Elisabeth Lévy: « A quoi rime cette entreprise de purification éthique» ?

Mireille Vallette
journaliste

« La gauche contre le réel », ouvrage d’Elisabeth Lévy, a déjà fait l’objet d’une recension. Elle analyse avec un art de l’écriture et un humour consommés des problèmes graves du moment: les limitations à la liberté d’expression, l’étiquetage qui remplace le débat, l’irrépressible envie de la gauche de faire taire ceux qui remettent en question ses dogmes, la « politique de l’autisme » face au Front national. La journaliste anime aussi un site et un magazine papier, Causeur, indispensables nourritures des esprits libres.

Interview.

 

Quelles sont les réalités que la gauche nie?

D’abord, la gauche dont je parle n’est pas un camp politique, mais culturel, médiatique, ce sont les discours. Et il y a dans cette gauche-là de nombreuses personnes qui émargent à la droite. Le réel, ce sont des vérités, des faits tout simplement qui concernent la vie des gens et dont la gauche ne veut pas parler, car ça dérange ses convictions. Il s’agit aujourd’hui, dans des sociétés multiethniques, de tout ce qui a trait aux questions culturelles, identitaires, à la coexistence entre populations.

 

Un livre vous a traitée avec quelques autres -Zemmour, Rioufol, Ménard- de «nouvelle réactionnaire». Un article de Grazia qui s’intitulait «Faisons-les taire !» était illustré par vos photos en train de brûler. Et dans un Nouvel Observateur, vous êtes  qualifiée avec les mêmes et une brochette d’écrivains, de néo-fasciste. Pourquoi cet acharnement?

J’ai appelé le directeur du Nouvel Obs Laurent Joffrin et je lui ai demandé si l’année prochaine ce ne sera pas « néo-nazie ». Il ne pense pas que ça ira jusque là… Moi, j’en ai plutôt rigolé. La première fois que vous êtes dans une liste, vous vous dites mais qu’est-ce que j’ai fait pour en arriver là? A la dixième, ça n’a plus beaucoup d’impact. Pour l’acharnement, il faudrait demander à Joffrin à quoi rime cette entreprise de purification éthique. En fait, je pense que cette gauche ne sait plus où elle en est, ce genre d’opérations témoigne d’un désarroi idéologique.

Peut-être qu’elle a besoin d’ennemis. C’est ce qui s’est passé à grande échelle avec Le Pen. Je le dis tout de suite, je n’ai jamais voté pour Le Pen et je ne voterai pas pour Marine Le Pen. Mais ça n’en fait pas un diable pour autant. Le FN n’est pas un parti sympathique, mais il a servi d’épouvantail. La magnifique stratégie du « cordon sanitaire » -isoler le parti et ses électeurs- a surtout servi à le faire monter de 5 à 20% de l’électorat. Cette gauche avait besoin non d’un adversaire, mais d’un ennemi qui incarnait le Mal. Il ne s’agit pas de politique ou d’idées, mais de morale.

 

Pensez-vous que Marine Le Pen est raciste et d’extrême droite ?

Non. Certaines choses me déplaisent : ce qu’elle ne dit pas, son ton, ses partisans lorsqu’ils scandent « on est chez nous !». Mais son discours n’est pas raciste, il ne peut d’ailleurs plus l’être vu qu’elle veut le pouvoir. Je pense que l’identité de notre pays devrait être en permanence le fruit d’une négociation entre l’héritage et le sang neuf, comme elle l’a toujours été. Je n’aime pas les gens qui ont une conception ethnique de la France. La France est d’origine chrétienne et pour Marine Le Pen, seul cet héritage compte. Inversement, pour d’autres, il n’y a aucun héritage.

 

Le thème de la limitation de l’immigration a longtemps été l’exclusivité du FN...

Effectivement, et si on n’a pas pu parler pendant longtemps de ce sujet, c’est que le FN était raciste. Or, la critique de l’immigration doit se distinguer de façon extrêmement claire de la détestation des immigrés. C’est très important. Mais on fait ce genre de confusion, c’est d'ailleurs le cas de cet article sur les « néo-fascistes » où le journaliste confond critique de l’islam et haine des musulmans.

 

Pourquoi ne peut-on parler de tous les sujets ?

On peut, même les nouveaux réactionnaires peuvent parler ! Mais  peut-être est-ce plus compliqué dans les médias publics. Pour eux, il est tout à fait anormal que des gens qui ne pensent pas comme eux puissent s’exprimer. Quand « Les nouveaux réactionnaires » est sorti, ils s’étonnaient que les Rioufol, Lévy, etc. puissent s’exprimer. Ils s’étonnaient que 5 à 10 personnes s’expriment de temps à autre dans les médias, mais pas que tous les autres s’expriment tous les jours. Je suis sidérée de voir que la gauche a un problème avec le pluralisme. Je crois que ça vient du fait qu’elle se prend pour le Camps du bien. Si vous êtes le Bien, vous ne voulez pas donner asile au Mal. Ça me sidère… surtout quand c’est moi le Mal!

L’islam pose-t-il un problème spécifique ?

On me dit que la séparation du théologique et du politique est difficile dans l’islam. Je ne sais pas ce qu’il en est dans les textes, mais je constate que dans la réalité, quand la culture islamique est majoritaire, elle s’impose. En France et en Europe, toute l’histoire de l’immigration, ça a été l’arrivée de populations au début très fermées, qui cultivaient l’entre-soi. Et dans les générations qui suivaient, l’individu s’arrachait au groupe, le vent du large entrait dans ces communautés et elles se fondaient dans la société… En gardant bien sûr des liens communautaires. Or, ce que je constate, et d’autant plus que j’ai grandi à Epinay-sur-Seine où il y a avait déjà beaucoup de musulmans, c’est qu’entre les années 70 et maintenant, c’est le chemin inverse: le groupe a repris ses droits et les individus sont moins libres qu’ils ne l’étaient il y a 30 ans. Il y a un problème !

 

Ce débat aussi est difficile en France ?

Oui, et l’une des raisons, c’est que l’islam est la religion des damnés de la terre. Dans l’imaginaire, l’immigré sans papier qui est en général Maghrébin ou Africain subsaharien, a remplacé le prolétaire… qui en plus vote Le Pen et n’est donc plus présentable.

 

Les entraves mises à ce débat ne favorisent-elles pas le rejet des musulmans?

Evidemment. Quand vous interdisez une parole, elle revient sous une forme perverse ou névrotique. Quand la gauche refuse ces débats, je pense qu’elle est criminelle. Et je crois que ceux qu’on appelle les nouveaux réactionnaires n’attisent pas les peurs, mais au contraire calment ces gens en leur faisant entendre qu’ils peuvent ressentir un certain nombre de choses sans se sentir des salopards.

 

Vous racontez « Le crime de Monsieur Vanneste » dans votre livre. Ce député UMP a un jour affirmé que la déportation d’homosexuels de France lors de la seconde guerre mondiale était une légende. Le « braillomètre », comme Causeur appelle ces réactions, a atteint son maximum. Vanneste a été lynché par tout le corps médiatique et politique. Et soudain, on a découvert qu’il avait raison. Quel enseignement tirer de cet épisode ?

Faut être honnête, Christian Vanneste avait déjà un casier ! Il avait fait des déclarations telles que « l’homosexualité est socialement inférieure à l’hétérosexualité dès lors qu’elle ne contribue pas à la survie de l’humanité». Il y a des choses qu’un député ne doit pas dire, je n’en fais pas un plat. Mais ce jour-là, la guerre mondiale éclate ! Des bataillons d’indignés défilent sur les radios et TV d’infos, Coppé grimpe aux rideaux, l’UMP lâche à peu près tout de suite le coupable… Jusqu’à ce qu’un site, Nouvelles de France, interviewe Serge Klarsfeld qui confirme ce qu’a dit Vanneste.
La déportation est bien une légende. Or, elle a été reconnue au plus haut niveau. En 2005, Chirac a mis une petite phrase dans son discours sur la rafle du Vel d’Hiv. Le poids que peuvent avoir des associations est sidérant : elles ont réussi à faire reconnaître un mensonge comme une vérité historique. Elles se sont bagarrées pour faire reconnaître un statut de victime, j’ai même vu le mot de « génocide ».

 

Il n’a pas bénéficié de beaucoup d’excuses…

Il a même été viré de l’UMP ! Quant à la légèreté et au conformisme des médias, ils sont assez incroyables. Que personne n’ait pris le téléphone pour demander la vérité à un historien… Mais en fait, la vérité n’intéressait personne.

 

Ça ne vous atteint pas toutes ces remarques insultantes, dont les pires sont sur internet? Je ne vais pas les consulter. Un mec voulait faire une étude sur mon image sur internet. Non ! Je ne vais pas passer mon temps à passer le balai pour nettoyer ces égouts. Ce ne sont pas les critiques qui m’atteignent, ce qui m’agace prodigieusement, c’est la mauvaise foi. Ce que j’exprime est tout à fait critiquable, mais j’aimerais qu’on critique ce que je dis ou ce que j’écris, et pas des choses fantasmatiques que je ne dis pas, que je n’écris pas et que je ne pense pas. Ça m’énerve. Je hais la malhonnêteté !

 

2 commentaires

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    Il faut insister, en effet , sur la mécanique de Tonton,piège dans lequel la droite s’est enferrée, couper de cette droite une droite extrême qu’il suffira de vilipender à tout va ( comme l’a fait le PS, pour tout et pour rien, sous Sarkozy) pour non seulement disqualifier une partie de cet électorat, bien français tout de même, et donc en toute conscience Français contre Français, ( rassembler façon Hollande) pour couper les ailes à une droite qui est HISTORIQUEMENT majoritaires en France. Evidemment Madame Elisabeth Lévy dit ce que la gôche ne supporte pas d’entendre, ni d’apprendre et encore moins de comprendre: Bravo madame!

  2. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Merci Elisabeth,

    Vos photos, en train de brûler, évoquent des événements de sinistre mémoire. Que “La dernière croisade” évoque de manière réaliste. Vous êtes qualifiée de “néo fasciste”! Donc le fascisme ne se caractérise pas par l’autodafé. Puisque l’antiraciste le réserve au néo fasciste. Ces gens, de Grazia et d’ailleurs, me renvoient à un dénominateur comun incontournable: l’Homme! Autrement dit “moi”! Disant “homme” je pense à humanité. Donc à vous et moi. Au sens où “mâle et femelle il créa lui”, eux.
    Réactionnaire, fut-il nouveau, renvoie au langage soviétique. Déviationniste… Par exemple. Notre commune humanité recèle pourtant des différences. La gauche et la droite par exemple. Pourquoi donc “être à la droite du Père” signalé un avantage? Mais je m’égare.
    Monsieur Joffrin ne “pense pas” qu’on ira jusqu’à vous qualifier de néo nazie. Ce qui signifie qu’il n’en pense pas moins et que c’est fort possible.
    Le contexte actuel me renvoie en droite ligne au livre de Jean Raspail. “Le camp des saints”! Livre dont, après trois lecture et vous avoir lue, je viens enfin de comprendre le sens du titre!

Et vous, qu'en pensez vous ?

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