En quoi l’initiative 1:12 est-elle si dommageable pour les PME

Jean François Rime
CN, Industriel, Pdt USAM  

Il est peut-être exaltant, mais à coup sûr très médiatique, d’exploiter, comme le font les Jeunes socialistes, le thème des rémunérations abusives et de lancer une initiative populiste en montant en épingle, pour mieux se profiler, les exemples isolés de quelques managers aux salaires exorbitants.
Si l’initiative est acceptée, des contrôleurs de l’Etat devront ainsi, pour une simple raison de sécurité du droit, d’une part contrôler les salaires dans toutes les entreprises suisses et donc dans chaque PME, d’autre part infliger des sanctions au cas où la règle 1:12 ne serait pas respectée.

 

L’initiative 1:12 affaiblit la compétitivité des PME et engendre une hausse des impôts et des taxes. Elle n’a aucun effet sur les salaires excessifs de quelques managers. En revanche, elle empêche les PME de se consacrer à leur véritable travail en leur imposant des tâches inutiles.

Les chefs d’entreprise, et tout particulièrement les patrons de PME, doivent pouvoir travailler de manière productive et efficace avec de bons collaborateurs et faire prospérer leur entreprise. Pour réussir à maintenir l’avantage face à la concurrence, ils doivent d’abord réussir à se concentrer sur leurs véritables tâches. Très souvent, trop souvent même, patrons et employés travaillent cependant plus pour l’Etat et l’administration que pour leur clientèle. Au lieu d’investir leur temps et leur énergie dans les produits et services, ils doivent les investir dans le remplissage de formulaires, d’attestations, de relevés statistiques ou de contrôles. Ces charges bureaucratiques, que les lois leur imposent, réduisent la compétitivité. Et lorsque – comme chef d’entreprise et président de l’Union suisse des arts et métiers usam – j’écoute mes collègues entrepreneurs, je m’aperçois que c’est là l’une des principales inquiétudes de nos PME – qui, faut-il le rappeler, constituent 99,7% de toutes les entreprises en Suisse, offrent deux tiers des emplois et forment 70% de tous nos apprentis.

Certaines statistiques et tâches administratives sont bien sûr judicieuses et justifient que l’on y consacre du temps et de l’argent ; mais nous avons aujourd’hui déjà de très nombreuses prescriptions dont la suppression s’impose. Et que fait l’initiative 1:12 ? Elle engendre non seulement une énorme paperasserie supplémentaire, un contrôle des salaires par l’Etat et de nouvelles tâches bureaucratiques qui ne se justifient en aucune manière, mais encore des coûts élevés pour les PME en provoquant de lourdes pertes de recettes fiscales et de cotisations sociales, dont le montant pourrait atteindre jusqu’à 4 milliards de francs !

Inefficace contre les profiteurs – gravement nuisible aux PME

Défendue par la Jeunesse socialiste suisse, l’initiative 1:12 prétend vouloir lutter contre les salaires excessifs; mais elle est facilement contournable et n’aurait donc que peu d’effet sur les salaires des managers. La question des rémunérations excessives ne touche en l’occurrence que très peu les PME, où il est rare que le salaire le plus élevé soit douze fois supérieur au salaire le plus bas ; là où l’initiative les frappe, c’est en leur imposant un diktat salarial de l’Etat, assorti d’excès bureaucratiques redoutables. 

Charges et coûts supplémentaires sans aucun avantage

Si l’Etat prescrit un rapport fixe entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut dans une entreprise, il devra aussi le contrôler et le mettre en œuvre. Si l’initiative est acceptée, des contrôleurs de l’Etat devront ainsi, pour une simple raison de sécurité du droit, d’une part contrôler les salaires dans toutes les entreprises suisses et donc dans chaque PME, d’autre part infliger des sanctions au cas où la règle 1:12 ne serait pas respectée.

L’ampleur de ce contrôle étatique est énorme, car, on l’a dit, l’initiative peut être facilement contournée et présente de nombreuses lacunes. Un simple relevé du salaire le plus haut et du salaire le plus bas ne fonctionnera jamais. Une police des salaires doit contrôler qui gagne effectivement le salaire le plus haut, ce qui peut régulièrement varier. Le chef à l’échelon le plus élevé gagne souvent moins qu’un spécialiste. Les contrôleurs doivent constater quel est le salaire le plus bas sans que l’on sache exactement comment tenir compte des apprentis, des stagiaires, du personnel intérimaire ou des emplois protégés. Ils doivent contrôler si le paiement d’un salaire repose sur des rapports de travail, des mandats ou des contrats sans que l’on sache exactement quels sont les rapports de droit couverts par l’initiative. Et ils doivent établir si les salaires ont été versés à du personnel engagé à long terme ou à du personnel intérimaire sans que l’on sache exactement quelles activités rémunérées sont effectivement concernées par la règle.

PME et classe moyenne à la caisse

Il est peut-être exaltant, mais à coup sûr très médiatique, d'exploiter, comme le font les Jeunes socialistes, le thème des rémunérations abusives et de lancer une initiative populiste en montant en épingle, pour mieux se profiler, les exemples isolés de quelques managers aux salaires exorbitants.

Avec leur initiative 1:12, les Jeunes socialistes et les syndicats tirent profit, sans vergogne et de manière irresponsable, d'un débat fondé sur la jalousie, dans l'espoir d’occuper le devant de la scène. Le tort immense que l'initiative 1:12 va nous faire subir à tous, à savoir des pertes pouvant atteindre jusqu’à 4 milliards de francs aux dépens des caisses de l'AVS et de l'impôt fédéral direct, on le passe sous silence ou l'on s'en fait une raison. Jeunes socialistes, PS et syndicats, sont manifestement prêts, pour se profiler eux-mêmes, à faire perdre à la collectivité plus d'un milliard de francs de recettes fiscales et jusqu'à 2,5 milliards de francs de cotisations à l’AVS.

Cet argent manquera et ceux-là mêmes qui auront défendu cette initiative irresponsable seront les derniers disposés à remédier au désastre qu'ils auront provoqué et à accepter des mesures d’économies dans le secteur public. Pour combler les pertes financières que l'initiative 1:12 produira dans les budgets des communes, des cantons et de la Confédération, on ne pourra plus compter que sur les PME et la classe moyenne. Les chefs d'entreprise et les citoyens de notre pays, qui travaillent dur pour gagner leurs salaires, seront priés de passer à la caisse. Nous nous retrouverons tous avec moins d'argent en poche parce qu'il faudra payer l'addition de l'aventurisme des Jeunes socialistes.

On le voit : l’initiative 1:12 causerait d’énormes dommages non seulement aux PME, mais à l’ensemble de la société. Nous devons la rejeter avec vigueur le 24 novembre prochain !

Jean-François Rime, président de l’Union suisse des arts et métiers USAM

2 commentaires

  1. Posté par Jean Martin le

    Il y a aussi des économistes absolument remarquables qui posent la question du rapport maximal de 1 à 12, comme Gaël Giraud en France:
    http://www.carnetsnord.fr/titre/le-facteur-12
    S’il est extrêmement rare que les salaires au sein des PME soient touchés par l’initiative, elles n’ont donc strictement rien à craindre… à part peut-être envoyer une copie de deux attestations de salaires – déjà établies de toutes façons pour les autorités fiscales – chaque année, quelle horreur administrative intolérable!!! Que ne ferait-on pas pour défendre l’indéfendable, justifier l’injustifiable? Car qui pourrait soutenir que le travail d’un PDG vaudrait 500 fois plus (par exemple…) que celui d’un employé, fussent-ils un génie créateur hors du commun et un employé dévolu aux tâches les plus ingrates et répétitives?

  2. Posté par Bernd Palmer le

    Le droit suisse est régi par le principe de la liberté contractuelle : liberté de conclure, liberté de la forme et liberté de l’objet (code des obligations).
    La Suisse a un système économique qui a jusqu’à présent assuré le bon fonctionnement et la prospérité, En voulant intervenir avec force dans les accords libres et consentant entre acteurs du système économique, on risque non seulement de déstabiliser ce système mais aussi de créer des contraintes à la libre expression de la volonté mutuelle.

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