Un cadre précis pour l’application de l’article constitutionnel.
Editorial de Toni Brunner, Conseiller national, président de l'UDC Suisse, Ebnat-Kappel (SG)
Le peuple a décidé. Le Conseil fédéral et le Parlement ont été chargés hier de revenir à une gestion indépendante de l'immigration. Le cadre des prochaines étapes politiques est donc donné: le Conseil fédéral doit rouvrir des négociations avec l'UE sur l'accord de libre circulation des personnes. En politique intérieure, la Suisse doit rapidement adapter sa législation pour permettre l'instauration de contingents et plafonds d'immigration, imposer la priorité des travailleurs résidents sur le marché du travail et restreindre raisonnablement les droits en termes de séjour, de regroupement familial et de prestations sociales. L'initiative fixe des limites claires et nettes à la gestion de l'immigration tout en laissant au législateur une marge de manœuvre suffisante pour l'application dans le détail. C'était exactement l'intention des initiateurs.
Que reste-t-il de cette campagne de votation? Nombre de problèmes existant et s'aggravant dans le contexte d'une immigration sans borne ont été thématisés au point que le Conseil fédéral, les élus politiques, mais aussi les organisations économiques et les syndicats ont dû, bon gré mal gré, les admettre. C'est à ce niveau précisément que se paient les excès de la libre circulation des personnes voulus par l'économie et admis par les autorités durant les années écoulées. Un autre constat: les citoyennes et les citoyens, ainsi que les médias ne se sont pas laissés détournés vers des thèmes secondaires, comme le visait la campagne de propagande massive des adversaires de l'initiative. En réalité, il ne s'agissait ni d'un isolement de la Suisse, ni d'un plébiscite pour ou contre l'UDC. Le résultat du scrutin d'hier confirme une fois de plus que même des moyens financiers quasi illimités ne garantissent pas un succès populaire. Les citoyennes et les citoyens ne sont pas à vendre. Les arguments sont plus importants que l'argent.
Halte à l'arrogance
Le scrutin d'hier est aussi un sévère rappel à l'ordre l'adresse du Conseil fédéral ainsi que de nombreux exécutifs cantonaux et communaux. L'engagement irréfléchi de ces autorités politiques dans une campagne de propagande orchestrée par les associations économiques a complètement passé à côté de l'objectif. De toute évidence, les citoyennes et les citoyens n'ont guère goûté ce comportement. Il est temps que le Conseil fédéral retrouve le sens de la mesure s'il ne veut pas perdre le crédit qui lui reste.
Quant aux commentaires qui divisent la Suisse le long de clivages artificiels, ils confinent l'absurde: d'un côté les arriérés de la campagne, de l'autre les esprits éclairés des villes - pareilles appréciations illustrent parfaitement la prétention aveugle et stupide d'élites politiques et économiques qui ont perdu tout sens des problèmes réels, provoquant ainsi une réaction inévitable auprès de la majorité de la population.
Quelle marche à suivre?
Par leur décision d'hier, le peuple et les cantons ont changé la Constitution fédérale. Le Conseil fédéral comme exécutif et le Parlement comme législatif ont reçu le mandat d'appliquer cette modification constitutionnelle. L'UDC et ses représentantes et représentants au Conseil fédéral et au Parlement participeront à l'application de cette initiative.
Que de plus ridicule que les propositions exigeant que des représentants de l'UDC soient chargés de négocier avec Bruxelles? Cela fait des années que la majorité du Parlement ne veut pas que l'UDC assume ses responsabilités exécutives en lui refusant un deuxième siège au Conseil fédéral. Et maintenant il appartiendrait à l'UDC de réparer les pots cassés? Si les conseillers fédéraux concernés ne peuvent ou ne veulent pas renégocier l'accord de libre circulation des personnes avec l'UE, alors qu'ils démissionnent.
D'ailleurs, l'application en politique intérieure du mandat constitutionnel donné hier par le souverain ne dépend pas des réactions de l'UE. Si ces dernières ne sont guères joyeuses dans cette première phase, c'est surtout à cause des problèmes que l'UE rencontre elle-même dans ce domaine. Les élections européennes du mois de mai jouent un rôle non négligeable. Le Conseil fédéral ne doit donc en aucun cas se laisser impressionner par Bruxelles ou céder à des chantages.
L'application en politique intérieure est prioritaire
Il s'agit bien plus aujourd'hui d'agir en Etat souverain et de préparer rapidement une gestion indépendante de l'immigration par des contingents et des plafonds. Ces préparatifs doivent être entrepris en Suisse. Nul besoin de réinventer la roue à ce propos. Le contingentement était appliqué de manière globale jusqu'en 2007 et il vaut toujours pour les ressortissants d'Etats non membres de l'UE. L'UDC a toujours souligné qu'elle était ouverte à des solutions efficaces et non bureaucratiques. Le même constat vaut pour la priorité des travailleurs résidents, principe que la Suisse applique déjà aux Etats tiers par le biais de sa loi sur les étrangers. Ce qui compte, c'est que le réservoir de main-d'œuvre disponible en Suisse soit exploité le mieux possible avant que l'on fasse venir des étrangers supplémentaires. L'initiative demande aussi un contrôle au niveau des frontaliers, ce qui est d'une importance capitale notamment pour le Tessin et diverses autres régions frontalières.
L'UDC attend du Conseil fédéral qu'il fasse rapidement des propositions en vue de l'application du nouvel article constitutionnel. Conformément aux dispositions transitoires, ces travaux doivent être achevés et leurs résultats appliqués dans trois ans au plus tard. Il reste trois ans au maximum au Conseil fédéral pour renégocier l'accord de libre circulation des personnes.
Exploiter immédiatement la marge de manœuvre disponible
L'UDC souhaite avec insistance que la marge de manœuvre disponible pour durcir les règles d'immigration soit exploitée dans le cadre des processus législatifs en cours en politique extérieure. Cette semaine encore, les représentants de l'UDC à la Commission des institutions politiques du Conseil national déposeront des amendements pour la révision de la loi sur les étrangers (projet d'intégration 13.030). L'orientation donnée à ce projet par le Conseil fédéral et le Conseil des Etats n'est plus acceptable après le scrutin populaire d'hier. L'UDC publiera demain ses propositions à l'intention de cette commission parlementaire.
L'extension de la libre circulation des personnes à la Croatie n'a plus de base légale non plus. Elle est contraire au nouvel art. 4 de la Constitution fédérale puisqu'elle provoque à nouveau une immigration incontrôlée. Le processus de ratification doit donc être suspendu.
Un vote pour l'indépendance
Le OUI d'hier à l'initiative contre l'immigration de masse doit être compris comme un vote clair et net pour l'indépendance et la souveraineté nationales. Le peuple suisse veut assurer à son pays une marge de manœuvre suffisante, aussi à l'égard de l'UE. Ce choix doit être pris en compte dans l'appréciation des futurs accords avec l'UE ou d'autres partenaires. Comme le lui a demandé la Commission de politique extérieure du Conseil national, le Conseil fédéral doit enfin clairement faire comprendre à l'UE que la Suisse n'est pas membre du marché intérieur de l'UE et qu'elle n'a pas l'intention de le devenir. La décision populaire d'hier est donc aussi un rejet sec et sonnant d'un rattachement institutionnel supplémentaire à l'UE qui imposerait à la Suisse des juges étrangers et une reprise dynamique du droit UE.
Berne, le 10 février 2014
Personnellement, j’espère que le gouvernement mettra en application ces accords à la lettre et que le système actuel des accords avec Bruxelles tombe. J’espère que l’UDC y veillera car j’ai en effet pris conscience, par les discussions sur cette votation, que le système actuel des bilatérales est complètement instable. En effet, tous les accords négociés en 1999 sont couplés à celui de la libre circulation qui nous pose justement des problèmes avérés (8000 était peut-être acceptable 80000 ne l’est pas) sur lequel il y aura inévitablement des votations récurrentes tant que le problème ne sera pas réglé et qui est un non-négociable par l’UE. En fait, cela sous-entend que tout ce qui a été négocié depuis 1999 avec l’Europe et tout ce qui aurait été négocié dans le futur serait susceptible d’être remis à plat à tout moment. Il était donc grand temps de percer l’abcès et de recommencer à zéro avec des accords sectoriels, peut-être moins favorables économiquement mais beaucoup plus robustes (sains) que le système actuel. Maintenir l’accord sur la libre circulation qui est un accord couperet consiste donc à signer une adhésion lente à l’UE et à priver à terme le pays de sa souveraineté. Conscient que les 5 à 10 prochaines années seront plus difficiles économiquement pour nous et que l’incertitude dominera, je suis confiant que nous avons fait un excellent choix à plus long terme et cela me remplis d’espoir. Le pire scénario serait une demi-mesure qui consiste à ajouter encore une couche supplémentaire de mesures d’accompagnement pour sauvegarder ce système perfide… Je suis peiné par ce parlementaire européen qui pense que c’est une vision à court terme et les instincts les plus vils qui ont guidés les Suisses dans cette voie. Je crois bien au contraire que c’est en toute connaissance de cause que nous disons vouloir moins d’intégration européenne (qui ne fait pas très envie avec son système néo-soviétique et cette fameuse démocratie représentative) avec tout ce que cela implique du point de vue économique. Seule une démocratie directe est à même d’engendrer une telle solution (quel groupe ou représentant politique aurait eu le courage d’assumer seul un tel choix, avec tout ce que cela implique?) que je trouve personnellement difficile, courageuse et empreinte d’une vision à plus long terme que 5 à 10 ans. Merci de nous avoir offert la possibilité de nous exprimer.