Après le succès de son premier roman Les derniers jours de nos pères, récompensé par le prix des écrivains genevois (déjà un avant goût des récompenses littéraires), Joël Dicker livre un deuxième roman, un monstre de presque 700 pages.
A peine sorti de presse, l’encre encore fraîche sur les pages tout juste brochées, c’est l’effervescence à Paris, là où tout se joue et se déjoue dans les alcôves des prix littéraires, chez Drouant pour le Goncourt ou encore au Quai de Conti, le fameux n°23, là où les immortels siègent depuis 1643.
Construit comme un polar, La vérité sur l’affaire Harry Québert explore bien d’autres thèmes et ne saurait être circonscrit à la littérature de genre, souvent méprisée par les faiseurs d’écrivains. Il n’aurait tout simplement pas sa place sur des listes aussi prestigieuses que les précitées, ainsi que le Fémina, L’Interallié ou encore le prix Jean Giono.
« Tout le monde parlait du livre… », c’est le début du roman de Joël Dicker, un incipit qui résonne comme un écho, un effet de miroir entre son personnage, Markus Goldmann dont le destin littéraire et le succès aussi foudroyant qu’imprévu de son premier roman, ressemble étrangement à ce que vit notre jeune auteur, Joël Dicker.
Harcelé par le succès alors qu’il était quasi inconnu au mois d’août, lu par vos amis et vos voisins qui en parlent avec enchantement dans les soirées genevoises ou parisiennes, la singulière ressemblance entre l’auteur et son personnage est à la fois troublante et prémonitoire. Pourtant la différence existe entre ces deux qui ne font qu’un : le personnage de Dicker est paralysé par le succès dantesque de son premier roman et se confronte avec douleur aux réalités de la page blanche, la crampe des écrivains. Il est incapable de trouver la moindre idée, incapable de coucher la moindre ligne sur le papier blanc, vierge d’encre et d’inspiration. Notre écrivain genevois, lui, rencontre le succès grâce à son deuxième ouvrage. Et quel succès. C’est une déferlante, un tsunami littéraire plus que mérité. Même ceux qui ne l’on pas encore lu, l’adorent déjà.
Thriller, réflexion sur la difficulté d’écrire, Joël Dicker utilise avec brio la technique du roman dans le roman et observe avec subtilité les dérives d’une Amérique où le spectacle règne en maître absolu, toujours prête à saisir l’occasion pour détruire une personnalité, un auteur qui aurait, dans le passé commis une erreur. Car là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique, le jugement est immédiat. C’est ce qui arrive à Harry Québert, accusé de meurtre et de pédophilie sur la jeune Dora Nolan, adolescente de quinze ans, disparue en 1975 et dont le cadavre est retrouvé vingt cinq ans plus tard, enterrée dans son jardin, sous une plate-bande de fleurs, en compagnie d’un exemplaire de son manuscrit, Les origines du mal, avec lequel il connut son seul et unique grand succès d’auteur. Suffisant pour devenir un professeur de littérature émérite, mais également désabusé car il est douloureux de n’être l’auteur que d’un seul succès populaire.
Il ne le sait pas encore, le lecteur non plus, mais l’affaire Harry Québert va permettre à notre jeune écrivain de 30 ans (Joël en a 27…), rongé par l’angoisse, écrasé par son premier triomphe littéraire, de retrouver l’inspiration. Partant du réel, il va prendre la défense de son mentor. Cela deviendra un livre, un deuxième succès. Mais il faudra bien, par la suite en écrire un troisième… Tel est le destin des auteurs. Personnage de fiction, Markus Goldmann ne produira, sans doute plus rien, alors que son père, Joël Dicker, qui lui ressemble comme un frère, est désormais promis à une longue et fructueuse carrière d’écrivain.
La vérité sur l’affaire Harry Quebert, Joël Dicker, 672 pages, Edition de Fallois/l’âge d’homme
Geoffroy de Clavière
A ce propos: « La vérité sur l’affaire Harry Quebert » de Joël Dicker
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