Sport et violence. L’une des exceptions: le golf

Uli Windisch
Rédacteur en chef

Avec la manifestation internationale de premier ordre de l’Open de Crans-Montana en Valais, Suisse (du jeudi 5 au dimanche 8 septembre 2013) le golf fera l’objet d’une médiatisation inhabituelle. Même des publications très politiquement correctes et moqueuses finissent par devoir s’y intéresser.

 Rediffusion, 4 septembre 2013.

Le texte  qui suit a été écrit en 2006 pour le centenaire de ce terrain de golf mondialement connu. S’il est repris ici, partiellement, c’est parce qu’il est toujours d’actualité, qu’il  montre que le sport sans violence  existe et qu’en plus ce sport, considéré comme élitiste, se démocratise  et pourrait tenir lieu de vertu sportive et  éducative exemplaire. 

Les représentations sociales et les images de certaines réalités sont aussi réelles que des réalités matérielles, aussi solides que des marteaux, même si elles sont fausses. Il en va de même avec le golf. Le fossé entre la réalité du golf et les images dont il fait l’objet peut parfois être d’une profondeur abyssale. Il existe une première différence entre ceux qui pratiquent et ceux qui ne pratiquent pas le golf. C’est souvent ainsi: seuls l’expérience concrète et le vécu sont susceptibles de modifier une image fausse et stéréotypée.

Le golf a davantage changé que son image

Malgré un changement profond de la réalité du golf depuis plusieurs décennies, les représentations et les images de cette activité sportive dans le grand public ne se sont guère modifiées. Elles sont le plus souvent négatives pour ne pas dire franchement hostiles, même dans les médias. La règle est toujours la même: moins on connaît concrètement et personnellement un phénomène, plus on a tendance à en avoir une représentation stéréotypée.

Une voie possible pour changer cette image négative: la faire mieux connaître aux publics sceptiques ou hostiles. But: faire participer ces publics concrètement à cette activité golfique dans l’un ou l’autre de ces lieux fabuleux que sont devenus certains parcours de golf. Tel passionné de ce sport a créé une véritable réserve naturelle en plantant plusieurs milliers d’arbres lors de la création d’un golf. Ici comme ailleurs, s’ajoute au plaisir d’une activité sportive, un extraordinaire sentiment d’évoluer physiquement et psychiquement dans des biotopes édéniques.

Le golf au service de Mère Nature!

Pour certains, le golf détruirait des pans entiers de la nature. Les joueurs ont le privilège de constater que le golf peut, au contraire, participer à l’embellissement de Mère Nature, à transformer certains lieux, non pas en déserts, mais en petits univers magiques. Faire connaître de tels lieux peut non seulement changer l’image du golf, mais nous faire comprendre la fragilité de certaines de nos images dont nous sommes si sûrs et convaincus, même si elles sont fausses.

Les quelques réflexions qui suivent prennent aussi appui sur mes contacts personnels et concrets avec le golf et qui ont débuté il y a plus de 50 ans comme caddie.

Les multiples aspects de la démocratisation du golf

Mon regard rétrospectif me permet non seulement d’appuyer la thèse de la démocratisation de ce sport, mais de l’illustrer concrètement. Dans les années 1960, les caddies n’avaient pas le droit de jouer au golf, même en fin de journée. Notre rôle était étroitement défini et clairement assigné, sans confusion possible : porter les sacs des clients, je dis bien porter car les chariots étaient encore une exception. Parfois, nous portions même deux sacs pour gagner un peu plus d’argent. Mais ce travail, assez pénible, m’a permis de rencontrer des personnalités remarquables qui ont contribué à m’ouvrir au monde, à développer ma curiosité, mes intérêts, bref l’envie de foncer dans la vie, d’entreprendre des études et de faire les efforts nécessaires pour vivre moi aussi de l’une de ces activités professionnelles grisantes que j’avais sous les yeux quotidiennement. Encore une fois: il n’était pas question de jouer du golf pour nous autres caddies. Un employé du golf nous pourchassait lorsque, après le travail, nous tentions tout de même de jouer quelques coups sur le parcours. Nous trouvions toujours quelques clubs usagés et au contact des meilleurs joueurs nous avions envie de les imiter. Jouer au chat et à la souris avec ces  « policiers des greens » nous amusait beaucoup et ne nous décourageait nullement ; preuve en est que nous trouvions d'autres prés et champs pour nous exercer tout de même.

Aujourd’hui en revanche, dans bien des clubs, on aménage toutes sortes de possibilités pour que les caddies, les fils d’employés des golfs ou des jeunes d’origine modeste puissent pratiquer ce sport et même devenir des joueurs de premier plan, voire des champions. Les multiples aides et encouragements des responsables de certains clubs constituent l’un des aspects de cette démocratisation en cours. La multiplication des écoles de golf pour les jeunes, des tarifs parfois très abordables et le dévouement admirable de certains amateurs expérimentés vont dans le même sens. Des jeunes, d’origine modeste, sont d'ailleurs parfois plus motivés que ceux de milieux plus aisés. Si ces derniers pratiquent volontiers ce sport, ils semblent moins enclins à en faire une activité exclusive, voire une profession.

Des golfs pour tous

La vague actuelle de constructions de nouveaux golfs va dans le même sens. Dans certains pays voisins, des parcours de golf ont été construits par centaines et, exceptés certains tarifs prohibitifs, il existe de plus en plus de tarifs accessibles au grand public. La Suisse a aussi connu un important développement, même si c’est dans une moindre mesure et si le changement d'image de ce sport est encore plus lent. L'intervention de la chaîne d'alimentation Migros dans la création de plusieurs golfs a contribué à cette démocratisation et popularisation.

Les vedettes du golf au service des jeunes défavorisés

La fameuse image élitaire du golf n'a plus guère de fondement dans des pays comme le Canada, les Etats-Unis, la Suède, la Grande-Bretagne et surtout en Ecosse. Certains de ces pays comptent proportionnellement dix fois plus de golfeurs que la Suisse, voire bien d'avantage.

La féminisation du golf est un autre puissant facteur de sa généralisation et de sa démocratisation. Le fait que ce sport peut être pratiqué jusqu'à un âge avancé ainsi qu'en famille contribue à le rendre de plus en plus attractif. La naissance de jeunes champions exceptionnels, particulièrement spectaculaires, et leur médiatisation fascinent de plus en plus de jeunes. Le phénomène de Tiger Woods, d’origine modeste, et d'autres jeunes prodiges, ainsi que la création d'écoles de golf, sponsorisé par le premier nommé, devenu immensément riche, pour de jeunes Noirs défavorisés, amplifient ce courant général et participent au changement de l'image du golf.

Le golf, école de vie et de civilité

Le golf est plus qu'un sport, c'est un style de vie, exemplaire même. Il contribue au développement d'une civilité constamment renouvelée. Il s'agit d'une véritable formation permanente à la vie en groupe et en société et qui mériterait elle aussi d'être mieux connue, diffusée et médiatisée. Le golf figure certainement parmi les sports où des phénomènes comme le hooliganisme, la violence et les autres incivilités sont les moins répandus, voire totalement absents. Pensons à ces situations où des foules sont massées autour d'une sommité du golf et dont n'émerge aucun bruit ni le moindre bruissement au moment d'un coup déterminant attendu par des milliers de spectateurs. L'enthousiasme, les applaudissements, ou la compassion en cas d'échec, interviennent certes, mais après coup et sans incident aucun. Le golf, un style de vie, un exemple de vie sociale, de convivialité discrète, complice et retenue, mais dense et forte et qui se prolonge par de nombreuses discussions, notamment à propos des coups de légende qui sont en nombre lors des grandes compétitions.

Les écoles de golf pour les jeunes: une école de vie. En s'initiant au golf, les jeunes apprennent, simultanément, à se comporter de manière policée, notamment en se familiarisant progressivement avec le respect de "l'étiquette"; leur comportement devient exemplaire par rapport à d'autres gestes sociaux qu'implique la vie en société. Cet idéal souffre bien sûr des exceptions et les incivilités existent, mais elles sont insignifiantes comparées à ce qui est aujourd'hui entendu par ce terme dans le sport et plus généralement. Le vivre et le jouer ensemble ne sont-ils pas un éternel recommencement en vue de rendre la vie en commun aussi vivable que possible?

Caractère et maîtrise de soi

Le golf raffermit aussi le caractère, la force psychique et mentale et les qualités que développe cette activité sportive rejaillissent sur l'ensemble de la vie des individus. On peut skier, nager, faire du vélo, etc. toujours à peu près de la même manière. Au golf, en revanche, on peut effectuer un parcours exceptionnel un jour et être victime le lendemain d'une catastrophe complète; on peut faire une première partie de parcours brillante, que l'on est sûr de terminer en beauté, et subitement être victime d'un mauvais coup qui remet en cause deux ou trois heures de bonheur intense et grisant. Autre situation formatrice du caractère et de l’éthique: une balle qui roule derrière un arbre et qui devient injouable mais que personne d'autre que le joueur lui-même ne voit. Ce dernier va-t-il la déplacer pour la poser discrètement en meilleure position ou accepter de gâcher son score? Céder ou ne pas céder à la tentation de tricher? Apprendre à surmonter de telles tentations fait partie de l'intériorisation de l'étiquette. Celui qui triche sera découvert tôt ou tard et, à ce moment-là, il sera stigmatisé pour longtemps, un autre type d'étiquette lui collera à la peau.

Des valeurs fondamentales

Beaucoup d'autres situations pourraient illustrer les nombreuses qualités que permet de développer et de renforcer la pratique à la fois grisante et ingrate du golf: maîtrise de soi, force de caractère, force mentale, concentration, endurance, persévérance, rigueur, fair-play, courtoisie, respect des autres et du parcours. Celui qui s'énerve, jure, jette un club, manque d'attention aux autres, est vite repéré et objet de discussions; il aura de la peine à trouver des compagnons de jeu…

Une microsociété modèle?

Un club de golf est une microsociété passionnante et exigeante. L'ensemble de la société aurait tout intérêt à mieux connaître ces microsociétés et l'activité golfique dans ce qu'elle est réellement. A nous golfeurs de mieux faire connaître, si possible avec l'aide des médias - pas non plus exempts de préjugés - cette activité sportive, cet art de vivre, et cela d'autant plus à l'heure où bien des activités sportives sont décriées et ne servent plus guère de modèle au comportement social en général.

 

 

3 commentaires

  1. Posté par Un autre pragmatique le

    Et bien voila ce qu’il nous faut pour “Carlos” des cours de golf!

  2. Posté par freemind le

    Monsieur Zeller, y a-t-il besoin de force de l’ordre pour les fêtes fédérales de lutte, ou de jodle, je ne crois pas.
    Quand nous sommes entre gens civilisés les forces de l’ordre ne sont pas nécessaires.

  3. Posté par Zeller Philippe le

    On peut sans autre remplacer golf par tir. Ce sport partiqué par quelque 70”’000 licencé(e)s et quelque 130’000 autres amateurs répartis dans près de 3000 sociétés de tir s’exerce également sans violence et sans présence…policière. Et contrairement à d’autres fêtes fédérales, celle des lutteurs, par exemple, les fêtes fédérales de tir rassemblent plus de tireuses et de tireurs que de spectatrices et de spectateurs.

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