Cour européenne des droits de l’homme et opinion publique

Uli Windisch
Rédacteur en chef
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Les juristes ne peuvent se contenter de se défausser sur les acteurs politiques pour pallier les conséquences de leurs décisions prises de manière unilatérale du haut de leur tour d’ivoire, sans penser aux conséquences de leurs actes et à leur responsabilité politique.
Il en va un peu de cette situation comme de celle du racisme. Les juristes et les antiracistes ne devraient pas se satisfaire de traquer obstinément et de condamner les paroles et actes racistes, sans s’interroger sur les causes de ces phénomènes et les possibilités de mieux les prévenir et les endiguer.

 

« La cour a désavoué la décision des autorités suisses d’expulser un père de famille nigérian condamné en 2003 pour trafic de drogue. La Confédération devra lui payer une indemnité de 9000 euros » (Tribune de Genève 16.4.2013).

Il est précisé que le renvoi de ce père de famille viole le droit à la protection de sa vie  privée et familiale ; qu’il est père de jumelles nées d’un premier mariage avec une Suissesse, et qu’il a récemment eu un troisième enfant avec une nouvelle compagne.

On apprend aussi que ce Nigérian de 40 ans, qui a obtenu gain de cause à Strasbourg, avait été condamné en 2006 en Allemagne à 42 mois de prison pour trafic de cocaïne. Quelques années auparavant, il avait été également condamné en Autriche pour trafic de drogue et en 2003, il avait épousé une ressortissante suisse.

La Cour a précisé : « L’éloignement forcé du requérant est susceptible d’avoir pour conséquence que les deux filles grandissent séparées de leur père ».

Et pas de n’importe quel père ! ajouteraient d’aucuns.

Ce n’est pas la première fois que la Cour désavoue une décision suisse d’expulser une personne condamnée pénalement.

Cour européenne et situation politique suisse.

De tels exemples font clairement ressortir la tension, voire l’incompatibilité qu’il y a maintenant entre cette Cour européenne et l’initiative de l’UDC prônant le renvoi des criminels étrangers, initiative acceptée par le peuple suisse mais non encore appliquée, après plus de deux ans d’acceptation. D’autres initiatives acceptées par le peuple sont beaucoup plus rapidement appliquées.

Situation aggravante : l’UDC, impatiente, et c'est peu dire, après deux ans et demi de non application, fait circuler une deuxième initiative demandant que la première initiative sur le même sujet soit appliquée. L’application n’est visiblement pas aussi directe que la démocratie.

Si l’on se place maintenant du côté  non pas juridique mais de celui de la population qui  reçoit se genre de nouvelle et qui doit subir dans sa vie de tous les jours ces criminels de plus en plus nombreux, cela soulève quelques questions fondamentales, pas nécessairement politiquement correctes, mais qui doivent absolument être posées.

Les droits de l’homme et leur reprise par la Cour européenne sont certainement un acquis fondamental mais cette Cour a été instituée il y a plus de cinquante ans. Si de tels cas étaient uniques, voire très rares il n’y aurait sans doute pas de problème majeur. Mais comme de tels cas vont certainement être de plus en plus nombreux, on devrait admettre que l’on est ici confronté à une situation nouvelle. Et que l’on devrait y réfléchir sérieusement, déjà simplement à cause de l’impact de telles décisions sur le climat politique général.

Les maux de l’ultra-spécialisation

A un niveau beaucoup plus général, tout le monde dénonce l’actuelle ultra-spécialisation dans toutes les disciplines et sciences, chaque domaine ignorant les acquis de l’autre, alors qu’un travail d’intégration de multiples domaines spécialisés apporterait des acquis décisifs et favoriserait de meilleures solutions aux problèmes. Les juristes, lorsqu’ils ne se réfèrent qu’à leur stricte discipline, sans vouloir tenir compte du contexte politique touché par leurs décisions, ne ressemblent-ils pas, à ces spécialistes qui savent tout sur rien( les généralistes savent rien sur tout) alors qu’ils décident aussi pour tous ceux qui sont touchés dans la l’ensemble de leur vie quotidienne par les impacts de leurs décisions.

En clair, de telles décisions qui sont prises selon des critères purement juridiques et plus toujours adaptés à nos sociétés actuelles, n’ont-elles pas une part de responsabilité dans  le ressentiment, voire la révolte que peuvent provoquer de telles décisions chez ceux qui ont eu à subir les graves méfaits de ces criminels ?

Droits des criminels et droits des autres hommes

On ne peut plus ne pas écouter ces indignations qui demandent si les droits des criminels passent avant les droits des hommes et des collectivités qui doivent subir quotidiennement ces criminels. N’ont-ils pas eux aussi des droits aussi fondamentaux que la liberté, la propriété, la sécurité, le droit de vivre et de se déplacer dans la vie quotidienne sans une peur et une insécurité croissantes ? Des droits que continueront à menacer certains parmi ceux qui ont obtenu le droit de rester sur les lieux de leurs méfaits, avec, en plus, des indemnités payées par l’Etat.

A ne pas écouter ces paroles exaspérées, ne contribue-t-on pas à alimenter un phénomène qui se développe partout et à une allure galopante : le populisme tant dénoncé et un climat politique inquiétant ? Une approche globale des phénomènes sociaux et politiques se doit de se situer également du côté de la réception, des récepteurs, de ceux qui subissent ces décisions prises sous le seul angle juridique.

Les juristes ne peuvent se contenter de se défausser sur les acteurs politiques pour pallier les conséquences de leurs décisions prises de manière unilatérale du haut de leur tour d’ivoire, sans penser aux conséquences de leurs actes et à leur responsabilité politique.

Il en va un peu de cette situation comme de celle du racisme. Les juristes et les  antiracistes  ne devraient pas se satisfaire de traquer obstinément et de condamner les paroles et actes racistes, sans s’interroger sur les causes de ces phénomènes et les possibilités de mieux les prévenir et les endiguer.

C’est le propre d’une approche sociologique, dans la mesure où elle n’est pas teintée d’idéologie, de faire ressortir les aspects multidimensionnels de tout phénomène social et politique, cela sur la base d’un postulat dont on pourrait mieux tenir compte : plus une approche est globale, multidimensionnelle et pluridisciplinaire, plus on a de chances de réussir à comprendre, à expliquer et à contribuer à résoudre un problème, plutôt que de l’aggraver.

Il a urgence. Puissent les juristes et autres approches ultra-spécialisées accepter de tenir compte des nouveaux contextes politiques et de tenter d’intégrer de nouveaux critères dans leur appréciation en sachant que même le droit a toujours cherché à tenir compte de l’évolution sociale et politique, même si c’est souvent avec beaucoup de retard sur la réalité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3 commentaires

  1. Posté par Akayoshii le

    Le problème posé par Ueli est simple: Si vous êtres sanctionné par un tribunal et que vous fassiez recours, vous disposez d’une probabilité de gagner. Par contre, si vos droits de personnes usagères du domaine public (circuler, ne pas se faire injurier, etc…) sont bafoués, la probabilité que vous soyez pris au sérieux par la police et la justice est faible et cela même si ces deux organismes agissent de bonne foi. Il en découle la progression du sentiment de “non droit” et d’injustice. Cette situation est actuellement catastrophique dans ses conséquences culturelles.

  2. Posté par Roger H. Uldry le

    Oui, les décisions des juges de Bruxelles, vont créer de l’étrangerphobie dans tous les pays d’Europe….!

  3. Posté par Certeny le

    Merci pour votre information qui cible bien les problèmes. Malgré toute les garanties exprimées par la Calmy-Rey pour que la Suisse adhère à la cour des droits de l’homme à Bruxelles c’était une erreur d’abandonner notre souveraineté dans ce domaine. La Suisse est un exemple de démocratie… l’UE est un exemple de totalitarisme dans tous les domaines !! Si le peuple n’a plus son mot à dire… alors faisons marche arrière pour reprendre notre souveraineté. Le Conseil Fédéral n’est plus au service du pays et de ses citoyens lorsqu’il abandonne une quelconque souveraineté.

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