Le roman noir de l’ours brun instrumentalisé par les Verts

Jean-Philippe Chenaux
Jean-Philippe Chenaux
Journaliste RP indépendant
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03.08.2013. Rediffusion suite à la nouvelle suivante: RUSSIE. Un homme qui cueillait des baies dans une forêt a été tué par un ours affamé qui avait l’habitude de recevoir de la nourriture des habitants locaux …(Le Matin, 02.08.2013).
L’accueil de ces grands prédateurs au nom de la « biodiversité » et du « développement durable » constitue à coup sûr l’arme absolue pour appliquer le programme de réduction des activités humaines et d’expropriation de l’homme cher à l’écologie profonde, pur produit d’une pensée détournée de sa fin première. Il importe d’y mettre un terme en dénonçant purement et simplement la Convention de Berne à défaut de pouvoir l’amender…

 Non content de favoriser la « réintroduction » du loup en Suisse (voir notre précédent article), le lobby environnementaliste s’efforce maintenant d’y acclimater l’ursus arctos, autrement dit l’ours brun européen.

Lorsqu’en juillet 2005 un ours pointe son museau dans les Grisons pour la première fois depuis 1923, le conseiller fédéral Leuenberger se rend aussitôt sur place et, planté devant une caméra, déclare d’une voix menaçante : « On ne touche pas à l’ours ! ». Gare au Nemrod qui serait tenté de résoudre le problème « au coup par coup », selon la vieille méthode utilisée pour éliminer l’ours des Pyrénées Cannelle en novembre 2004 ! Les futurs randonneurs sont impérativement priés de porter une clochette pour signaler leur présence et, s’ils se trouvent face à l’ours, de lui parler « doucement » et de se coucher « en position fœtale la main derrière la nuque ».

Un premier veau massacré juste pour un morceau de cuisse suscite crainte et colère dans le val Müster. Un journaliste du Matin, Victor Fingal, évoque alors un « réveil brutal dans le dortoir des écolos » et rappelle que « personne ne peut décemment prétendre que l’ours ne représente aucun danger pour l’homme et que vouloir s’en faire un ami contredit la nature ». Il sera pratiquement le seul, dans la grosse presse, à oser tenir ce langage écologiquement incorrect.

La contre-offensive s’organise rapidement. Quelques personnes équipées de jumelles se font photographier en train de scruter la lisière d’une forêt : 24 heures annonce joyeusement que « les passionnés ont déferlé sur les Grisons où ils guettent le moindre mouvement du plantigrade» ; et le quotidien de titrer sur cinq colonnes : « Comment l’ours est devenu l’ami public numéro un ». Philippe Roch, ancien chef de l’Office fédéral de l’environnement, déclare à Darius Rochebin (TJ du 16.8.2005) qu’il n’a « aucune peur de l’ours », ajoutant sans rire : « je me sens tellement de la nature qu’à la limite, la plus belle mort que je pourrais me souhaiter c’est encore d’être attaqué par un ours ».

Las ! On découvre très vite que la « star de l’été 2005 » n’est pas une bête sauvage, mais un ours de Slovénie lâché en Italie dans le cadre d’un projet de réintroduction de l’espèce. JJ2, alias Lumpaz, un nom choisi par les lecteurs du Sonntagsblick qui signifie « polisson » en romanche, étoffe son tableau de chasse, fait un tour au Tyrol autrichien, où il poursuit une bouchère, puis revient en Suisse. Son régime alimentaire ne plaît guère à un cadre du Parc national, à Zernez : « Notre ours mange trop de viande. Ce sont des protéines, alors qu’il devrait privilégier les graisses et le sucre ».

Le premier réflexe des autorités fédérales est évidemment d’élaborer un « Concept Ours brun Suisse » pour organiser une « cohabitation de l’homme et de l’ours » immédiatement décrétée « possible et souhaitable » moyennant des « mesures d’effarouchement » du plantigrade. Ledit « Konzept », mis en consultation en mars 2006, ignore un fait fondamental : alors qu’une femelle et ses petits doivent disposer d’un espace vital de l’ordre de 150 km2 – pratiquement la surface du Parc national –, un mâle peut occuper des territoires cinq fois plus grands, jusqu’à mille km2 ; pour satisfaire ses besoins biologiques, l’ours parcourt indifféremment pâturages d’altitude, forêts et fonds de vallées, autant d’espaces qui sont utilisés et gérés par l’homme. Le Concept omet aussi de signaler que l’omnivore s’attaque régulièrement à des troupeaux domestiques et à des ruchers, et dans certains cas à l’homme.  Se fondant sur une typologie aussi extravagante que pseudo-scientifique, il distingue d’une part l’« ours farouche, qui peut vivre discrètement, même dans des zones habitées, s’il trouve suffisamment de nourriture » (sic), et « l’ours peu farouche, doté d’une grande capacité d’apprentissage » (resic), qui peut devenir soit « un ours nuisible », soit un « ours problématique », soit encore « un ours à risque ». Ce n’est que s’il rentre dans cette dernière catégorie qu’il pourra être tiré ; comme si un « ours farouche », un « ours nuisible » ou un « ours problématique » n’était pas un « ours à risque » ! Encore faut-il que l’ours se soit attaqué à une personne « de manière agressive, la blessant, voire la tuant ». Que l’homme paye le premier le prix du sang !

La vérité est qu’un ours reste un ours : à la course, il peut atteindre une vitesse de 55 km/h, il grimpe aux arbres, et toute rencontre de l’homme avec ce redoutable omnivore peut se solder par des coups et des blessures, voire par une issue mortelle pour l’être humain, puisque l’animal est capable d’arracher une tête d’un seul coup de patte. Comme l’a relevé Oskar Freysinger dans une motion déposée en octobre 2006 pour un nouveau « Plan ours », le plantigrade « ne se soucie pas des catégories sociales à son égard ». Comme tant d’autres, Timothy Treadwell, le héros du film de Werner Herzoz Grizzly Man, l’a appris à ses dépens. Lui et sa compagne étaient pourtant très motivés pour « vivre avec les ours bruns » en Alaska ; ils ont été proprement dévorés, en octobre 2003, par un de ces plantigrades « peu farouches » si chers au cœur des concepteurs fédéraux. Cela ne pouvait être, bien sûr, qu’un ours mal léché… Peut-être auraient-ils dû suivre les conseils prodigués dans le « Concept Ours brun Suisse » : « chantonner, détourner l’attention de l’ours en posant quelque chose sur le sol (veste, panier, mais pas de sac à dos !), se coucher sur le sol à plat ventre, les mains croisées sur la nuque pour protéger le mieux possible les parties du corps les plus vulnérables ». Trêve de plaisanteries ! Le catalogue de conseils du lobby ursin fédéral relève soit de l’angélisme, soit de l’inconscience, l’un n’excluant d’ailleurs pas l’autre.

De JJ2, disparu en 2005 et probablement tombé sous les balles de chasseurs, à M13, abattu en février 2013 après avoir visité des habitations, pillé des ruches et effrayé une adolescente, en passant par JJ1, alias Bruno (frère de JJ2), abattu en Bavière, et par JJ3, abattu en 2008 au grand dam des autorités italiennes, et sans oublier la blessure par balle infligée à Finn lors de l’agression d’un handicapé mental qui s’était introduit dans son enclos à Berne, le roman noir de l’ours brun continue de susciter l’ire des Verts et de citadins confortablement installés devant leur poste de télévision. Cette indignation est partagée par une lectrice de 24 heures (9-10 mars 2013), mais pour d’autres motifs : « Innocentes victimes d’irresponsables utopistes […] les arrachant à une nature dans laquelle ils pouvaient encore vivre librement », ces animaux ne sauraient survivre sur « un territoire devenu exigu, morcelé, envahi par les industries et les infrastructures d’une démographie exponentielle incontrôlée ». Comment les initiateurs de cette politique peuvent-ils aimer les animaux « alors que, par cette réintroduction, ils n’ont fait que leur malheur, celui de leurs proies, des éleveurs, tout en gaspillant les deniers des contribuables ? » Cette question de Madame Colette Cerf devrait interpeller les lobbyistes de la réintroduction de l’ours.

Ce qu’on retiendra finalement de ce feuilleton,  en attendant le prochain tir, ou le prochain accident humain, c’est que les « concepts » et les « plans » mis en place ces dernières années pour « gérer » le retour du loup, de l’ours et du lynx – en attendant le chacal doré repéré aux portes de la Suisse… – ont été élaborés en dehors de toute concertation prenant en compte les intérêts des populations concernées. L’expérience montre que la cohabitation de l’homme et de ces prédateurs est incompatible avec les exigences d’un tourisme qui, sans aspirer à devenir un tourisme de masse, ne saurait se réduire pour autant à l’écotourisme à la mode ; de même, elle est incompatible avec l’agriculture de montagne, la sylviculture, l’élevage, l’apiculture, et le maintien d’une biodiversité incluant les cervidés. Du point de vue juridique, comme nous le rappelle aujourd’hui le conseiller aux Etats Jean-René Fournier, elle pose avec acuité le problème de la responsabilité du canton ou de la Confédération en cas d’accident.

Sur le fond, elle vise bel et bien à « réguler la population grégaire et touristique », en clair à chasser l’homme d’une partie de plus en plus importante du territoire qu’il occupe au nom d’une idéologie prétendant le soumettre à la dictature de la « biodiversité ».

L’accueil de ces grands prédateurs au nom de la « biodiversité » et du « développement durable » constitue à coup sûr l’arme absolue pour appliquer le programme de réduction des activités humaines et d’expropriation de l’homme cher à l’écologie profonde, pur produit d’une pensée détournée de sa fin première. Il importe d’y mettre un terme en dénonçant purement et simplement la Convention de Berne à défaut de pouvoir l’amender, comme le prévoit la motion Fournier. La balle est depuis novembre dernier dans le camp du Conseil fédéral.

Cet article paraîtra également dans le journal La Nation le vendredi 5 avril

7 commentaires

  1. Posté par Böse Birgitt le

    On ne peut aller contre les faits, mais ce qui me chagrine c’est la propension de l’homme à vouloir industrialiser partout : et les Indiens tout autant que les animaux sauvages, n’ont plus droit à des forêts et des eaux propres et tout le monde ne se soucie que des loups et des ours! Le comble de l’hypocrisie est le labellisé vert : le riche qui se paie tous les lieux paradisiaques pour y être à l’abri de tout : vivant au vert et nourri bio… pendant que ses industries pillent et volent ceux qui n’auront demain + droit à la viande et qui doivent vivre ds des quartiers immondes.

  2. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    IEncore un détail, si vous le voulez bien. Même si, une fois de plus, je cite la Bible! Je vous laisse juges. Donc voici. « Dieu dit, faisons l’homme à notre image, et…. » Et il ajoute quelques mots, dont je donne l’effarante traduction telle qu’elle est admise. « Ils domineront sur les poissons, les oiseaux, l’animalité terrestre (eretz). Cet « homme » est Adam, mâle et femelle, tiré de la Adamah. Il n’a pas reçu, au stade de sa formation, aucun ordre. Cette prétendue domination est donc inscrite dans ses gènes. Puis Dieu souffle dans les narines de l’homme et il devient une âme vivante! Jusque là ça va? La suite est étonnante. Dieu ne « fait » pas les animaux, les oiseux et les poissons. Il dit « que la terre (eretz) produise! Et la terre produisit. Les animaux. Qui furent, sans autre intervention, devinez?
    Des âmes vivantes! Il est vrai que cet infime détail est sans intérêt pour le Pape, l’Archiprêtre ou Billy Graham. Pas de quoi remuer les foules, faire fortune ou réussir une sauce béchamel. Alors, on s’en fout? Mais, sortons du texte dit sacré. Une excursion chez des sages vous en apprendrait. L’animal tend à devenir humain! Disent-ils. Eh oui! Vous imaginez sa déconvenue? À l’animal! Est-ce pour cela que la création toute entière attend la révélation des Fils? Ah… Si vous aviez vu le regard désespéré et implorant du porcelet auquel on arrache les dents…

  3. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Dans l’autre article mentionnant l’ours j’ai cité l’homme qui leur parle comme à des humains. C’est l’occasion de préciser qu’il parle aux ours dans leur milieu naturel! Au Canada. L’occasion de dire aussi que ces écolos n’ont pas demandé son avis à l’ours avant de le déraciner. De rappeler aussi que l’on a pas traité mieux les enfants, jusque dans un passé récent. Voir, par exemple, le film « enfance volée »! Et qui connait « Madame Léopard » qui réhabilite les fauves dans leur milieux, en associant les fermiers à sa démarche. Et avec succès. A ce point, je dois fouiller ma vidéothèque pour retrouver un documentaire intitulé « cet homme est un ours »! Et je fais l’impasse sur le meilleur! Un commentaire des « vers dorés de Pythagore ». Il serait prématuré.

  4. Posté par lades le

    je suis artiste sculpteur conceptuel.. je réalise des oeuvre pyrotechniques avec déclenchement à infra-rouge… que je dissémine en montagne. c’est très dangereux… oui…! mais ç’est de l’art et ça fera moins de mort que sur les autoroutes …

  5. Posté par SCHMITT Daniel le

    C’est un bon article… anti-ours ! Pour moi c’est l’homme qui est un problème, et non l’ours… C’est l’homme qui détruit la nature, et pas l’ours.. Pourquoi cet acharnement anti-ours ? Combien d’accidents mortels avec les chiens ? Pourtant les chiens ne sont pas interdits ? Combien d’accidents mortels avec les chassseurs ? Pourtant la chasse n’est pas interdite… Combien d’accidents mortels avec les voitures ? Pourtant les voitures ne sont pas interdites… Ah oui c’est beau une nature aseptisée ou il n’y a plus de « prédateurs » !

  6. Posté par Certeny le

    Je souscris à l’article. Je regrette seulement que les responsabilités ne soient pas clairement définies… une mort = mort de l’ours premièrement et prison à vie de ceux qui l’ont cautionné. La caution est une solidarité avec le meurtrier. Si tout cela était prévu d’avance dans la loi il y aurait moins de discutions oiseuses. Les politiciens, c’est connu, ne veulent jamais assumer les conséquences de leurs choix.

  7. Posté par cheseaux monique le

    Mais ces réintroductions arrivent conjointement avec la réapropriation des vallées alpines ,prévues dans Agenda 21….Au fond des vallées se nichent les sources d’eau,convoitées par les métropoles surpeuplées ,et les futurs parcs naturels doivent être impérativement mis à disposition des populations de ces mêmes métropoles …tout est planifié sous le label trompeur d’écologie ! C’est une idéologie despotique fomentée l’ONU et les magnats de la Haute Finance internationale…L’Eco-Décalogue ou Charte de la Terre :Un « Code de conduite universelle  » centré sur les théories des écologistes ,code obligatoire pour tous les peuples du monde ,qui devra remplacer,et donc abroger ,le décalogue, principe et fondement de l’éthique chrétienne !
    C’est Mme le Professeur Mary Ellen Ticker ,de l’Université de Bucknell qui à New-York ,dans le cadre d’une conférence sponsorisée par l’UNEP (United Nations Environment Programme) institut spécialisé des nations Unies dont la tâche consiste dans l’étude des problèmes écologiques ….Mme Tucker explique donc que l' » Objectif de la Conférence est un révisionnisme créatif en vue de réaliser une relation mutuelle et solidaire entre l’homme et la terre , bien éloignée de la conception ortodoxe et monothéiste ,qui place l’homme au centre de la création ! »…Dans cette optique nouvelle ,l’homme, pour employer les mots de Tucker ,perçoit le monde « comme une réalité d’importance secondaire « qu’il est appelé à dominer et à utiliser et dont il PERTURBE les équilibres ,provoquant des effets désastreux sur le plan écologique !
    Ce Décalogue de la Nouvelle Ere dont se targue Mikhaïl Gorbatchev,président de la fondation écologiste la « croix verte internationale  » rejoint les thèses émises par les membres du Club de Rome .Eduard Postel,un des membres fondateurs de ce Club condamne l’homme en ces termes  » le monde est malade du cancer,et le cancer c’est l’homme  » !

    On comprend mieux le mépris affiché pour les probables victimes humaines, si la réintroduction de ces prédateurs se poursuit ,faisant fi des craintes justifiées des populations concernées !

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