« Camp d’internement » : Beaucoup de bruit pour rien

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Dans la mesure où le peuple a accepté l’expulsion des étrangers criminels, une extension de l’art. 22 en ce sens ne paraît ni inhumaine, ni exagérée ni même invraisemblable

Isabelle Moret nous le disait il y a quelques jours, les trois partis de droite sont unanimes à vouloir une solution de centres d'accueil pour réfugiés récalcitrants ou délinquants à périmètre clos.

Si l'on est unanime à droite, l'on ne l'est pas forcément au PLR. Martine Brunschwig Graf, qui ne siège pas à la commission des institutions publiques responsable de la proposition controversée, monte au créneau et va jusqu'à parler de « camp d'internement » dans la Tribune de Genève.

Le poids des mots

Le terme (Internierungslagern) est en fait lancé par l'UDC zurichois Adrian Amstutz lors d'une question au gouvernement. Il n'a pas été dit « camp de concentration » ou « camp de la mort », qu'importe, la crécelle médiatique est en boucle, Ariane Dayer en fait un édito larmoyant le dimanche et un décryptage alarmant le lundi, s'appuyant sur la réponse laconique du Conseil fédéral pour exciper d'un rejet catégorique et dégoûté.

En fait de réaction, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga est plutôt venue à l'appui d'une certaine réhabilitation sémantique, précisant que la proposition de la commission, qui parle de centres spéciaux (besonderen Zentren), était bonne et qu'il ne s'agissait pas spécifiquement de « camps d'internement ».

Stratégies

En termes de stratégie pure, si l'UDC s'est jetée dans la brèche à corps perdu, l'on saluera la finesse d'un PDC muet, qui ne souhaite pas être identifié à ce type de sujet, ainsi que d'un PLR, plus bavard en revanche, qui, en cas d'échec ou de réussite, n'aura qu'à réveiller l'une ou l'autre tendance.

Droit et mémoire

Entre politiciens effarouchés et journalistes remontés, ce que personne ne dit c'est que, dans son droit, comme dans son histoire, la Suisse connaît le camp d'internement depuis belle lurette.

De 1871, avec l'internement des soldats du régiment Bourbaki, à la seconde guerre mondiale, la Suisse a pratiqué l'internement à plusieurs reprises, ce toujours dans le sens le plus respectueux de sa tradition humanitaire. Personne n'y fut jamais maltraité, nombre de villes, voire d'universités, de notre pays portent des traces de la reconnaissance des soldats ou réfugiés internés. En tout, 105'000 internés militaires durant la seconde guerre mondiale, bien plus encore de civils et d'enfants.

En termes juridiques, la première mention, à notre connaissance, remonte à la l'art. 9 de la Convention de 1871 entre les généraux Herzog et Clinchant pour le cantonnement de la première armée française réfugiée sur notre territoire et qui parle de  « lieux d'internement ».

Aujourd'hui

La rétrospective n'est pas nécessaire ici, le droit actuel contenant encore la possibilité d'application de mesures de contrainte à l'intention des réfugiés. En effet, l'art. 22 al. 5 de la loi sur l'asile permet, sans autre, la détention dans un centre en vue de l'exécution de la décision de renvoi.

Dans la mesure où le peuple a accepté l'expulsion des étrangers criminels, une extension de l'art. 22 en ce sens ne paraît ni inhumaine, ni exagérée ni même invraisemblable. En outre, l'argument d'Isabelle Moret de vouloir protéger certaines minorités fragiles au coeur même des centres est tout à fait valable.

Conseil fédéral tendancieux ?

Partant, la réponse du Conseil fédéral selon laquelle l'internement, qui est une détention dans ce contexte, n'est pas possible dans un état de droit, semble curieusement erronée et, sans nul doute, à l'origine du trouble dont la presse d'une certaine sensibilité a su se faire l'écho.

Autre pierre d'achoppement, la notion de « récalcitrants » : Soit un requérant menace ses congénères, brûle, détruit du matériel et, par conséquent, se range au nombre des délinquants jugés et susceptibles de mesures disciplinaires, soit il se comporte correctement, dans le cadre de la loi. Une fiction intermédiaire n'est pas concevable, le droit suisse doit s'appliquer pleinement jusque dans les centres de requérants.

Faux débat

Mais si l'on se résignait enfin à appliquer le droit également à tous, les réfugiés délinquants feraient l'objet de peine de prison et la notion d'internement serait alors complètement périmée. Douce hypocrisie qui ne dit pas son nom, parce que la justice n'ose plus condamner, parce que la police ne peut plus appréhender, l'on n'a plus que cette pauvre solution pour protéger les "vrais"  réfugiés des réfugiés « économiques », pour reprendre Isabelle Moret, ainsi que les populations autochtones, nous autres pauvres pommes, qui nous faisons allègrement rançonnés. Créer une sorte de réserve de réfugiés intouchables risque bien d'avoir pour conséquence la continuation de l'effondrement de l'ordre légal. Gageons que d'ici quelques mois, les cantons se plaindront de ne pas avoir les moyens légaux et policiers de maintenir l'ordre dans ces centres de criminels potentiels.

L'on aurait plus de chance à procéder dans l'autre sens, enfermer les vrais réfugiés (voire la population suisse) dans un camp retranché surprotégé, mais le constat d'échec serait fatal à nos élites.

Que ceux qui hurlent avec les loups sur la question de l'internement se souviennent de cet instant où notre système s'est mis à restreindre les libertés faute d'avoir su les défendre.

Un commentaire

  1. Posté par P. Gumy le

    Curieusement, après le visionnement de l’émission Infrarouge de ce soir (dont le niveau ne relèvera pas celui des émissions des semaines passées), il semble que PDC et PLR ne veulent pas (plus?) de “périmètre clos”… les vestes se tournent et se retournent 🙂

Et vous, qu'en pensez vous ?

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