« Celui qui me fait le plus de soucis, a déclaré à Saas Balen le Flandrin des Glaciers, c’est notre ministre des Affaires étrangères. Au lieu de représenter avec force et clarté nos intérêts, il est devenu le ministre du renoncement ». Allusion, bien sûr, à l’entrée en matière face à des juges étrangers dans l’affaire de la Cour européenne de justice qui pourrait arbitrer, en matière de bilatérales, les litiges entre la Suisse et l’Union européenne.
Avant-hier soir, mercredi 31 juillet 2013, à Saas Balen, en allemand devant un public haut-valaisan, Christophe Darbellay a lancé son attaque. Il devait l’avoir ruminée, il a choisi le lieu, la majesté symbolique de la montagne, la date, la langue. Il n’y avait plus qu’à appuyer sur la gâchette.
Dans un discours intitulé « Frei sein und frei bleiben », être et rester libre, le président du PDC suisse a ciblé un homme. Non pas Blocher, pour une fois. Ni la gauche. Mais le très raisonnable, très présentable et très gouvernemental Didier Burkhalter. Une charge du premier PDC de Suisse contre un conseiller fédéral radical en fonction, avec cette violence-là, était du temps de mes années fédérales, à l’époque des gentils PDC passe murailles, le gentil Koller par exemple, totalement inimaginable. Aujourd’hui, elle l’est, et c’est très bien ainsi, pour un motif qui ne tient ni aux convenances ni aux politesses sur les décombres du Sonderbund : ce motif, c’est que Darbellay a raison, et que la timidité de notre politique étrangère, en cette période de crise, doit en effet être dénoncée.
« Celui qui me fait le plus de soucis, a déclaré à Saas Balen le Flandrin des Glaciers, c’est notre ministre des Affaires étrangères. Au lieu de représenter avec force et clarté nos intérêts, il est devenu le ministre du renoncement ». Allusion, bien sûr, à l’entrée en matière face à des juges étrangers dans l’affaire de la Cour européenne de justice qui pourrait arbitrer, en matière de bilatérales, les litiges entre la Suisse et l’Union européenne. Dans le Haut-Valais, à quelques heures du 1er Août, Darbellay a dit bien haut ce que l’immense majorité de nos compatriotes ressentent en silence, avec humiliation et colère, parfois jusqu’à la gorge nouée. Alors que nous sommes attaqués de toutes parts, et qu’il faut justement demeurer inflexibles, cette porte ouverte (via le secrétaire d’Etat Rossier) aux juges étrangers est un signal catastrophique. Il donne l’impression d’une diplomatie coupée du pays profond, consacrant davantage d’intelligence à l’adversaire que d’écoute de nos souffrances. C’est un coup de poignard dans le dos.
Christophe Darbellay n’a jamais éprouvé pour Didier Burkhalter une estime extatique, on le savait. Mais il serait faux, pour autant, de mettre sur le compte d’une inimitié personnelle le jugement sévère, mais juste, de Saas Balen. Oui, la Suisse a besoin de grandes voix, celles d’un Tschudi, d’un Furgler, d’un Delamuraz ou même d’un Couchepin. Elle n’a pas besoin, au plus haut niveau stratégique, de ces sortes d’éteignoirs du désir et de la parole politique. Ils sont là, c’est sûr, ils ont été élus, nous n’avons pas de procédure de révocation ni de motion de censure. Il nous reste la colère. Christophe Darbellay, à Saas Balen, a proclamé la sienne. Ici, citoyen de ce pays, je dis la mienne.
Pascal Décaillet
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