La Suisse est aujourd’hui bien mieux armée que la plupart des nations industrialisées pour surmonter la crise économique et financière qui les affecte. Cela malgré le populisme qui y fleurit.
Préparer l’avenir mondialisé des échanges de biens, de services, de capitaux et des technologies, autrement dit engager la planète dans le démantèlement d’un système entièrement organisé en faveur de l’Occident en détriment des peuples anciennement colonisés, imposait dès les années 1980 d’expliquer aux populations européennes et d’Amérique du Nord que ce «grand partage» allait immanquablement remettre en cause l’État providence et tous les «droits acquis» que les citoyens y distinguaient.
Cet effort de transparence et d’honnêteté n’a jamais été effectué et les adaptations structurelles indispensables n’ont pas été engagées par les gouvernements. Au contraire, pour masquer aux yeux de ses électeurs les réalités nouvelles, le monde politique occidental s’est engagé sur la voie de l’endettement. Les administrations et leurs frais de fonctionnement ont poursuivi leur gonflement en même temps que grandissait le gaspillage des ressources, les systèmes d’aide sociale ont continué à s’alourdir, les marchés du travail, en Europe principalement, à se rigidifier et les politiques migratoires sont demeurées aussi naïves qu’incohérentes.
Dans cet emballage, comme souvent, les Helvètes ont suivi une trajectoire différente. Certes, dans certains cantons romands surtout, les élus ont favorisé en dépit du bon sens l’extension de l’Etat providence. Ils ont soutenu la culture matérialiste et individualiste dans laquelle nous nous sommes enfoncés depuis les années 1960. Mais le conservatisme viscéral du pays, sa structure fédéraliste, son système parlementaire lourd et compliqué, la faiblesse des exécutifs fédéral et cantonaux, la puissance et le rôle prépondérant de l’économie et des partenaires sociaux ont constitué face à cette dérive un frein efficace.
Des barrières aux freins technocratiques
Par ailleurs, mieux que ses voisins, la Suisse a su ralentir le processus de démantèlement des barrières protectionnistes anciennes, mieux qu’eux elle a su substituer à ces dernières des freins technocratiques aux importations.
La Suisse donne l’image d’une des nations les plus libre-échangistes de la planète, image sur laquelle elle continue de construire l’imposant volume de ses exportations. Mais, s’agissant de sa disposition aux importations, la Suisse reste aux yeux de l’observateur attentif l’un des pays les plus protectionnistes du monde développé, profitant en cela de son marché intérieur réduit, peu attractif pour les exportateurs étrangers. Elle bénéficie aussi grandement de la forêt difficilement pénétrable des obstacles non tarifaires que la complicité de l’économie et du monde politique a mis en place, certains depuis longtemps, notamment dans le cadre de la fameuse loi sur les cartels dont tout le monde parle de l’assouplissement nécessaire mais qui résiste étonnamment bien au temps et aux modes.
Les cartels d’importateurs, sans doute, restent chez nous les plus puissants d’Europe et les ententes de branches, officiellement condamnées, continuent de fleurir, par exemple dans le domaine de la construction. A l’intérieur de nos frontières les prix «administrés», c’est-à-dire fixés directement ou indirectement par les pouvoirs publics – ceux de l’énergie ou des médias publics par exemple- sont plus nombreux et élevés que partout ailleurs en Europe. Les oligopoles ne sont pas réellement combattus et imposent leur volonté avec une aisance stupéfiante, dans les secteurs de la pharmacie et de la distribution en particulier. Quant au dumping, il reste une pratique admise profitant grandement à quelques- unes de nos plus grosses multinationales.
Un pays fort de son marché étroit
Intellectuellement et moralement, cet état de fait est embarrassant. Mais qui s’en soucie ? Il faut reconnaître, et s’en réjouir, que le bilan global de ce fonctionnement particulier s’avère plus qu’appréciable. Certes le citoyen-consommateur est le grand perdant d’un système qui ampute grossièrement son pouvoir d’achat. Mais le citoyen-salarié, lui, profite d’une rémunération élevée et d’un marché de l’emploi sur lequel le chômage demeure très bas. Certes l’endettement public a considérablement grossi depuis une vingtaine d’année mais, sauf dans quelques cantons, il n’a jamais atteint un niveau déraisonnable. Certes la pression fiscale sur les salaires et les revenus de la classe moyenne a augmenté fortement ces dernières décennies mais elle reste bien inférieure à celle constatée chez nos voisins.
Fort de son marché étroit, de son système exemplaire de formation scolaire et professionnelle, de l’aptitude de ses habitants au travail, de son conservatisme, de son fédéralisme, des droits populaires, du pouvoir dominant mais mesuré de son économie, de l’habileté de ses diplomates et de ses négociateurs particulièrement pugnaces, le pays est aujourd’hui bien mieux armé que la plupart des nations industrialisées pour surmonter la crise économique et financière qui les affecte. Cela malgré le populisme qui y fleurit.
Ne nous illusionnons pas
Pourtant il est illusoire de croire que notre petit pays pourra demeurer à l’écart des effets de la dérive institutionnelle et financière de ses grands voisins et de l’immense redistribution des cartes géopolitiques. Nos voisins plus imprévoyants que nous ont déjà commencé à nous «faire partager» leurs soucis : chute de l’Euro et du dollar, assauts contre notre système bancaire et financier, menaces non voilées contre notre système fiscal, remises en cause des accords bilatéraux, etc.
Quant aux nouveaux équilibres planétaires en formation, ils ont des conséquences palpables et de plus en plus nombreuses sur le citoyen helvétique, dans son statut de consommateur comme dans ceux de salarié et de contribuable. Nous aurons donc nous aussi, même si nous continuons à nous montrer plus vertueux que les autres Etats européens, fort à faire dans les années à venir pour adapter les structures économiques, sociales et politiques helvétiques aux équilibres planétaires nouveaux induits par le grand partage des richesses de la planète au profit de tous les peuples.
Monsieur Reiner, vous êtes sérieux? Qui est en difficulté depuis la création de l’euro ? Qui a vu son chômage prendre l’ascenseur?
“Quand notre chomage atteindra 10%” ? L’UE ne l’a-t-elle pas atteint et même bien au-dela? C’est vrai, en adhérant à l’UE , on accèderait à ce taux un peu plus vite. Votre idéologie “européiste” vous aveugle… Vous sortez un peu au-delà de vos montagnes pour vous rendre compte de ce que vit la population dans l’UE. ?.. à part les Allemands, mais l’euro n’est-il pas fait pour eux? N’est-il pas leur mark ?
La Suisse va se retrouver à genoux quand l’euro et le dollar vont continuer à plonger, soit :
1 CHF = 1 Euro et 1 USD=0.60 CHF.
A ce moment là notre économie plongera, les banques auront quitté Genève et les industries idem.
Notre obstination à ne pas entrer dans l’Europe nous coûte cher :
Nous payons beaucoup pour assister silencieux aux décisions prise par l’UE, nous subissons les coups de boutoir contre nos banques et nous finirons par entrer dans l’UE en position de faiblesse quand nous aurons atteint le 10 % de chômage.
L’article commence très mal. Heureusement, il se rattrape par la suite, même s’il reste superficiel, approximatif et plus proche du plaidoyer que de l’analyse économique.
Il est faux — et cela est incontestable puisque les faits le prouvent — d’affirmer que le système économique occidental est “entièrement organisé en faveur de l’Occident en détriment des peuples anciennement colonisés”. La Chine n’est-elle pas un ancien pays colonisé ? Et le Brésil ? Ce sont pourtant deux pays qui profitent abondamment du “système occidental”. Je vous renvoie aussi à l’article suivant sur le diagnostique de la pauvreté en Afrique : http://www.contrepoints.org/2012/01/21/65812-le-liberalisme-seule-alternative-credible-pour-lafrique
La suite de votre article est intéressante. Mais, en tant que Français, je regrette que vous n’alliez pas davantage dans l’explication du modèle suisse. Vous faites en particulier une règle générale du protectionnisme suisse en multipliant les exemples, mais sans examinez les lois du pays qui font le protectionnisme. Votre démonstration paraît donc bien faible. Faible donc, et floue pour quelqu’un qui ne vit pas en Suisse.