Combat de titans

Bruno Bertez
Bruno Bertez
Analyste financier anc. propriétaire Agefi France

Le courrier de Taylor, patron de Titan, est un scandale, au sens propre : il fait trébucher le ministre.
Il faut lire ce courrier. C’est une mise au point claire et nette de ce qu’est le business et de ce qu’est la compétitivité. Pas de fioritures, pas de tournures alambiquées, du direct et du pratique.
On parle de la durée du travail, on parle de l’esprit au travail, bref, on parle du travail concret, pas du travail abstrait. De ce travail concret qui fait qu’on est productif ou qu’on ne l’est pas.

Combat de Titan au singulier car nous sommes loin de combats de titans au pluriel, Montebourg est tout, sauf un titan. Dans notre présent commentaire, nous ne chargerons, ni la France, ni Montebourg, car nous ressentons une certaine humiliation à être ainsi traités publiquement sur la scène internationale. La France se fait ridiculiser, montrer du doigt. Face à un courrier clair, net et sans appel, la réponse alambiquée, inadaptée du ministre, montre l’écart de culture qu’il y a entre le monde des affaires internationales et le monde de la politique français. On touche du doigt de façon très douloureuse d’ailleurs à quel point la France est, excusez l’expression vulgaire « à côté de la plaque ».

Nous n’apprécions absolument pas l’attaque en règle de Taylor, le patron de Titan. Mais  nous sommes obligés de reconnaitre qu’il vise juste, qu’il fait mal et que les citoyens français n’ont qu’une chose à faire, mis à part le cocorico du type Montebourg, c’est baisser la tête.

Nous n’apprécions pas le bonnet d’âne que Taylor met sur la tête des Français, mais ce n’est pas pour cela  que nous critiquons son initiative. Amoureux de la vérité,  nous sommes, à la réflexion, contents qu’il ait osé poser ces problèmes publiquement, qu’il ait osé interpeller la France et ainsi forcer à débat.

Le courrier de Taylor, patron de Titan, est un scandale, au sens propre : il fait trébucher le ministre.

Il faut lire ce courrier. C’est une mise au point claire et nette de ce qu’est le business et de ce qu’est la compétitivité. Pas de fioritures, pas de tournures alambiquées, du direct et du pratique.

On parle de la durée du travail, on parle de l’esprit au travail, bref, on parle du travail concret, pas du travail abstrait. De ce travail concret qui fait qu’on est productif ou qu’on ne l’est pas.

On parle des salaires, on met les pieds dans le plat, ce qu’évidemment les politiciens français refusent de faire et on souligne l’écart de salaires considérable qui existe entre les pays encore développés, comme la France,  et ceux qui sont en train de les dépasser, la Chine et l’Inde.

Rien que pour cela, le patron de Titan devrait être félicité, car ce sont des réalités que l’on masque. Pourquoi les masque-t-on ? Parce qu’on fait l’hypocrite, on refuse de contester les choix fondamentaux qui sont fait en faveur de la globalisation et du libre-échange. Tout comme on refuse d’ouvrir les yeux, par exemple, sur l’imbécilité de l’euro pour tous.

Toute personne qui écrit, expose et dévoile la vérité sur ces sujets fait œuvre utile.

Taylor ne fait pas de sentiment, ce qui contraste singulièrement avec la réponse philosophico-larmoyante de Montebourg. Ce n’est pas avec des bons sentiments qu’on fait du business, mais avec de la bonne méthode et de la bonne rigueur. Avec les bons sentiments, on ferme boutique.

Taylor est tellement clair, tellement peu politique et tellement peu diplomate qu’il dit crûment ce qu’il en est de la réalité : le business a le choix. La globalisation, la libre circulation des marchandises nous donnent la possibilité, si nous le voulons, d’aller nous installer ailleurs,  là où on est « business friendly », là où on est compétitifs. C’est du cynisme, c’est évident, mais il faut oser le dire.

Nous apprécions également le courage d’un patron qui remet un politicien à sa place. En France, la politique est au-dessus de l’économie, au-dessus de la production, au-dessus de la logique et on le voit encore avec Ségolène Royal, au-dessus de la morale. Les politiciens ont tous les droits.

Le patron français n’est ni fier, ni légitime, il tend la main et baisse la tête devant les politiciens, culpabilisé par des dizaines d’années de lutte des classes, terrorisé par les syndicats et les impôts. Le patron français a peur du fisc et du chantage implicite du fisc français. Il s’incline, tend humblement la main, penche légèrement la tête de côté, comme pour implorer pitié.

Taylor, lui, sûr de son bon droit, fier de ce qu’il fait, dit ce qu’il a envie de dire et il le dit publiquement.  Les tentatives d’insinuation alambiquée de menaces du ministre ne sont pas à la hauteur, ne sont pas au niveau auquel se situe l’affrontement.

Il est évident que dans le cas de Mittal et d’Arcelor, il y a eu un affrontement de ce genre, mais Mittal, très endetté, en fait,  n’est pas patron chez lui. Mittal n’avait pas la liberté de parole du patron de Titan. Par ailleurs, l’efficacité de la gestion des deux PDG est radicalement différente. Avec Mittal, on s’est enfoncé dans le capitalisme honteux, mou et critiquable. Avec Titan, on revient là où se situait auparavant l’aventure industrielle, on revient dans le provocateur, si ce n’est dans l’héroïque.

Dans la réponse du ministre, il y a quelque chose qui fait bondir, indépendamment de la philosophie et de l’esprit qui l’anime. Et c’est ce quelque chose qui nous a conduits, en fait, à écrire.

Honteux de la leçon reçue, nous avions plutôt comme première réaction d’ignorer le courrier de Taylor. Mais la réponse de Montebourg, dans son allusion à Michelin, nous a montré qu’il fallait quand même dire quelques mots.

Le ministre, et c’est extraordinaire, met en avant un des fleurons de l’industrie française, Michelin. Dieu que cela fait plaisir à voir alors qu’on a craché sur Michelin pendant des décennies. Tout le monde sait que Michelin est une entreprise conservatrice, les socialistes disent en privé que c’est une entreprise réactionnaire.

 

Ce n’est pas un hasard si Michelin est très proche politiquement de la vraie droite, pas de la fausse droite bien sûr.  Michelin s’est toujours opposé à la syndicalisation. Michelin, encore maintenant, c’est un modèle paternaliste. Comme l’était Peugeot, d’ailleurs, avant sa chute. Peugeot a d’ailleurs très bien tenu tant qu’il était paternaliste ; dès qu’il a accepté la syndicalisation CFDT, ce fut la fin.

 

Michelin l’entreprise, Michelin la famille, c’est tout ce que haïssent les François Hollande de France. Ce sont des riches. C’est une dynastie. Rien de ce que représente Michelin ne peut convenir aux socialistes. Au contraire, c’est l’ennemi désigné. Mais il y a plus. Si Michelin a traversé les années, c’est tout simplement parce que la détention capitalistique a toujours été protégée. Protégée de la rapacité confiscatoire du fisc par des organigrammes de sociétés adaptés et par une détention ultime hors de portée de l’envie et de l’avidité des pouvoirs politiques.

 

Michelin, c’est en outre un groupe qui a réussi et tient une place mondiale parce qu’il n’a pas cédé, il a tenu tête, il a délocalisé quand il le fallait. Il est dérisoire pour un ministre socialiste de s’abriter derrière Michelin, quasi ennemi public numéro 1 et de vanter sa prospérité alors que si Michelin était resté fabricant de pneus français, il y a longtemps qu’il aurait disparu. Si Michelin s’était socialisé, il n’y aurait plus de Michelin. C’est l’international et la délocalisation qui ont permis à Michelin d’être ce qu’il est encore maintenant : un leader mondial.

 

 

 

3 commentaires

  1. Posté par Jan Marejko le

    Bruno Bertez se place uniquement sur le plan de la rationalité économique et, sur ce plan, il a évidemment raison. Le problème est que cette rationalité n’est convaincante qu’à condition de prendre d’autres éléments en considération. Alors, et seulement alors, on développe un propos crédible sur les problèmes économiques. Ce n’est malheureusement pas le cas dans cet article.

  2. Posté par Le pragmatique le

    Magnifique, tout a été dit sur la puanteur socialiste qui sappe net l’esprit d’entreprise.

    Ça fait désormais partie des petits plaisirs de la vie quand l’arrogant Montebourg se fait bousculer grave.

    Hormis comptabiliser les fermetures d’entreprises que fait le Ministre du redressement productif ?

  3. Posté par François Henri Jolivet le

    Actionnaire de CALIDA notre fabriquant national de « petites culottes » avait acheté la marque française Aubade. Après quelques petites péripéties avec les ouvrières cornaquées par les syndicats les fabriques furent fermées et la production délocalisée en Tunisie pour le plus grand bien de la société même si les résultats financiers laissent à désirer ces dernières années.
    Taylor a absolument raison de dénoncer les ouvriers et les syndicats français. N’oublions pas que le gouvernement actuel verse plus de 1 million d’euros aux syndicats afin de mieux les diriger dans le sens de l’histoire de la gauche.
    Chaque jour la tv hexagonale nous montre des ouvriers hurlant contre le capital et ses détenteurs oubliant au passage que l’état est parfois actionnaire de leur entreprise.
    Aujourd’hui la France est un de nos ennemis financiers. C’est une des raisons pour lesquelles les ennuis de ce pays me laisse de marbre.

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