Par provocation, il m’est arrivé souvent de dire : « Mon homme politique préféré, c’est Margareth Thatcher. »
Elle vient de nous quitter. A l’heure où la France laisse plus que jamais apparaître la profonde médiocrité de ceux qui prétendent la gouverner, le souvenir de Maggie resurgit pour souligner toute la distance qui sépare le Politique du politicien, l’Homme d’Etat du démagogue professionnel. Depuis De Gaulle, la France n’a plus été dirigée par un homme d’Etat exceptionnel. Encore était-ce la pire défaite de notre histoire qui l’avait placé à la tête du pays en dehors d’un système qui s’est empressé de le rejeter. Encore y a-t-il aujourd’hui des gens pour rendre responsable la République qu’il a instaurée des turpitudes du personnel politique qui l’encombre. De Gaulle a été désavoué par une majorité des Français après avoir redressé le pays non sans assumer les conséquences d’une politique algérienne désastreuse, de même qu’il n’a pu éviter la montée de l’esprit de facilité si constant dans notre histoire, et qui l’a surpris en 1968. Margareth Thatcher comme Winston Churchill ne sont pas des accidents de l’histoire mais les produits du système britannique qui a su faire apparaître l’homme ou la femme qu’il fallait devant l’épreuve, que ce soit la guerre ou la crise. L’esprit de résistance qui est au cœur de l’âme anglaise s’est incarné souvent au cours du temps. Churchill a été le premier à mesurer le danger nazi, le seul à le combattre après la trahison française, et victorieux, il s’est fait battre aux élections…
Margareth Thatcher a vaincu la dictature militaire argentine qui ne s’en est pas relevée, combattu le terrorisme irlandais comme tout démocrate doit le faire face à la violence politique, brisé le carcan socialiste de l’Etat-Providence et de la toute puissance syndicale. Elle a donné un nouveau souffle à un Royaume-Uni qui était, en 1979, l’homme malade de l’Europe, et qui est devenu, grâce à elle, l’éclaireur de la Révolution Conservatrice dans les années 80. Conservatrice et moderne à la fois, la première femme Premier Ministre a conservé l’essentiel, l’indépendance et la puissance d’un pays qui a su, in extremis, moderniser son économie et sa gouvernance. Elle a, enfin, participé à la victoire des démocraties occidentales sur l’empire communiste… et elle a quitté le pouvoir sous la pression de son parti, en raison d’une réforme des impôts locaux… Extraordinaire système qui sait inventer des personnalités exceptionnelles dans les situations difficiles et retourner à la banalité quand l’orage est passé. Sur ce point, la comparaison est vexante : le contemporain de Maggie, chez nous, c’était Mitterrand, la francisque en 42, la résistance en 43, un faux attentat (celui contre Thatcher était vrai), 14 ans de pouvoir pour enfoncer le pays. Quand elle privatisait, il nationalisait. Elle voulait que l’Europe lui rende son argent. Mitterrand a capitulé à Fontainebleau en juin 84. Après Thatcher, les gouvernements travaillistes n’ont pas remis en cause son œuvre. Après Mitterrand, les gouvernements « de droite » n’ont pas eu le courage de changer ce qu’ils n’ont pourtant jamais cessé de critiquer.
Là, on touche à l’essentiel, à ce qui produit le système et les caractères qui en exploitent les ressources : la mentalité. De Gaulle disait en 1940 qu’il avait le sentiment que chaque Anglais croyait que de son comportement dépendait le sort du pays. La fille de prédicateur méthodiste était, avec rigueur, passionnément attachée au destin du Royaume. Elle mettait au service de cette mission une volonté de fer qui lui a valu son surnom. Femme de conviction, elle possédait une vision claire des valeurs indispensables à la bonne santé d’un pays : l’intégrité, la loyauté, la persévérance, le goût du travail et la reconnaissance du mérite et de l’effort, la responsabilité individuelle, avec pour clef de voûte, cette liberté qui dynamise l’économie et anime la politique. C’est elle qui nous préserve de cette « Route de la servitude » que dénonçait Hayek, de l’étouffoir de la social-démocratie, dans lequel notre pays est enfermé, de gauche comme de droite, avec des gouvernants qui, comme Sarkozy, n’ont pas voulu être des Thatcher. On voit le résultat : un pays incapable de se réformer, un personnel politique discrédité, un potentiel, à tous égards bien supérieur à celui de nos voisins d’Outre-Manche, mais qui n’a pas été libéré. C’est une Thatcher qu’il a manqué à la France. Il n’est peut-être pas trop tard.
Christian Vanneste
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