J’avais onze ans, et de mon école primaire en Valais, je conserve de vifs souvenirs, non seulement ceux qui gravitent autour de l’écriture, de la lecture et du calcul, mais encore ceux qui se mêlent de géographie, ce temps long de l’histoire.
Mon pays de fortes pierres, je l’ai parcouru comme mes petits copains d’alors sur nos jambes de bambins. Ah ! les promenades printanières le long du Rhône où l’instituteur nous expliquait le grand fleuve, la vallée en U, la formation des Alpes ! On est d’un pays avec ses odeurs et ses couleurs avant d’être un hypothétique citoyen du monde ! C’est parce qu’on connaît ses frontières qu’on peut, plus tard, non les supprimer – quelle sottise ! - mais les enjamber ! Le mur interdit le passage, la frontière le régule, il faut donc connaître et reconnaître ses limites. Puis, par analogie, nous apprenions le plateau suisse, les grandes plaines, les contreforts des Alpes.
Le plan d’étude romand de nos écoliers d’aujourd’hui n’a que faire de la géographie physique qui sent bon la terre et l’eau des glaciers ; il a été concocté par des fonctionnaires universitaires très calés, mais ignorants des choses de la vie enfantine. Voyez plutôt ce qu’il propose :
- découvrir des cultures et des modes de pensée différents à travers l’espace et le temps ;
- identifier et analyser le système de relation qui unit chaque individu et chaque groupe social au monde et aux autres ;
- développer des compétences civiques et culturelles qui conduisent à exercer une citoyenneté active et responsable par la compréhension de la façon dont les sociétés se sont organisées et ont organisé leur espace, leur milieu, à différents moments.
Développer des compétences ! Identifier ! Le charabia pédagogo, la haute vacuité intellectuelle des HEP, en ligne directe ! Et toujours la même idéologie : l’humanitarisme pieux par l’éducation à la « citoyenneté ». Le culte des nouveaux moyens de communication, associé à la négation de la spécificité des disciplines enseignées, semble répondre à une attente des industriels qui ont bien compris que l’éducation est devenue un enjeu économique mondial. Mais c’est à une démission que l’on assiste : en même temps que la langue abandonnée au profit du traitement de textes, l’oubli géographique et historique de sa propre région se répand parce qu’il est programmé.
Mais n’est-il pas paradoxal de vouloir éduquer les jeunes élèves à la grammaire citoyenne en les privant de la grammaire littéraire ? A la connaissance de la Terre en les privant de la connaissance de leur terre ? A la sensibilité de l’histoire du monde en les amputant de l’histoire de leur pays ? Parce qu’en fait, « celui qui n’a point de veille, comment lui ferait-on un lendemain ? » (Péguy).
Jean Romain
ATTENTION: CORRIGE ET REMPLACE MON COMMENTAIRE DU 29.03.2013 à 23h43
Vos propos me touchent beaucoup et me rappellent André Guex, un professeur de littérature que j’ai la grande chance d’avoir eu au gymnase de la Cité à Lausanne, entre 1961 et 1963. Il nous a appris à penser, et à penser librement. Professeur de littérature, il nous a fait découvrir les classiques (Montaigne, Montesquieu, Voltaire, etc…) mais aussi et surtout il nous a fait découvrir la terre et l’eau de notre région, le Léman et le Valais. Et le hommes qui ont marqué cette terre. Sa bibliographie, les titres de ses livres, en témoignent.
Il me semble avoir précisément su pratiquer ce que vous proposez lorsque vous dites si bien : “… éduquer les jeunes élèves à la grammaire citoyenne en ne les privant pas de la grammaire littéraire ? A la connaissance de la Terre en ne les privant pas de la connaissance de leur terre ? A la sensibilité de l’histoire du monde en ne l’amputant de l’histoire de leur pays …”
http://www.rts.ch/archives/tv/culture/visiteurs-du-soir/3476800-les-vents-du-leman.html
http://www.plansfixes.ch/films/1021
Vos propos me touchent beaucoup et me rappellent André Guex, un professeur de littérature que j’ai eu la grande chance d’avoir eu au gymnase de la Cité à Lausanne, entre 1961 et 1963. Il nous a appris à penser, et à penser librement. Il s’appelait André Guex. Professeur de littérature, il nous a fait découvrir les classiques (Montaigne, Montesquieu, Voltaire, etc…) mais aussi et surtout il nous a fait découvrir la terre et l’eau de notre région, le Léman et le Valais. Et le hommes qui ont marqué cette terre. Sa bibliographie, les titres de ses livres, en témoignent.
Il me semble avoir précisément su pratiquer ce que vous proposez lorsque vous dites avec justesse : “… éduquer les jeunes élèves à la grammaire citoyenne en ne les privant pas de la grammaire littéraire ? A la connaissance de la Terre en ne les privant pas de la connaissance de leur terre ? A la sensibilité de l’histoire du monde en ne l’amputant de l’histoire de leur pays …”
http://www.rts.ch/archives/tv/culture/visiteurs-du-soir/3476800-les-vents-du-leman.html
http://www.plansfixes.ch/films/1021
Il est grand temps de réagir!
http://etsionenparlait.blog.tdg.ch/archive/2013/03/20/ou-sont-donc-passes-les-waldstatten.html
Et un excellent article de Denis de Meuron, dans Le Temps du 27 mars:
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/3e7a3664-965a-11e2-a1b5-7b37f0e470d0/Le_Plan_d%C3%A9tudes_romand_d%C3%A9nature_lenseignement_de_lhistoire
Votre article respire le bon sens. L’esprit des Anciens se dissipe avec l’enseignement, notamment de l’histoire. Mon petit-fils (qui est à l’EPFL) me disait récemment qu’il ne connaissait de l’histoire que de celle qui découle de la Révolution française. C’est le fruit de notre enseignement à Genève !!!