AH LES CONS !

Fabio Rafael Fiallo
Fabio Rafael Fiallo
Economiste et écrivain

Des propos semblables peuvent aujourd’hui être proférés à l’égard des organisations de gauche, y compris des organisations syndicales, qui, après s’être ralliées avec espoir et dévouement à la candidature de François Hollande, observent impuissantes combien leur candidat donne l’impression de les avoir flouées.

Munich 1938 demeure une référence historique en matière d’abdication et de fourvoiement. Et c’est justement parce que ce Munich marqua à jamais les esprits en tant qu’exercice d’abdication, que cinq décennies plus tard, pour dénoncer ce qu’il jugeait comme une intolérable absence de priorité donnée à la lutte contre le chômage, Philippe Séguin parla d’un « Munich social ».

Aujourd’hui il y a matière à dresser un autre parallèle avec Munich, cette fois-ci dans le domaine du fourvoiement. Mais avant de poursuivre, il convient de rappeler la fameuse anecdote à propos du chef du gouvernement français de l’époque, Edouard Daladier, lors de son retour à Paris.

« Ah les cons ! »

Lorsque l’avion se pose sur l’aéroport du Bourget, Daladier regarde la foule amassée pour l’accueillir, il prend peur, craignant des actes de violence physique contre lui pour avoir montré tant de compromission avec le nazisme.

Quelle ne fut pas sa surprise, à sa sortie de l’avion, de voir la foule l’accueillir non pas avec des hués, mais avec des applaudissements. Daladier ne put alors se retenir, exclamant son célèbre « Ah les cons ! ».

Des propos semblables peuvent aujourd’hui être proférés à l’égard des organisations de gauche, y compris des organisations syndicales, qui, après s’être ralliées avec espoir et dévouement à la candidature de François Hollande, observent impuissantes combien leur candidat donne l’impression de les avoir flouées.

Promesses de campagne

A commencer par la hausse du Smic, promesse symbolique de la campagne de Hollande. La montagne qui accouche d’une souris. Ou plutôt d’une fourmi. Car, quelque vingt euros par mois d’augmentation, le prix de quelques tasses de café, c’est s’être moqué du monde.

Il y aussi la question de la stabilisation des effectifs de la fonction publique. Qui allait dire aux syndicats qui s’étaient battus contre le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, règle établie par le précédent président français, que François Hollande, celui dont la victoire électorale doit tant à ces syndicats, allait durcir la règle dans toute l’administration à l’exception de trois ministères, l’appliquant désormais à deux départs sur trois ?

Abdication

Quant au pacte budgétaire européen visant à parvenir à l’équilibre des comptes publics dans les pays de l’Union, pacte dénoncé par François Hollande pendant la campagne électorale, ce n’est un secret pour personne qu’il s’apprête à le signer dans les jours ou les semaines à venir. Non pas de plein gré, mais de peur de voir, dans le cas contraire, les marchés augmenter les taux d’intérêt appliqués aux obligations de l’Etat français.

Cerise sur le gâteau, l’accord intervenu à Bruxelles dans la nuit du 28 au 29 juin entre Angela Merkel, François Hollande, Mario Monti et Mariano Rajoy. Accord présenté par plus d’un commentateur de l’Hexagone comme une victoire diplomatique et politique du nouveau président français puisque, nous dit-on, on a enfin ajouté grâce à Hollande un pacte de croissance au pacte budgétaire.

 « Hopeful or hopeless »

Sauf que, il suffit de lire dans la revue The Economist un article titré « Hopeful or hopeless », daté du 28 janvier courant, donc bien avant le début du quinquennat de Hollande, où l’on se réfère à l’importance accordée à la croissance dans la préparation d’un sommet européen qui se sera tenu deux jours plus tard.

Autrement dit, les dirigeants européens n’avaient pas attendu l’élection de François Hollande pour mettre la croissance au cœur de leurs travaux.

D’après le même article, bien que tous les dirigeants aient alors convenu de promouvoir la croissance, chacun y allait de sa petite musique quant à la façon dont il faudrait agir. Avec le texte sur la croissance adopté le 29 juin, y a-t-il quelque chose de changé à propos des ambigüités à ce sujet ? Evidemment que non.

Obligé de signer

Ce qui a par contre changé, c’est que François Hollande a dû remettre dans sa poche sa proposition de création d’euro obligations, car Angela Merkel y a porté un refus catégorique. Ce qui a changé aussi, c’est que François Hollande s’apprête à signer le pacte budgétaire, celui-là même qu’il avait tant exécré du temps de la campagne électorale.

S’il y a des gagnants concrets dans le sommet de Bruxelles, ce sont plutôt l’Italie et l’Espagne, qui ont fait le forcing, avec succès, pour que leurs banques puissent être recapitalisées par des fonds européens directement, c’est-à-dire sans accroître la dette souveraine de ces pays. Quant aux Allemands, ils y ont obtenu le droit de regard sur les budgets nationaux et sur les banques du continent ; une véritable avancée pour Mme Merkel.

Rien d’étonnant que le désarroi et la frustration commencent à se faire sentir, et à s’exprimer, dans les rangs des mouvements politiques et des organisations syndicales qui ont contribué activement à la victoire électorale de François Hollande. Tout ce beau monde ne peut que s’en prendre à lui-même pour avoir fait preuve de tant de naïveté.

2 commentaires

  1. Posté par Laurent piquet le

    Et oui … François Hollande et son électorat …
    Apprenez … Que tout flatteur … Vit aux dépends de celui qui écoute

  2. Posté par Antonio Giovanni le

    C’est bien l’impression qui reste : depuis des années, partout et en Suisse, les syndicats font du surplace: peu d’avancées et beaucoup de communication; je constate qu’en France ils ont été incapables, par volonté ou incompétence, de freiner les “délocalisations” ou d’empêcher les licenciements “boursiers”. Leurs défilés et leurs agitateurs n’ont réussi qu’à immobiliser le pays, détériorer les relations sociales en trompant leurs adhérents (un petit 8% des actifs) sur toute la ligne. Qu’en soutenant Hollande ils se soient trompés une nouvelle fois est dans l’ordre des choses, encore qu’on ignore sur quelles bases de promesses ils l’ont soutenu,”..les promesses électorales ne trompent que…”, puisqu’on savait qu’aucune n’était politiquement “tenable”. Ils verront bientôt qu’ils se sont fourvoyés, et Hollande avec eux, selon le proverbe chinois:”C’est au pied du mur qu’on voit le mur”

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