Aux deux du FA-18, à leurs familles

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant

Nous rendons-nous assez compte que deux hommes, mercredi, dans l’exercice de leurs fonctions, sont morts au service de notre pays ? Quand j’y pense, je sens en résonner moi ce mot intraduisible, « Gemeinschaft », oui ma part commune avec ces deux hommes, la nôtre à tous. La communauté de nos destins. Au sein d’une même nation. Dans le théâtre d’un même paysage. Saisis de cette même fragilité, celle de la vie et du mystère de la mort.

 

Je pourrais dire que j’écris ces lignes comme ancien militaire, ayant passé, dans les années 70 et 80, quelque 500 jours sous les drapeaux. Mais au fond non, je les écris comme citoyen. Comme compatriote. De qui ? De ces deux hommes, un pilote et un médecin, décédés mercredi, quelque part en Obwald, dans le crash d’un FA-18. Dans ce drame, ça n’est pas seulement l’aviation militaire qui est en deuil, ni l’armée, mais notre communauté nationale. La langue allemande dit « Gemeinschaft », c’est plus fort et plus intime que « communauté », il faudrait traduire par « lot commun », ou « sentiment commun d’appartenance ». Il y a tant de mot allemands, de l’ordre du sentiment, intraduisibles en français.

 

On nous dit souvent que la Suisse est une nation de volonté, « Willensnation ». C’est sans doute vrai. Mais trop le dire, en forçant sur les Lumières trop cristallines de la Raison, oui trop forcer sur ce discours de géomètre, c’est faire l’impasse sur la puissance du sentiment. Je crois au pays physique, je l’ai déjà dit, à la délimitation d’un paysage, à la reconnaissance de l’habitant au milieu de repères qui sont à la fois ceux de la géographie et de l’émotion.

 

Et là, le choc fatal d’un professionnel du vol militaire avec le pays physique, justement. Cette Suisse qui n’est pas la Belgique, ni la plaine de Silésie, mais cet enchevêtrement de vallées, de ravins, avec ses pics de granit et la verticalité glissante de ses pentes. Être pilote militaire en Suisse, c’est être un as. Nous rendons-nous assez compte que deux hommes, mercredi, dans l’exercice de leurs fonctions, sont morts au service de notre pays ? Quand j’y pense, je sens en résonner moi ce mot intraduisible, « Gemeinschaft », oui ma part commune avec ces deux hommes, la nôtre à tous. La communauté de nos destins. Au sein d’une même nation. Dans le théâtre d’un même paysage. Saisis de cette même fragilité, celle de la vie et du mystère de la mort.

Aux familles de ces deux compatriotes, j’adresse une immense sympathie.

Pascal Décaillet, 25 0ctobre 2013

3 commentaires

  1. Posté par Streit Jean le

    Non je n’ais aucun commentaire à faire que de dire Merci à Monsieur Décaillet Pascal .JS

  2. Posté par hottelier christian le

    monsieur,

    Commentaire intéressant mais fin peut-être inexacte car j’ai entendu dire qu’un des pilotes n’était pas un de nos compatriote. Est-ce exact?
    Si oui, est-ce courant que des soldats d’autres nations servent dans des exercices de l’armée suisse?
    Merci de vos réponses.
    Salutations CH

  3. Posté par Kolly Gabriel le

    Cher Monsieur,

    Votre message est empreint d’une grande qualité humaine.

    Monsieur Décaillet,
    Votre message est remarquable et je vous félicite. Il n’y a pas de commentaires à faire.
    Merci.

    Kolly Gabriel

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