Republié à l’occasion du Forum Mondial de la langue française, Québec, 2-6.07.2012
La francophonie constitue en premier lieu un phénomène politique. La langue française n’a plus le même prestige et le même pouvoir de référence qu’il y a quelques décennies, et cela au profit de l’anglais. La question des rapports entre les langues est fondamentale : rapports de collaboration ou de domination ? Par son extraordinaire développement, suite à la mondialisation, l’anglais est devenu, qu’on le veuille ou non, une langue largement dominante. Quelle réaction avoir face à une telle situation ? Se laisser envahir sans réagir, ou dénoncer cet impérialisme, ou encore développer le bilinguisme, apprendre à mieux utiliser les différentes langues en fonction des différents domaines de la vie quotidienne ? Le français est-il appelé à devenir la langue de l’intimité, et l’anglais celle des affaires économiques et des échanges internationaux, bref celle des domaines les plus vitaux ?
A de telles questions, il doit y avoir des réponses plus nuancées et fructueuses qu'une simple réaction idéologique ou une pure attitude défensive, défaitiste, qui conduit à l’impuissance résignée. Le problème essentiel n’est pas de lutter de manière bornée et haineuse contre l’anglais mais de travailler à cultiver, développer et renforcer le français, tout en apprenant d’autres langues, anglais compris. Ce sont les unilingues qui vont devenir l’exception tant le multilinguisme est déjà la réalité linguistique la plus répandue dans le monde. Rester unilingue deviendra une nouvelle forme d’analphabétisme. Mais travailler au multilinguisme deviendrait appauvrissant si cela se faisait en laissant s’effriter la langue la mieux maîtrisée (terme plus adéquat que celui de langue maternelle). Une langue qui s’affaiblit, indépendamment de son aire de diffusion, c’est l’identité, dimension fondamentale liée à la langue, qui s’effiloche et peut créer de graves traumatismes. La langue est un phénomène social total, à la fois linguistique, social, économique, politique, identitaire et culturel. La langue française n’est pas une mais diverse. Nombreuses sont en effet les variétés qui ont l’impression de n’être considérées que comme des forces d’appoint et non comme ayant leurs propres spécificités et richesses, dignes d’être valorisées en tant que telles. C’est le cas de nombre d’écrivains francophones éloignés géographiquement du Centre qu’est Paris et la France, et dont la variété déjà ancienne est devenue leur principale langue et donc l’élément majeur de leur identité. Ils ne veulent pas vivre leur identité par procuration. Ils ont créé leur langue et leur identité, avec leurs spécificités et veulent être considérés comme tels.
Le français doit être défendu comme un tout et de manière générale, mais toujours en tenant compte des spécificités irréductibles de toutes ses variétés.
Les diversités et les minorités doivent être complémentaires et non contradictoires. Le défi: passer d’un mode de pensée binaire à des formes de pensées plus complexes, ouvertes et décentrées. Consulter, faire participer, communiquer et pas seulement informer, doivent devenir des pratiques courantes.
Etre démocrate aujourd’hui c’est croire en la force de la discussion et de l’argumentation généralisées pour répondre aux problèmes les plus brûlants de nos sociétés, et dont fait partie la défense de la langue française.
Les langues sont aussi une cause à défendre
Depuis quelques décennies, les thèmes politiques les plus divers font l'objet de mouvements sociaux et de mobilisations collectives importants: l'écologie, les animaux, la qualité de la vie urbaine, l'égalité des sexes, la pédophilie, la pornographie, la violence, l'insécurité, l'immigration, le droit d’asile, le racisme, etc. Mais les langues, en l'occurrence la langue française, ne sont encore qu'exceptionnellement considérées comme une cause nécessitant un engagement politique majeur et la mobilisation de l'ensemble des populations concernées. Lorsqu'on parle du français, c'est souvent pour déplorer le soin insuffisant dont il fait l'objet. Le souci de la langue ne doit pas être seulement celui d'une élite, considérée souvent comme puriste, voire intégriste.
On le sait, le français n'a plus le même prestige et la même force d'attraction. D’autre part, le français doit signifier un certain nombre de valeurs à portée universelle et qui devraient être perçues comme indissociables de cette langue. Cette image devrait être transmise et perçue comme telle au niveau international chaque fois qu'une occasion d'envergure se présente, où que ce soit dans le monde et quel que soit le problème évoqué. Il s'agit d'œuvrer à une nouvelle aura positive, attrayante au niveau mondial, et d’éviter ainsi de laisser s’installer l’image d’une langue déprimée, image qui peut facilement contaminer les gens qui la parlent.
Le français représente encore un immense espoir pour de nombreuses populations: des milliers d'enseignants dispensent des cours dans plusieurs continents, un énorme travail d'alphabétisation, d’éducation, d’information et de communication se fait en français. Des valeurs comme le pluralisme, la diversité, la démocratie, la participation, la liberté en général et de la presse en particulier, etc., doivent lui rester attachées. Il faut un engagement total, constant et de tous, et des moyens financiers dignes. Nos contributions financières sont ridicules comparées aux milliers de centres de langue que créent partout dans le monde certaines nouvelles grandes puissances qui, elles, ont compris le rôle capital de la langue. Le français devrait être systématiquement présent dans la promotion internationale de la liberté, des droits de l'homme, de la paix, de l'éducation, de la solidarité, de la coopération, du développement, du développement durable, etc. Vouloir être associé à de telles valeurs ne signifie pas que la Francophonie n'a pas à évoluer, notamment dans la conception de ce que veulent être aujourd'hui les diversités, les minorités ou encore dans le passage nécessaire du monolinguisme au plurilinguisme, dans le fait que la pratique complémentaire d'une autre langue, même celle d'un voisin peu apprécié, sert parfois mieux sa propre langue que la défense exclusive et bornée de cette dernière. C'est cette dynamique que doivent développer ceux qui parlent le français.
Il est bien des façons de défendre et d’illustrer la langue française comme Dubellay ou Rivarol; il en est une comme celle de Hagège ” Contre la pensée unique” qui est un pamphlet haineux à l’égard du monde anglo-saxon qui, paraît-il, veut nous annihiler avec notre culture; et au prétexte que le français se meurt dans le monde, il faudrait lever un croisade contre la diffusion de l’anglais où qu’on soit; Il oublie que la francophonie n’a été inventée que pour asseoir la politique africaine de la France par d’autres moyens à coup de subventions, en somme le côté honorable de sa diplomatie africaine et non pas pour maintenir le niveau de cette langue; en effet, si l’on compare ne serait-ce que la langue de de Gaulle et de ses ministres à celle de Mittérrand et des siens, il y a un monde et des années-lumières; qu’on ne me dise pas que ces derniers défendaient le “beau langage françois”; ils ont introduit à l’époque nombre d’expressions anglo-françaises reprise par les journalistes et des chevilles de langage qui dénotaient la connivence entre compères de gauche; ces formules au pochoir sont restées comme la marque d’un système de communication typique et personne dans les médias ne le combat, bien au contraire on en use pour dire en somme “..nous sommes des vôtres..”; le beau langage n’est plus compris en France aujourd’hui…
Cher Martin Leu, pourquoi défendre le français? Ne suffit-il pas de l’embrasser, de le chérir, de s’en servir et de le servir! La langue maternelle est celle qu’on entend, bien avant de la comprendre, dans le sein de la mère ou s’effectue notre gestation! Apprendre la langue de l’autre, dans une démarche qui peut être passionnée, implique de connaître sa langue maternelle. En apprécier les nuances. Je ne suis pas d’accord avec vous en ce qui concerne la censure des fautes d’orthographe, qui ne sont parfois que des fautes d’orthographe. Pourquoi me pas faire preuve de bienveillance en corrigeant. Et même en reformulant des commentaires mal exprimés? Ou outrageants, pour en faire percevoir le caractère à celui qui les a écrits, sans nier la pertinence de ce qui les a inspirés. D’autre part la langue est un véhicule, un moyen de relation. Qui donc dépend de JE! De celui qui parle. Ce à quoi il faut ajouter le lieu d’où l’on parle! D’en haut, d’en bas, d’à côté ou d’ailleurs! Ce sera tout.
Rude tâche, la défense du français… Il suffit de lire les commentaires qui suivent les articles sur les sites des quotidiens romands, Le Temps excepté, pour voir que le mépris du français est galopant! Et si on fait une remarque à ce sujet, on se fait aussitôt incendier par les analphabètes. Une première démarche dans la défense du français serait, pour les éditeurs, d’interdire la publications des commentaires mal rédigés ou comportant plus de 4 fautes d’orthographe. Evidemment, il n’y aurait plus beaucoup de «commentateurs»… Et quand je vois les dictionnaires finir par consacrer le mauvais usage des mots, je me dis que la bataille est déjà perdue!
La raison primordiale pour laquelle il faut se battre pour sauvegarder le français, sa richesse, ses nuances… mais aussi précision, tient dans le fait que la langue est le seul véhicule des échanges et de la pensée. Pour transmettre le savoir, développer des idées, discuter, mais aussi apprendre et comprendre, il faut disposer d’un “outil” performant et commun. Pour tous les gens vivant en “francophonie”, l’apprentissage, l’usage et la sauvegarde du français est une obligation essentielle aussi pour les générations futures.
On ne communiquera pas d’une façon intelligible par onomatopées, abréviations et autre charabia à la mode dont plus personne ne saisit le sens exact et qui diparait soudainement au profit d’un autre dialecte “djeun’s” qui subira inévitablement le même sort. Bien sûr, la langue peut et doit évoluer, mais sur des bases qui auraient un fondement étymologique “convenable” et une espérance de vie dépassant la mode passagère.
Pour nous romands, le français est une langue étrangère qui est venue supplanter nos dialectes (patois) franco-provençaux, sauf dans de trop rares endroit comme le Val d’Hérens, et Évolène en particulier, et également dans nos soit-disant provincialismes qui se retrouvent dans toute l’aire franco-provençale. Il n’est donc pas la langue de notre cœur et de notre culture et nous n’avons pas d’intérêt particulier à le défendre contre une autre langue envahissante.