Suisse: Le PS pour la préférence nationale ?

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Tous les moyens sont bons: Christian Levrat fait flèche de tout bois et ne s’épargne aucun argument au service de sa « dîme sur l’alcool ». Mais que peut bien cacher un tel enthousiasme ?

Voilà près de deux jours que le président du parti socialiste suisse, Christian Levrat, bat le pavé des studios des médias publics, fioles d'alcool à 80° [1] en poche, pour fustiger l'alcoolisme juvénile, seule et unique cause des débordements nocturnes lausannois, cela va de soi...

C'est bien connu, nos pères, à l'heure où l'alcool était encore moins cher, dévalaient le Petit-Chêne, l'écume aux lèvres, Morgenstern en main et scalp de Habsbourg à la ceinture, pour se répandre en orgies bachiques dans les bas-fonds de sous-gare et pourchasser le bourgeois au son d'onomatopées gutturales et patoisantes.

La substitution de l'Etat à la famille dans le processus d'éducation, le démantèlement de l'autorité, voire l'immigration massive associée au mépris du pays d'accueil, thématiques ô combien chères au parti socialiste, n'y sont pour rien. Le problème n'est même pas l'alcool, dont Christian Levrat reconnaît lui-même volontiers, sur les ondes de Forum, les vertus « sociales et culturelles », le problème c'est le prix de l'alcool, lequel ne serait pas assez élevé.

Plus de taxes

Alcool plus cher et, par conséquent, plus rémunérateur pour l'Etat. Une drôle de vision pour une faction qui dit militer « Pour tous, sans privilèges », nous rebat les oreilles des cadeaux offerts aux plus riches qu'elle trouve injustes, et qui s'apprête pourtant à désigner les plus pauvres comme fauteurs exclusifs de troubles éthyliques et les prétériter face aux plus riches. Certes... mais la manoeuvre signifie aussi plus d'impôts, plus de taxes pour satisfaire aux visées hégémoniques du socialisme d'Etat; logique.

Dans le vrai monde, l'offensive Levrat, sous le couvert habile de la salubrité publique, n'est que la riposte du PS au refus de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États de passer la taxe de 29 à 35 francs par litre d'alcool pur et celle du Conseil fédéral d'abandonner les « mesures portant sur la formation des prix » (1170) face aux pressions des milieux économiques. Levrat soutenait cette augmentation, elle a manqué de passer hier au Conseil des Etats à 2 voix, ce qui, selon l'intéressé, revient à « des pertes fiscales qui sont, d'après mes calculs, pour l'instant de 50 millions de francs en terme nominal, de 80 millions en terme réel »; tout s'explique. Devant ce premier échec, Christian Levrat choisit alors l'option d'un « prix minimum en fonction de la teneur en alcool pour la vente d'alcool », que le Conseil fédéral déterminera à bien plaire suivant des « motifs de santé publique, notamment la protection des consommateurs à risques. ». L'art. 8a de la nouvelle Loi fédérale sur l’imposition des boissons spiritueuses et de l’éthanol passera à 19 voix contre... 18; un succès qui mérite les gros titres, Forum et le 19:30.

Arguments interchangeables

Reste que l'argument selon lequel la mesure viserait à protéger essentiellement les jeunes de la consommation d'alcool fort est parfaitement fallacieux puisque l'art. 8a, à l'instar de l'art. 16, touche toutes les boissons alcooliques. S'il avait été à droite, nul doute que ses collègues de gauche eussent qualifié sa tirade des fioles, exemplaires divers et colorés brandis à bout de bras, de "sensible" et, surtout, "populiste".

M. Levrat vient de récupérer les 80 millions de francs qui lui manquaient, mais il vient de le faire sur le dos de toute la viticulture et de la production spiritueuse du pays, un détail que se permet de lui rappeler aimablement Olivier Feller, conseiller national libéral-radical, présent dans le même studio au même instant.

Christian Levrat, qui vient de placer en passant une critique vibrante du « dogmatisme libéral mal compris », pour faire taire son adversaire, se dit sans doute que l'aubaine est trop belle pour ne pas tenter l'entourloupe et emballer son interlocuteur dans ses propres arguments: « On va réduire l'écart qui existe entre les alcools suisses et étrangers [...] avec ce prix minimum on n'a quelque chose qui est favorable au producteur Suisse parce qu'on améliore leur situation concurrentielle ». L'on a tout de même cette impression curieuse de découvrir en même temps que M. Levrat le souci du parti socialiste, qui décidément ne recule devant rien, pour le marché intérieur et le protectionnisme agricole. L'affirmation est fausse, bien évidemment, un soupçon d'hypocrisie ne saurait arrêter la révolution en marche, le producteur suisse verra ses ventes diminuer sensiblement et sa situation se dégrader encore à l'exportation.

Combien de temps faudra-t-il encore pour les instances socialistes comprennent enfin que la ruine du contribuable fait, toujours, immanquablement, systématiquement, baisser la recette fiscale.

Reste que la confusion idéologique semble telle au parti socialiste que voilà déjà le deuxième élu cette semaine qui invoque les raisons de droite au service des manoeuvres de gauche. Mais que l'on se pose la question, si c'est arguments sont si bons, c'est peut-être qu'il y a une raison.

 

[1] Destinées en fait à être mélangées dans des boissons non alcoolisées

Un commentaire

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    « … motifs de santé publique, notamment la protection des consommateurs à risques. » On sait depuis longtemps que cette lourde recette électorale n’a jamais fonctionné que comme sauvegarde de la vertu hypocrite de ses fabricants; Levrat devrait en outre exiger l’inscription “L’alcool tue” sur chaque bouteille de vin pour bien marquer les esprits, qui en doutent encore, combien il est attaché aux problèmes de santé publique, et ce hors de toute démagogie bien entendue…

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