La presse turque se fait l’écho d’une étrange déclaration. De toute évidence la version des faits varie de la Suisse à la Turquie.
Jamais caillou n'aura tant fait parler de lui depuis l'aventure jurassienne de la pierre d'Unspunnen. Nombreux sont nos confrères prêts à tout pour acquérir la fameuse photo et apporter la réponse tant attendue au feuilleton de l'été: Christian Varone sera-t-il Conseiller d'Etat ?
La communication de Christian Varone a été intentionnellement vague, laissant planer le doute sur l'auteur réel de l'acte (« Je suis père de famille... »), la nature, marbre ou pas, et la taille de la pierre, qui passe de 10 cm à 20 admis aujourd'hui, sans parler de l'« enfer » qu'il prétend, par camarade PLR interposé, avoir vécu, dans la droite ligne du souvenir populaire de Midnight express. Pour le reste, dignité raide de circonstance et propos constamment mesuré, sans rire, Christian Varone ne veut pas « que cette affaire soit montée en épingle pour nuire aux relations entre les deux pays »; le sort du monde libre est entre ses mains.
Caillou ?
Dans les faits, il semble communément admis que la pierre en question soit un élément de colonne romaine, blanc, ouvragé, provenant du site archéologique de Sidé. Le caractère marmoréen a toutefois été contesté, en début d'affaire, par un journal turc s'appuyant sur des déclarations de la sécurité d'Antalya.
La question de la taille n'est pas la même, elle a doublé en quelques jours, nous l'avons vu, une publication parle même de 25 centimètres de diamètre, ce qui pourrait avoir des conséquences quant au volume de la pierre.
Enfin, détail peu souvent exprimé, la pierre a été détectée aux rayons X. C'est cette détection qui a été à l'origine de la fouille du sac de Christian Varone. Nulle part il semble précisé que le sac ait appartenu à un membre de sa famille. Sans doute les autorités turques eussent-elles réagi différemment en cas de responsabilité d'un mineur. L'inconnue est totale.
Une étrange déclaration
De toute évidence, le Ministère public d'Antalya n'a pas l'air commode, et la même ignorance de détails semble régner entre médias suisses et turcs.
En revanche, la relation d'une déclaration de l'intéressé, lors de son entrevue avec le procureur, jette une lumière nouvelle sur les dispositions d'esprit de ce Père La Morale et la dignité grave dans laquelle il se veut dûment drapé.
Selon CNN Türk (1), sous réserve de pleine compréhension et de correcte traduction, le commandant de la police valaisanne aurait déclaré: « Dans les musées en plein air de notre pays, il est permis de prendre de petites pierre sans encourir la moindre sanction. Lors d'une visite à la ville antique de Sidé, j'ai trouvé une très jolie pierre blanche d'une taille de 15 à 20 centimètres. Je voulais la ramener dans mon pays comme souvenir de la Turquie » (2).
Dura lex...
La révérente gravité affichée en Suisse semble le disputer ici à une certaine nonchalance, qui prétend trouver une justification dans une application moins stricte du droit en Suisse. Or, et c'est là que ça devient amusant, Christian Varone, qui reconnaît lui-même que la mention de sa profession a contribué à établir une relation de confiance avec son juge, semble avoir profité de sa situation pour entourlouper ses interlocuteurs.
En effet, si, comme tout bon commandant de police, M. Varone était au fait des lois qu'il est censé appliquer, il n'aurait pas ignoré que, selon l'art. 724 du Code civil, « les curiosités naturelles (un joli caillou par exemple, ndlr) et les antiquités qui n’appartiennent à personne et qui offrent un intérêt scientifique sont la propriété du canton sur le territoire duquel elles ont été trouvées » et que celles-ci « ne peuvent être aliénées sans l’autorisation des autorités cantonales compétentes. Elles ne peuvent faire l’objet d’une prescription acquisitive ni être acquise de bonne foi »; exit, par conséquent, la prétention de bonne foi que revendique le fauteur sur les ondes de la RTS.
La justice suisse est sans pitié pour les pilleurs de tombes, l'art. 24 de la Loi fédérale sur le transfert international des biens culturels promet un an d'emprisonnement et jusqu'à 100'000 francs d'amende à quiconque « importe, vend, distribue, procure, acquiert ou exporte des biens culturels volés ou dont le propriétaire s’est trouvé dessaisi sans sa volonté », le vol comprenant la spoliation de la propriété de l'Etat, comme l'entend la lit. b: « [quiconque] - s’approprie le produit de fouilles au sens de l’art. 724 du code civil ».
Last but least, le simple fait d'importer en Suisse sa fameuse pierre blanche eût valu à Christian Varone d'être condamné au tarif précité. En effet, « quiconque importe illicitement des biens culturels ou fait une déclaration incorrecte lors de l’importation ou du transit de ces biens » est passible des foudres de l'administration fédérale.
Moralité, encabanons M. Varone en Suisse, gageons que le voisinage carcéral qu'il y trouvera ne le dépaysera guère de sa première expérience.
(1) A noter que la vidéo de l'arrestation n'est plus en ligne.
(2) « Bizim ülkemizde açık hava müzelerinden küçük taşlar almak serbesttir ve cezası yoktur. Side Antik Kenti'nde gezerken 15- 20 santim boyutlarında bir taş buldum. Taş beyaz ve çok hoştu. Ülkeme Türkiye'den bir hatıra olarak götürmek istedim ».
Qui n’a pas chippoter un petit cadeau du pays visiter. Je pense que la Turquie en fait trop,il y a des problemes plus graves dans le monde pour chicaner sur un caillou sans valeur,Ce n’est pas une statue et prise dans un musé.STOP
Au fil des jours le petit caillou du Poucet Varone devient fragment de colonette, puis chapiteau corinthien et on apprendra encore bien plus tard qu’il s’agit en réalité d’un vestige importantissime, recherché par tous les archéologues turcs et du monde: le chaînon manquant de l’histoire et de la civilisation turque; il me semble tout de même que là on “en fait des tonnes…”
Ah! Là Là! Vous n’allez pas commencer à vous tirer dans les pattes entre Valaisans!
Il serait sûrement intéressant – mais pas indispensable – que la lumière soit faite sur ce fait divers, monté en épingle eu égard à la personnalité – bien sympathique d’ailleurs de M.Varone. On s’apercevra sans doute qu’il y eu maladresse, peut être nonchalance puis emberlificotement lorsqu’il a fallu donner des explications aux douaniers turques. Nous avons tous en tête “Midnight Express” et même si la Turquie avait à l’époque repris le code civil suisse, et que c’est un pays fort civilisé, personne n’aimerait se faire interpeller par un policier turque, même pas pour une contravention de parking. Et si seulement les policiers suisses inspiraient une pareille crainte, nous serions peut être un peu plus en sécurité…
un caillou de 20 cm.. ça me semble drôlement grand en sachant que c’est 20 kg max de bagages… Je pense plutôt qu’il a été pris de court que probablement son enfant a du mettre ce caillou dans la valise et qu’il a tout pris sur lui d’où les contradictions.. ce que n’importe quel père aurait fait.. il a eu de la chance d’être une autorité dans notre pays….
Votre article est pertinent, car un diamant est aussi un caillou. Ce moralisateur emploie les mêmes arguments que les petits délinquants qu’ils arrêtent. D’abord il savait pas, ensuite le “caillou” était sale (un beau caillou sale!), j’espère quand même qu’avant de le mettre dans sa valise au milieu des habits il l’aura nettoyé son caillou et comme par enchantement celui-ci est devenu une pièce archéologique. Finalement qu’il devienne conseiller d’état car il parle le même language qu’eux.