Mahomet, un éclairage historique

Mireille Vallette
journaliste

L’islam a emprunté un chemin “pavé d’interdictions de penser et de critiquer», observe Nagel. Un chemin que beaucoup de musulmans ici voudraient nous obliger à suivre. Un chemin que grâce au concept d’islamophobie, l’ONU, l’Organisation de la conférence islamique (OCI), de même que l’Union européenne tentent d’imposer. Avec la complicité d’innombrables soutiens qui militent pour l’exonération de l’islam et de ses disciples de ce droit de critique.
Si l’on se rappelle les innombrables polémiques dans nos démocraties sur la lapidation ou l’apostasie, on comprend mieux les contorsions sémantiques auxquelles se livrent les imams et autres porte-paroles qui tentent de faire croire qu’ils sont à la fois fidèles à nos normes et à celles de l’Islam. Comment dire: «Je condamne ces sanctions, je suis opposé à la mort si l’on quitte l’islam ou si une femme épouse un non-musulman, je suis favorable à l’égalité entre hommes et femmes et à la mixité, etc. etc.», sans mettre en cause l’irréfutable Loi divine, sans devenir un apostat?

 

Que connaissent les historiens des débuts de l’islam et de l’histoire réelle de Mahomet? La gageure est de distinguer le récit religieux de la réalité. Diverses méthodes sont décrites dans une annexe de l’ouvrage de l’Allemand Tilman Nagel «Mahomet. Histoire d’un Arabe, invention d’un prophète», publié en 2012 aux éditions Labor et Fides. Cet auteur, dont je tire sans mention contraire les citations de ce papier, est d’une formidable érudition. J'espère dans ces quelques lignes ne pas le trahir.

Pour lire cette biographie, il faut s’accrocher: le carrousel des noms arabes, des tribus, des personnages, les subtils examens des sourates et des versets tournent la tête du non-spécialiste. Mais s’accrocher en vaut la peine.

Nagel relie la biographie de Mahomet au texte du Coran et inscrit l’une et l’autre dans leur contexte (événements, coutumes, religions). Il met en lumière l’influence des fidélités tribales et claniques, ainsi que l’importance du lignage dans l’action du prophète, dans l’évolution de sa pensée et des rites et croyances qu’il enseigne.

La vie d’un homme

La vraie vie de Mahomet montre l’ambition d’un homme convaincu d’être le messager d’Allah, puis son prophète, et qui va réussir à prendre le pouvoir au prix de diverses stratégies qui comprennent les razzias (le butin lui attirera de nouveaux "croyants"), des assassinats politiques et  l’abandon de règles respectées jusqu’alors par les Arabes.

Très vite s’affirme la prétention de la nouvelle religion à intégrer tous les aspects de la vie. Et Allah par son prophète qualifie ses adeptes de «meilleure communauté».

A Médine où Mahomet s’installe après avoir été chassé de la Mecque, il conquiert le pouvoir « grâce à des circonstances heureuses et à une portion considérable de froide détermination ». Il supprimera par exemple la présence des trois tribus juives qui y vivaient. Il ira jusqu’au massacre des Banû Quraiza qui tombent entre ses mains après trois semaines de siège. Il ordonne et assiste à la décapitation de tous les hommes et jeunes hommes pubères, 600 à 700, une tuerie qui durera de longues heures. Les femmes et les enfants sont vendus en esclavage.

 

Combattre pour l’islam : une obligation 

Le djihad devient une obligation pour les musulmans, de nombreux versets en témoignent. « La nécessité d’étendre la «meilleure communauté» à toute la terre habitée est la conséquence de la position dans l’histoire qu’Allah a assignée à son Envoyé et Prophète. Les circonstances de la vie de Mahomet exigent que cette extension passe -au moins aussi- par l’usage de la violence physique, une manière d’agir qu’Allah apprécie au plus haut point et qu’il récompense; on la désigne par le terme de djihad. » La communauté vivra du butin des combats remportés et du produit des terres qu’elle s’approprie et fait cultiver par les vaincus.

Dans cette communauté «conçue comme une immense tribu», le rang est déterminé par l’ascendance paternelle et par le degré de zèle religieux. «Pour protéger cet ordre tribal de tout trouble, le contrôle total des femmes est indispensable».

Dans un langage qui rompt avec celui de l’historien, on peut dire que les chevilles de Mahomet enflent au fur et à mesure que sa domination s’étend. A la fin de sa vie, «l’identification de son pouvoir souverain avec celui d’Allah est totale». Les sanctions infligées à ceux qui transgressent sont drastiques: mutilation des voleurs, fouet pour les relations sexuelles hors mariage, les faux témoignages et la consommation d’alcool, lapidation pour les adultères. "Tuer, mutiler ou expulser quiconque est soupçonné de ne pas être fidèle à Allah et à son Envoyé, voilà la punition efficace avec laquelle Allah défend sa "frontière"».

Les hadiths ou la suppression du droit de penser

Mahomet n’avait pas de fils, il n’a pas désigné de successeur. Sa mort (632) ne marque pas seulement le début d’immenses conquêtes, mais celui aussi de multiples guerres, contestations théologiques, assassinats. Le camp des sunnites en sortira vainqueur.

Le Coran ne répondait pas à de nombreuses questions. Un exemple, lié au riche butin fémininque rapportent les conquêtes: le fils d’un maître conçu avec une esclave a-t-il droit à une part d’héritage? Peu à peu surgissent en guise de réponses des récits d’actions et de paroles de Mahomet, les hadiths. Ils touchent non seulement l’aspect religieux, mais toute la vie profane des croyants.

Les hadiths connaissent une faveur extraordinaire auprès du public au point de concurrencer le Coran. Ils vont se multiplier à une vitesse d’enfer, jusqu’à plusieurs centaines de milliers selon René Marchand. Une méthode est imaginée pour asseoir la validité d’un hadith: la recherche de la chaîne de ses transmetteurs.

Les hadiths accentuent le caractère intransigeant des prescriptions coraniques et sont parfois opposés à elles. Un exemple: le Coran sanctionne les adultères par le fouet alors que Mahomet ordonnera des lapidations. C’est cette sanction que retiendront les législateurs religieux. Les hadiths ne sont pas des traditions historiques authentiques, mais ressortissent au contraire d’une «annihilation de l’histoire». *

Un homme faillible devient prophète infaillible

Mahomet est promu par le biais de ces hadiths prophète infaillible et modèle éternel. Les textes fondateurs -biographies par exemple- seront écrits en conformité avec ce présupposé. Quels que soient les méfaits commis par l'Envoyé, ils étaient justes et nécessaires.

La société dirigée par le Prophète à Médine devient la référence ultime de la société parfaite qu’il faut recréer. «L’application inlassable du Coran et de la sunna, en prenant en compte si nécessaire l’avis unanime des compagnons du Prophète, qui vivaient à une époque salutaire où la droite direction divine était immédiate, va faire revenir ce temps, ce qui est le but suprême de toute juridiction et de tout gouvernement musulmans.»

Imiter Mahomet est le socle sur lequel repose l’islam. Il enserre le musulman dans un corset de normes où la peur de l'enfer est omniprésente.

La matière religieuse est «énorme, embrouillée, difficile à canaliser d’une façon cohérente», ce qui donne aux «savants» un pouvoir majeur sur les croyants. Ces religieux en arrivent à considérer que critiquer le prophète, même en citant des circonstances historiques, requiert la mort. Les quatre écoles juridiques du sunnisme se rejoignent sur ce point. Les nouvelles normes (fatwas) édictées suite à l’évolution des sociétés et des modes de vie ne doivent jamais remettre en question le caractère intouchable de Mahomet… ce qui n’empêche pas qu’elles se contredisent.

Un courant, les mutazilites (VIIIe s.), avait tenté de faire un sort à  cette manière de séparer le Coran de l’histoire et Mahomet de son message. Leur doctrine permettait l’étude historique, par exemple l’explication des incohérences du Coran dont ils contestaient le caractère incréé. Ils eurent une influence importante, mais les «durs» l’emportèrent.

L’imposition de la croyance islamique dans les démocraties

Si l’on se rappelle les innombrables polémiques dans nos démocraties sur la lapidation ou l’apostasie, on comprend mieux les contorsions sémantiques auxquelles se livrent les imams et autres porte-paroles qui tentent de faire croire qu'ils sont à la fois fidèles  à nos normes et à celles de l'Islam. Comment dire: «Je condamne ces sanctions, je suis opposé à la mort si l’on quitte l’islam ou si une femme épouse un non-musulman, je suis favorable à l’égalité entre hommes et femmes et à la mixité, etc. etc.», sans mettre en cause l’irréfutable Loi divine, sans devenir un apostat?

La vénération de Mahomet se traduit aussi par la volonté d’interdire sa critique dans nos sociétés. Rappelons-nous les caricatures danoises ou la bande-annonce intitulée «L’innocence des musulmans» (à défaut de la réalisation, le titre est si bien trouvé!). Rappelons-nous les innombrables tentatives d’interdire telle production artistique qui remet en question le Beau Modèle et ses disciples.

L’islam a emprunté un chemin "pavé d’interdictions de penser et de critiquer», observe Nagel. Un chemin que beaucoup de musulmans ici voudraient nous obliger à suivre. Un chemin que grâce au concept d’islamophobie, l’ONU, l’Organisation de la conférence islamique (OCI), de même que l’Union européenne tentent d’imposer. Avec la complicité d’innombrables soutiens qui militent pour l’exonération de l’islam et de ses disciples de ce droit de critique.

Première parution : le blog de Mireille Vallette, TdG, 15 septembre 2013, ici

Jean-MarcTétaz, préfacier et traducteur de Nagel

 

 

10 commentaires

  1. Posté par Nicolas Genare le

    La vérité historique est à l’opposé de la croyance religieuse. Elle est la différence entre savoir et croire. Que les irresponsables qui laissent construire, voir soutiennent, les constructions de mosquées se cachent !

  2. Posté par Pierre VENET le

    Voila un article qui fait la part belle à la légendologie islamique. Mhmd n’a jamais quitté la Mecque, parce qu’il n’y a jamais habité, vu que cette ville n’existait pas avant sa naissance. Les exégètes contemporains estiment que les 4 occurrences de Mhmd dans le coran, ainsi que la citation de Ahmed sont des interpolations. On ne sait presque rien de cet homme, donc il est prudent de ne pas porter de jugement sur sa vie. Ce sont les califs successifs qui en ont fait un prophète messager en réécrivant et le Coran et la Syrah et en ajoutant des Hadith pour justifier leur soif de pouvoir. En revanche, cela met à mal la théorie d’un coran incréé.
    Et puis, notons que Bilal ne fait pas de différence entre vénération et adoration. Pour moi, quelqu’un qui en trois lignes peut qualifier un parfait inconnu de “Noble” grrand”, “prophète” “messager de Dieu” et d’invoquer la paix et le salut de Dieu sur lui aura du mal à prétendre ne pas vénérer cette personne.

    db

  3. Posté par Iris le

    Je ne suis pas plus instruit que la moyenne et je trouve tous ces articles et commentaires difficiles à comprendre.La chose qui me parait importante aujourd’hui serait de faire savoir que Mahomet a du sang sur les mains ,beaucoup de sang sur les mains ,bien trop de sang sur les mains et quand bien même il n’en aurait qu’ une seule goutte ce serait inadmissible, intolerable, impardonable.Comment se fait-il que ces faits historiques relatés dans tous les textes soient niés par les Imams (sauf quand cela les arrange),quasiment inconnus ou incompris des musulmans dit modérés ,reproduits par les extremistes et complètement ignorés du reste du monde.Si j’etais un croyant musulman je pense qu’à l’instant même je commencerais à douter non pas de Dieu ; de Mahomet seulement .

  4. Posté par G. Vuilliomenet le

    Pourquoi des musulmans comme bilal se mettent à insulter lorsque l’on montre le visage de leur prophète, celui dont la vie est contée par des biographes comme Ibn Ishaq, Ibn Hicham, Tabari, Bukhari.

    Auraient-ils honte des actes commis par l’envoyé d’allah? Ou craignent-ils que leur prophète soit démasqué comme usurpateur de la parole d’allah?

    Juste un petit rappel, le génocide des Banu Qurayza:

    http://www.exmusulman.org/genocide-bani-qurayza.html

  5. Posté par François Maillet le

    Félicitation Bilal, vous serez probablement un de ceux qui franchirons sept siècles moyenâgeux dans les prochaines années. Je vous suggère en attendant de garder ce précieux torchon que vous avez lu en toute liberté d’esprit et de corps, et de le relire au moins une fois par année, juste après le mois de prières et ce , jusqu’a ce que le rouge vous envahisse les pommettes, là ou la barbe ne pousse pas bien sûr. C’est alors que vous pourrez marcher fièrement dans la rue, la tête haute, sans crainte de la colère de Dieu qui pour nous est infiniment bon et aimable. Le torchon peut aussi essuyer le fiel qui coule a la commissure des lèvres. Que la paix soit avec vous.

  6. Posté par Bilal le

    Un vrai torchon!
    Le noble prophète et messager Mohammed, que la Paix et le Salut d’Allah soient qui lui, n’est point vénéré par les musulmans! Le dire, c’est méconnaître l’islam et les enseignement de Grand Prophète… Le premier Pilier de l’islam concerne l’Unicité de Dieu, l’Adoration Unique…
    En réalité votre torchons ne mérite même pas de commentaires!

  7. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Wow! Vous citez, Mireille, l’auteur de “une histoire arabe, l’invention d’un prophète”. En moins de temps qu’un coup de foudre j’entends “une histoire d’homme”! Arabe, oui, mais homme aussi. Et tout coup de foudre s’accompagnant d’un précurseur, le voici! “L’invention de Jésus-Christ”, par Bernard Dubourg. Livres surprenants qui, contrairement à ce que leur titre suggère, n’ont rien d’athée. Michel Onfray en serait bouche bée.
    Ceci dit, si Nagel peut sembler ardu, ne vous privez donc pas des deux volumes (BD) de “la vie de Mahomet”, par Charb et Zineeb. Respectivement rédacteur en chef et journaliste de Charlie Hebdo. Où l’on voit que les règles “révélées” s’adaptent aux apétits du prophète.
    Mais je ne néglige pas le fait qu’un ou plusieurs milliards d’hommes sont imprégnés. Nul ne choisi la mamelle qu’il tête.

  8. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Chère Mireille dont le nom évoque le miel! Merci pour vos lignes. Dont une des premières évoque la lapidation. Et me rappelle des mots de la saga biblique. Deux passages, dont le contenu ne cesse de me questionner. Ils forment une sorte de couple, je le découvre en vous lisant!
    Le premier est celui qui relate le procès de la femme adultère. Dont qui ne se souvient pas de ces mots! “Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre!” Mais c’est la conclusion qui m’interpelle! “Va et ne péche plus”! Elle m’interpelle en relation avec l’épisode de la rencontre avec la femme samaritaine, près du puits! Celle qui offre à boire à Yeshoua. Lequel lui dit, allez savoir pourquoi, qu’elle a eu cinq maris et que celui qu’elle a maintenant n’est pas son mari! En plus il l’invite à boire de l’eau qu’il lui donnera! Il ne lui dit pas “va et ne péche plus”!
    Qu’est-ce à dire? C’est-à-dire que nous avons du boulot! Un sacré boulot.
    A commencer, pour ma part, par faire l’inventaire des fautes sanctionnées dans la Bible par la lapidation.

  9. Posté par Antonio Giovanni le

    « .. son prophète, et qui va réussir à prendre le pouvoir au prix de diverses stratégies.. » Mahomet, le Lénine ou, comme on voudra, le Hitler des Arabes en somme : conquériri le pouvoir par les mêmes massacres, mêmes pillages, mêmes fantasmes idéologiques, mais à l’échelle tribale d’une société ignorant les armes à feu, les camps de concentration, les communications rapides et les philosophes…: “A nous toutes les libertés, la mort à tous les autres !” Le parallèle est parfait : qui n’est pas musulman est un ennemi et doit mourir (qui n’est pas communiste, national-socialiste, etc..). Et ils n’ont encore pas compris où cela les a menés? “Islamophobie” c’est exactement leur façon de désigner l’ennemi, soit celui qui ne pense pas comme eux voudraient qu’il pensât … penser autrement et autre chose, voilà le crime par excellence, le crime en soi: c’est encore le même parallélisme qui est en jeu! Reste à comprendre pourquoi “..l’ONU, l’Organisation de la conférence islamique (OCI), de même que l’Union européenne tentent d’imposer…”

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