fusion, si les marées sont prévisibles etc., etc., etc., est-ce idéologiquement, selon un système de valeurs ? Lequel ou lesquels ? Est-ce une simple projection de l’esprit, « un film que chacun s’invente », une « fiction » personnelle ?
« Croire que cette science idéale existe est précisément du scientisme », affirmez-vous. Il n’y a pas de « science idéale ». Aucun scientifique ne le prétend et le croire serait effectivement idéologique. Le concept est de vous, en vue de servir votre propre idéologie et vos propres spéculations. Faire croire que c’est ce que j’ai dit est une manœuvre grossière et intellectuellement malhonnête. C’est tellement manipulé que ce n’est même plus du sophisme ! Un autre exemple de vos distorsions mentales ? « Si vous trouvez que la théorie du genre ne peut pas avoir de valeur scientifique c’est parce que vous avez décidé par avance que le fait biologique a une certaine sacralité [sic] qui devrait déterminer la construction sexuée culturelle. » Quel charabia ahurissant d’incohérence et de postulats qui n’appartiennent qu’à vous! Je n’ai pas dit que « la théorie du genre ne peut pas avoir de valeur scientifique », j’ai écrit qu’elle en avait pas, notamment parce qu’elle n’est ni démontrable, ni vérifiable, ni reproductible, ni expérimentale, bref parce qu’elle est au niveau de l’astrologie et de la chiromancie. De plus, elle vise à modifier des règles et des représentations sociales, ce qu’aucune science n’a pour fin en soi. Quant à décréter que j’ai « décidé par avance que le fait biologique a une certaine sacralité » alors que je ne dis ni ne sous-entends rien de tel, je ne sais trop si c’est de la manipulation, de la confusion mentale ou de la simple incapacité à comprendre. Qu’est-ce, au fait, qu’une « une certaine sacralité » ? Un concept nouveau ?
« Penser de cette façon n’a rien de neutre dans l’absolu [sic], c’est une idéologie » tentez-vous de conclure de vos propres affirmations. Postuler, après un bricolage intellectuel gratuit et maladroit, que je « pense de cette façon », ça ne relève pas seulement de la fiction (notion à laquelle vous semblez attaché), c’est une fois encore parfaitement malhonnête. De plus, la « neutralité dans l’absolu » est encore un concept trop nouveau pour moi.
Selon vous, à ce que je comprends de votre vision de la science, l’application répétée de lois physiques et de découvertes scientifiques, les inventions qui en ont résulté, comme le jet, les satellites artificiels, l’ordinateur, le moteur à explosion, le pédalier, le télescope et le microscope, l’énergie électrique, les centrales nucléaires, le laser, le scanner, la télévision, la radiologie, les antibiotiques, les micro-ondes, bref tout ce qu’on fabrique, achète, utilise quotidiennement, tout ça ne serait donc que fiction et « film que l’homme s’invente » ? Se faire écraser par un camion n’est qu’un film personnel dont on ne meurt que fictivement?
Si vous vouliez simplement dire que l’explication démontrable et vérifiable d’un phénomène physique ce n’est pas le phénomène lui-même, pas besoin de tellement de contorsions mentales et d’actes de foi. Magritte a peint et intitulé un tableau « Ceci n’est pas une pipe ». La représentation de la pipe n’est pas la pipe elle-même, certes, mais les pipes existent tout de même réellement, indépendamment d’un film que chacun s’invente.
Je vous laisse à vos rêves de « grand jour post-rationnel [sic]» comme d’autres rêvèrent un temps de « grand soir » révolutionnaire. Comme quoi les rêves (heureusement inaboutis) des uns sont le cauchemar des autres.
@Normandy
Croire que la science peut être neutre, déconnectée d’un système de valeur et d’un système métaphysique c’est ce que j’appelle le scientisme d’aujourd’hui.
La science idéale qui s’opposerait à scientisme orienté idéologiquement, n’existe pas.
Croire que cette science idéale existe est précisément du scientisme.
Il n’est même pas possible pour la science de tendre vers la neutralité.
La neutralité ce sera seulement s’inscrire dans un système de valeurs en place, reconnu actuellement comme valide.
Tout ce qu’on peut demander à un discours scientifique c’est d’énoncer ses présupposés ou pour le moins de ne pas les masquer.
Si vous trouvez que la théorie du genre ne peut pas avoir de valeur scientifique c’est parce que vous avez décidé par avance que le fait biologique a une certaine sacralité qui devrait déterminer la
construction sexuée culturelle.
Penser de cette façon n’a rien de neutre dans l’absolu, c’est une idéologie.
Les théoriciens du genre auront alors beau jeu de vous montrer le scientisme de votre position.
Mais penser que le fait biologique n’est rien de sacré à respecter et que l’identité sexuelle est en droit de s’en affranchir est aussi une idéologie.
La science, comme les autres formes de connaissance, est une projection d’images sur le Réel.
Le scientisme c’est croire que les images projetées sont le Réel.
Le Réel c’est la lumière du projecteur, l’écran sur lequel est projeté le film et le sujet qui perçoit.
Tout le reste est une fiction.
A partir de là l’homme est responsable du film qu’il invente et il ne peut plus avoir la prétention de le justifier en disant qu’il est scientifique.
@Renaud
Il y n’y a pas de “discours scientifique”. Science et spiritualité ne sont ni opposées ni complémentaires. Elles sont simplement différentes, totalement étrangères l’une à l’autre. La science n’est pas le spirituel et n’en a nul besoin, car son rôle n’est pas de répondre à des questions de sens, d’éthique, de morale ou de politique. Elle ne détient aucune vérité, elle n’a rien à révéler, elle cherche à découvrir, à identifier, à comprendre, à expliquer des phénomènes, à expérimenter, à vérifier ses lois et ses hypothèses, à douter et à se remettre en question. Le domaine du spirituel c’est la croyance et la vérité révélée, celui de la science c’est la raison et la réalité recherchée et démontrée. Le “scientisme” n’est pas la science. Il est fondamentalement non scientifique, il est effectivement idéologique et religieux. Peillon, sa cour et ses lobbies n’ont rien de scientifiques ni de rationalistes, ce sont des idéologues, des idéologues bornés et dangereux, c’est vrai, parce qu’ils ont les convictions et l’intolérance des fanatiques religieux. La prétendue “théorie du genre”, pour la citer une fois encore, ne répond à aucun critère de ce qui fait une science. Elle est purement idéologique, politique et moraliste. Ce qu’on lui oppose n’est pas scientifique non plus, d’ailleurs. On parle en l’occurrence de valeurs, non de faits scientifiques. Rien à voir.
Nous vivons toujours sur la vieille idée scientiste de l’irréfutabilité du discours scientifique.
Même si en interne la science ne croit plus à la solidité et à la neutralité de son discours, celui-ci s’impose pour le profane comme la référence rationnelle opposée à l’irrationnel vu systématiquement comme pré-rationnel.
Aujourd’hui la croyance en la scientificité comme critère pour gouverner le monde s’effrite de plus en plus chez ceux qui la subisse et se sentent manipulés.
Il devient clair que le discours de la science contient toujours une idéologie masquée, la plupart du temps soumise au pouvoir de l’argent et des puissants.
Le monde est en attente d’un nouveau paradigme post-scientifique, supra-rationnel.
Espérons que la naissance du nouveau paradigme ait lieu eu grand jour, en impliquant les peuples, les religions et tous les acteurs de la vie sociale.
Sinon ce seront des Peillon qui imposeront leur nouvelle religion mondiale élitiste et luciférienne sans que le profane ne comprenne quoique ce soit à ce qui se passe.
Comme vous dites bien ce qui occupaient vaseusement mes 2 hémisphères! “La vérité coûte moins que la science” et “Brandir la science comme un crucifix”…moortel!