Le socialisme comme antidépresseur

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
post_thumb_default

Donc, comme nous l’avons appris sur ce site, Doris Schmidhalter-Näfen et Jennifer Näpfli, deux élues de la gauche haut-valaisanne, proposent de mettre sur pied une exposition itinérante sur l’histoire allemande, particulièrement l’histoire du IIe Reich.

Selon ces élues,

«Des crimes atroces ont été perpétrés sous le couvert du drapeau de guerre du IIe empire allemand. L'histoire du colonialisme allemand s'est écrite dans le sang. »

Le conseiller national valaisan UDC, Oskar Freysinger, a affiché un drapeau de cet empire dans son bureau. Il le trouvait beau. Signe qu’Oskar est un monstre. Nous concluons que les socialistes, eux, ne sont pas des monstres, qu’ils nous protègent même des monstres, et cette exposition itinérante va le prouver. La démarche de ces élues est dérisoire, mais c’est de bonne guerre. C’est aussi significatif d’une vision de l’histoire.

Il y a des monstres partout, autant chez les socialistes que chez les autres. Les exterminations perpétrées par le socialisme réel le montrent, mais on a beau aligner des chiffres sur le Goulag, ça ne sert à rien. Le socialisme reste une référence. Pourquoi ? Il y a là un mystère, mais pas complètement indéchiffrable.

Partout et toujours dans le monde, il y a eu des atrocités. Il est difficile de les regarder en face. Trop déprimant. Alors, pour tenir le coup, on veut croire que ces atrocités ne sont que des étapes sur un difficile cheminement de l’humanité vers le bien, un monde où chacun pourra enfin vivre en paix et s’épanouir. Croire à une marche de l’humanité vers un tel monde, c’est contrebalancer le désespoir devant les horreurs du monde, avec l’espoir d’un monde meilleur. Cette croyance, c’est mieux qu’un antidépresseur.

Aujourd’hui, un monde meilleur, c’est, pour une majorité, le socialisme. Demain, ce sera autre chose. L’essentiel est cette démarche qui consiste, devant l’horreur du monde, à croire que l’histoire est linéaire et nous amène d’un point noir à un point brillant. Tel est l’alpha et l’oméga du socialisme, pilule qui, prise à doses régulières, permet de croire que nous sommes tous en route vers un avenir radieux, malgré des empêcheurs de tourner en rond. Oskar en est un. Il nous empêche de progresser dans notre longue marche vers le jardin d’Eden. Il faut donc le faire tomber sur le bas-côté de la route. C’est ainsi qu’on travaille pour la paix et l’humanité. Qui ne vaudrait travailler ainsi ? Qu’y a-t-il de plus beau que s’engager pour un monde meilleur ? De marcher sur les autoroutes du millenium ?

Parler de millenium, c’est parler de messianisme, et ça, nous connaissons. Des fanatiques du millenium sont souvent apparus. Ils ont entraîné leurs disciples dans des aventures qui se sont achevées dans des massacres et des exterminations. Inévitable ! Il fallait raser villes et campagnes pour construire la cité du soleil. A ce point, la marche vers un monde meilleur devient une marche vers l’enfer. Ces fanatiques se retrouvent avec du sang sur les mains, soit parce qu’ils guillotinent frénétiquement, soit parce qu’ils posent des bombes, comme les djihadistes aujourd’hui.

Est-ce que nos élues socialistes sont comparables à des djihadistes ? Non, bien sûr, mais elles sont prises dans un logique qui consiste à manier le fléau du bien pour purifier le monde. Cette logique peut être douce, mais elle peut aussi être violente. Nombreux sont ceux qui, en mai 68, se sont engagés dans une guérilla pour faire advenir un monde meilleur. Que ceux qui n’ont jamais connu la tentation de la violence au nom d’un tel monde leur jettent la première pierre !

Faut-il alors renoncer à toute aspiration vers un autre monde ? Non, puisque cette aspiration est au fondement de notre humanité. Les vaches et les chiens n’aspirent pas au millenium. Nous, si ! Que faire de cette aspiration ?

Au moins une chose. Ne plus prendre l’antidépresseur socialiste ! Cela demande du courage. Affronter les crimes atroces des Européens dans la première moitié du 20e siècle n’est pas l’affaire d’un jour. Nous souhaitons donc du courage à Doris et Jennifer.

Jan Marejko

2 commentaires

  1. Posté par Noël Cramer le

    Votre article me rappelle la campagne initiée il y a quelques années par l’artiste suizo-haïtiano-finlandaise Sasha Huber et l’historien et publiciste Saint Gallois Hans Fässler, ancien secrétaire du PS. Leur but était (et est encore) de débaptiser l’Agassizhorn, un sommet de l’Oberland Bernois, et de le renommer « Rentyhorn ». Pour ce faire, il leur a fallu remonter au début de 19e siècle où, Louis Agassiz, un des plus grands scientifiques (d’origine suisse) de l’époque et fondateur de la glaciologie avait illustré ses convictions racistes en prenant comme exemple « Renty », un esclave brésilien d’origine congolaise.
    Or, tout historien un peu informé sait que la majorité de la pensée occidentale était raciste à cette époque. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui – et incontestablement plus le cas dans les milieux scientifiques. Mais, je dois de plus en plus constater que les historiens contemporains tendent à réinterpréter le passé en fonction de leur idéologie et du système de valeurs en cours à notre présent. Que leurs motivations soient d’origine personnelle, ou non, l’histoire cesse alors d’être une science fondée sur l’objectivité.
    La motion du comité « Démonter Louis Agassiz » fondé par les deux personnes susmentionnées, et soutenue par un conseiller national socialiste genevois, a été déboutée par le conseil national, le conseil des états, le conseil fédéral et l’UNESCO…
    Mais l’histoire continue avec la pétition internationale lancée par le comité, et avec une exposition itinérante, très semblable à celle proposée par Doris Schmidhalter-Näfen et Jennifer Näpfli que vous mentionnez.
    Il est bien désolant de voir que des politiciens, et autres, soient obligés de fouiller dans les « crimes » du passé pour mettre en valeur leur propre valeur dans notre société contemporaine. Déprimant ! – Non ?

  2. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Une jeune femme que je connais bien, découragée au delà de toute mesure, en dépression et en colère, déversa sur moi sa hargne. Ce fut, une fois de plus, la fin du monde. Aucun de mes rationels arguments n’avaient de poids. Alors, inspiré, j’ai dit une fois de plus, je t’aime, et nous vivons dans un monde de merde! Les tordus et les faux jetons y proliferent. Je n’en revient pas! Cette réalité admise, elle a décidé de faire face! Je fus témoin d’une métamorphose.
    Faire face! Voici une option splendide! Adopter un cap et le conserver! Faire face! Ne pas abdiquer devant l’adversité. Quel syndicaliste, quel bienfaiteur socialiste encouragera à la gratitude, si petit qu’en soit l’objet? Non… Le bienfaiteur oriente sur le dû, sur le manque! Sur les droits! J’ose dire que les fameux droits de l’homme sont une catastrophe humanitaire! Une monstrueuse supercherie! J’aimerai que vous, Jan Marejko, ou Maître Marc Bonnant, veniez à mon secours. Vous avez les mots pour traduire ceci: « l’homme ayant droits est débiteur de lui-même, pourvoyeur de ces droits »! C’est à mes yeux, je me répète, une monstrueuse supercherie. Qui fonde la pire des tyranies, celle du BIEN. Du bien selon l’homme.

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.