Défense de l’identité (1)

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

 

Samedi dernier, le SIEL ( Souveraineté, Indépendance et Libertés ) de P.M. Coûteaux tenait son deuxième colloque sur le thème des Identités et de leur déni. J’ai eu l’occasion d’intervenir en présidant la table ronde consacrée à la dimension politique de la question. Avant de laisser la parole aux participants à l’échange, l’ancien ambassadeur Albert Salon, sur la langue, le secrétaire général de l’A.F., Olivier Perceval, sur la nation et l’universitaire Gilles Lebreton sur le déni de l’identité nationale, j’ai souligné le double intérêt politique de cette question.

La question de l’identité est aujourd’hui celle qui clive de manière essentielle le champ politique. A gauche, les virtuoses de la gomme effacent les différences et donc les identités de sexe, de culture, de nation au nom de l’égalité pour ne laisser qu’un individu ectoplasmique, citoyen abstrait du monde en théorie, et cherchant désespérément à être « quelqu’un » à travers des fantasmes communautaires, en pratique. Le converti parti faire le « djihad » en Syrie en est l’exemple extrême. A droite, au contraire, au nom de la liberté réelle de l’homme incarné, se trouvent les partisans de la ligne claire qui dessine les contours, les frontières et les limites sans lesquelles rien ne peut être, hormis Dieu. La révolution a été une de ces grandes entreprises d’effacement. La mésaventure du marquis de Saint-Janvier privé de son titre, de sa particule, de son saint et de son mois avant d’être privé de la vie, comme citoyen Nivôse l’illustre de manière caricaturale. Mais à l’autre bout, le débordement insensé de la France au-delà de ses frontières, dans un mélange explosif d’universalisme et d’impérialisme est aussi une tentative absurde de négation des identités. Avec une totale incohérence, la gauche a fait de l’idée de République, une abstraction idéologique qui divise les Français et exclut certains d’entre eux en fonction de préjugés partisans. Elle a amputé la France des dix ou quinze siècles durant lesquels elle s’est constituée. La République est un régime, mais c’est d’abord le terme qui désigne le Bien Commun de la Nation Française, à travers les régimes légitimes qui cherchent à l’assurer. L’historien Marc Bloch, dont la sensibilité était plutôt celle d’un « républicain » de gauche, soulignait que les sacres des rois à Reims et la Fête de la Fédération présidée par Louis XVI le 14 Juillet 1790 étaient les deux événements auxquels aucun Français ne devait être insensible. Républicain, dans le lexique de gauche, est à psychanalyser : ce mot qui devrait rassembler est un outil à exclure et l’aveu que, précisément, les socialistes et leurs alliés sont peu « républicains ». Il remplace une identité de patrie par une identité de parti.

Le débat sur l’identité nationale de 2009 a été un désastre. J’entends encore Eric Besson définir la France comme un conglomérat. La France est un fleuve. Il a accueilli des affluents, il est parfois sorti de son cours. Mais il a surtout irrigué la planète d’une culture dont l’identité n’a jamais fait de doute. Une silhouette géographique, une langue, une histoire marquée par une volonté parfois désespérée de survivre, de ne pas sombrer dans la défaite, ont créé une personnalité nationale, plus forte que beaucoup d’autres. On peut croire avec Amin Maalouf que les identités sont meurtrières. Je préfère penser avec Finkielkraut que l’identité française contrainte de se renier est malheureuse et n’a plus la force de s’offrir au monde plutôt que de s’y anéantir. C’est une perte pour la France, mais aussi pour le monde. C’est la raison pour laquelle la France doit préserver cette identité, celle d’un peuple européen, de culture gréco-latine, un pays ouvert sur le monde et les idées, mais qui n’oublie pas que sa démocratie, son humanisme et sa laïcité elle-même ont une source chrétienne. Sinon la France deviendra un terrain vague de la vaste zone d’échanges économiques mondiale, ouvert à tous les vents sur ordre du « machin » européen. Sa culture sera remplacée par celle qui viendra de l’autre côté de l’Atlantique. Sa population par celle venue d’outre-méditerranée.

« Le coeur de l’homme est  creux et plein d’ordures » disait Pascal. Il en va de même pour le cerveau. Lorsqu’on s’efforce d’en faire une page blanche en éradiquant l’héritage que la société y imprime spontanément, le vide créé est un appel. L’absence d’identité nationale va être comblée par des identités communautaires plus ou moins fantasmées. C’est ainsi que des têtes blondes décérébrées se retrouvent combattre dans un autre pays que le leur au nom d’une idéologie étrangère parce que personne ne leur aura appris à aimer ce qu’ils ont la chance d’être.

Christian Vanneste, 30 janvier 2014

 

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