La Suisse et l’OTAN

Albert Leimgruber
Rédacteur

Depuis 1996, la Suisse est membre du Partenariat pour la Paix (PPP), un programme de partenariat de l’OTAN dont l’objectif principal est la coopération entre l’Alliance atlantique et des Etats non-membres. A l’heure actuelle, 22 Etats non-membres de l’OTAN participent au PPP. La participation de la Suisse au PPP a été étendue par son entrée au Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA), fondé en 1997. Le CPEA est le forum de consultation politique du PPP. Il édicte les lignes directrices de la coopération sur le terrain.

 

Selon le département de la défense de la population et des sports (DDPS), le PPP «offre à la Suisse un cadre institutionnalisé lui permettant de mener un dialogue sur la politique de sécurité avec les pays de son environnement stratégique.»

 

Dans le cadre du PPP, l’armée Suisse coopère avec l’OTAN, notamment au Kosovo (Swisscoy) dans le cadre de la KFOR (Mission de l’OTAN au Kosovo) mais également entre mars 2003 et février 2008 en Afghanistan. Dans le cadre du PPP, l’armée Suisse s’est alignée sur les structures organisationnelles de l’OTAN. Cette adaptation, appelée «interopérabilité» permet à l’armée Suisse de coopérer plus facilement avec les forces de l’OTAN en mission à l’étranger. Le revers de la médaille est une perte d’indépendance de l’armée Suisse dont les équipements et les procédures sont calquées sur celles de l’OTAN.

 

La nouvelle OTAN

Depuis 1999 l’OTAN a procédé à un changement radical de paradigme. Autrefois considérée comme alliance défensive visant à protéger le monde «libre» d’une éventuelle invasion communiste, l’OTAN a pourtant toujours eu trois objectifs : Empêcher une invasion soviétique, empêcher l’Allemagne de retrouver sa place de puissance dominante en Europe et garantir la présence américaine sur sol européen («Keep the russians out, the germans down ant the americans in»). Depuis 1989/1991, la menace d’une invasion communiste a disparu, mais les deux autres objectifs restent encore aujourd’hui d’actualité. L’OTAN est devenue le principal outil de la puissance américaine dans le monde occidental. Par le biais de l’alliance les Etats-Unis s’assurent d’une présence militaire en Europe, présence de plus en plus importante suite à l’élargissement de l’alliance à l’Europe de l’est (à partir de 1999).

 

Si l’année 1999 marque un tournant majeur dans l’histoire de l’OTAN, c’est que l’alliance a décidé une triple rupture cette année-là :

  1. Pour la première fois, l’OTAN s’est engagée dans un conflit militaire (contre la Serbie) en dehors de son territoire, ce qui était contraire au traité de l’atlantique nord.
  2. L’engagement de l’OTAN s’est fait contre toutes les règles de droit international, étant donné que les bombardements de la Serbie n’avaient pas l’aval du Conseil de sécurité des nations-unies
  3. L’Engagement n’était pas défensif, mais une attaque contre un Etat souverain qui n’a ni attaqué ni même menacé l’alliance ou un Etat membre de l’alliance (ce qui lui aurait permis d’activer l’article V du traité de l’atlantique nord stipulant qu’une attaque à l’encontre d’un Etat membre de l’OTAN est considéré comme une attaque à tous les membres de l’alliance).

Au moins à partir de ce moment-là, une coopération avec l’alliance est strictement contraire à la neutralité. Comment la Suisse justifie-t-elle la coopération avec l’OTAN alors que cette alliance s’est muée en organisation agressive et guerrière ne respectant pas le droit international ?

 

Sortir du PPP

Le Conseiller national Luzi Stamm a déposé le 18 septembre 2014 une motion demandant le retrait de la Suisse du Partenariat pour la Paix. Pour l’élu argovien, «Plus l’OTAN se comprend comme partie belligérante, plus la Suisse doit être vigilante. Si l’OTAN intervient militairement dans des pays tels l’Irak, l’Afghanistan, la Libye ou même l’Ukraine, la contradiction avec notre politique de neutralité devient manifeste, si nous participons d’une manière ou d’une autre aux activités de l’OTAN.» Dans sa motion, Luzi Stamm cite l'ancien ministre américain de la défense William Perry qui a déclaré: «Il faut faire en sorte que la différence entre une adhésion à l'OTAN et une participation au Partenariat pour la paix soit moins grande que l'épaisseur d'un cheveu».

 

Dans sa réponse, le Conseil fédéral «ne voit aucune raison de renoncer au Partenariat pour la paix». Il considère que «la participation au PPP [est] compatible avec la neutralité de la Suisse tant au niveau juridique que politique.» Pour le Conseil fédéral, la participation au PPP est utile et dans l’intérêt de la Suisse.

 

Quel est donc l’intérêt de la Suisse pour le Conseil fédéral? Pourquoi le soutien d’une alliance militaire offensive, bravant le droit international (que le Conseil fédéral considère pourtant comme supérieur au droit suisse lorsque cela l’arrange) est-elle dans l’intérêt de la Suisse?

 

Rappelons-nous ce qui a été écrit 600 ans avant notre ère dans le livre du Tao: «Un grand pays n’a pas de plus grand désir que de rassembler et faire vivre les gens; un petit pays n’a pas de plus grand désir que de s’allier au grand et de le servir.» Visiblement, le Conseil fédéral considère la Suisse comme petit pays.

 

Albert Leimgruber, 13.02.2016

Rédacteur en chef Voix Libre

www.voix-libre.net

 

Sources :

Motion de Luzi Stamm : http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20143746

Interview de Luzi Stamm dans Horizons et Débats N° 25/2015

http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=4729

Site officiel de la confédération sur le Partenariat pour la paix

http://www.pfp.admin.ch/internet/partnership_for_peace/fr/home/testseite.html

Site officiel de la confédération sur la mission militaire en Afghanistan

http://www.vtg.admin.ch/internet/vtg/fr/home/themen/einsaetze/peace/archiv/afghanistan.html

Site officiel du partenariat pour la Pais (en français)

http://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50349.htm

 

Pour aller plus loin :

Livre « Les guerres de l’OTAN »

Albert Leimgruber

Editions Voix Libre, 2015, 220pages, Broché

A commander sur www.voix-libre.net

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4 commentaires

  1. Posté par Théodore J Berseth le

    Neutralité ?
    Où étaient les parlementaires UDC, quand Rudolf Keller (Cons nat DS) pointait du doigt l’utilisation des bases aériennes suisses par l’aviation US ?….Dans la collaboration avec l’oncle SAM ! Bien sûr on peut rétorquer que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis….mais la réalité est que l’UDC a pour but (in)avoué d’orienter sur une voie de garage la volonté souverainiste du peuple, ou du moins une partie des 40% des votants!

  2. Posté par Jacques le

    Asservissement de la Suisse à l’OTAN et à l’UE sont les deux objectifs complémentaires de notre classe politique. Ainsi s’éteindra la flamme de notre indépendance, après plus de huit siècles… Quelle tristesse infinie !

  3. Posté par Marcassin le

    Sur la photo, regardent-ils le doigt ou la lune ?

  4. Posté par Pierre H. le

    Si seulement ce qu’ils regardent sur la photo pouvait être les avions russes qui arrivent pour libérer l’Europe !

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