Quelques éclaircissements au sujet du christianisme

La lecture des journaux ainsi que les réflexions glanées ça et là me convainquent de la nécessité d'éclaircir certains points au sujet du christianisme. Il semble en effet que la méconnaissance de cette religion atteigne des proportions inquiétantes.

Ce qu'est le christianisme et ce qu'il n'est pas

Contrairement à ce que certaines conceptions erronées affirment, le christianisme n'est pas simplement un système de croyances. Les croyances ne sont en fait que le préalable nécessaire. Il n'est en effet pas possible pour une personne qui ne croit pas en un Dieu Trinitaire de se définir comme chrétien, tout comme il n'est pas possible pour un coureur  à pied de pratiquer son sport sans savoir marcher. Mais ce n'est pas suffisant pour définir le christianisme. Après tout, le diable lui-même croit, mais il n'est pas chrétien pour autant.

Si donc le christianisme ne se situe pas dans les croyances, qu'est-il donc? J'aurai tendance à dire qu'il est une relation. Une relation qu'on tisse avec un Père aimant. Un Père parce qu'il est Créateur et que sans Lui rien n'existerait, mais un Père surtout parce qu'il aime tant Ses créatures qu'Il est descendu jusqu'à adopter leur condition humaine par le biais de Son Fils. Celui-ci a même été jusqu'à donner Sa vie pour sauver les hommes. C'est d'ailleurs ici que se situe la différence fondamentale entre le christianisme et les autres religions. Aucune d'entre elles ne parle d'un Dieu qui aime à ce point Ses créatures. Allah et les autres exigent obéissance et soumission. Ils exigent qu'on s'élève pour aller vers eux. Notre Dieu, Lui, nous connait comme Ses fils et sait de quoi nous sommes capables (ou non). Par conséquent, Il ne fait pas que demander notre élévation mais descend en même temps vers nous.

Au niveau des pratiques religieuses aussi, l'incompréhension est généralisée. Il n'est pas question de suivre bêtement des règles ou de participer béatement à des cérémonies. Le chrétien n'est pas un imbécile qui exécute machinalement certains gestes parce que son Dieu les lui ordonne. A ce sujet, il ne faudrait peut-être pas oublier que le Christ s'en est régulièrement pris aux pharisiens, à ceux qui suivaient la Loi divine pour la Loi divine et rien d'autre. Eux n'ont pas compris qu'une des caractéristiques majeures de la venue du Messie a été justement de faire descendre Dieu parmi les hommes, d'entrer personnellement en relation avec eux plutôt qu'au travers de la Loi.

Puisque les pratiques chrétiennes ne sont pas des règles auxquelles on se soumet, alors il faut se demander ce qu'elles sont. Lorsque nous tentons d'entrer en relation avec autrui, que faisons-nous? Nous communiquons. Ainsi donc, le chrétien essaie de communiquer avec son Dieu. Pour se faire, il Lui parle. Il Le remercie pour ce qu'Il fait pour lui ou Lui demande certaines choses qui lui tiennent à coeur. La prière tient ce rôle. Lorsque le chrétien prie, il parle à son Dieu. Il ne récite pas des formules magiques ou autres incantations, il s'adresse à Lui. Peut-être a-t-il malheureusement tendance à oublier qu'une relation marche dans les deux sens et qu'il serait de bon d'écouter aussi son Interlocuteur. Dieu parle à son peuple par Sa Parole (contenue dans la Bible), par les événements qui se déroulent autour de nous, ou par des paroles données que le chrétien peut recevoir dans son coeur. Il peut bien entendu également se servir d'intermédiaires pour y arriver.

Et les commandements alors?

Personne ne niera que le chrétien accepte les 10 Commandements divins. Ni d'ailleurs que le Sermon sur la Montagne comporte lui aussi son lot d'exigences. Or, comme nous venons de le voir, le christianisme ce n'est pas la soumission à des règles.

En fait, il n'est pas évident de distinguer si ces Commandements sont des règles à suivre ou un thermomètre pour savoir où en est notre relation avec le Père. Sûrement s'agit-il même des deux à la fois. Plus le chrétien entre en relation avec Dieu, plus celui-ci travaille son coeur et plus l'envie de faire les choses selon Sa volonté se fait sentir. Par conséquent, c'est bien de la relation que dépend l'attachement à suivre les commandements. Tenter de faire appliquer à quelqu'un qui ne cherche pas vraiment la relation avec son Père céleste la morale qui découle des Commandements n'a pas grand intérêt. Ce qu'a besoin celui qui doute ou qui n'a pas la foi, ce n'est pas d'un catalogue de comportements permis ou non mais d'apprendre à connaître son Père céleste, de prendre conscience qu'Il l'aime plus que tout et ne désire que son bien. Lui seul peut lui donner l'envie de Le suivre et de chercher à mieux se comporter. Aussi, il est totalement illusoire de vouloir réglementer la vie d'autrui en agitant sous son nez l'épouvantail de la moral divine si celui-ci n'est pas déjà engagé dans une démarche de foi. Souvenons-nous l'exemple du Christ n'invitant à jeter la première pierre que celui qui n'a jamais pêché. Si le chrétien veut vraiment faire avancer les choses, il tâchera donc de régler sa propre conduite au mieux au lieu de faire la morale à autrui. Mais avant toute chose, il tâchera d'éveiller l'intérêt de ses proches, fussent-ils de grands pêcheurs, à l'amour que le Père veut leur apporter.

De ce qui a été dit précédemment il ne faudrait pas non plus déduire que d'agir en chrétien consiste à laisser faire chacun n'importe quoi. Bien au contraire. Il s'agit simplement de ne pas brimer autrui avec ses propres conceptions morales. Ceci dit, si au sein du débat public, une controverse doit survenir au sujet d'un comportement ou d'un autre, le chrétien se doit de dire la vérité telle qu'il la discerne dans ce que Dieu lui communique. Mais ceci est accessoire tant ce qui prime est de faire comprendre à quel point Dieu le Père nous aime tous autant que nous sommes.

Le christianisme, vecteur de culpabilisation?

Certains affirment que la tendance actuelle à l'éthno-masochisme, à la repentance et à la haine de soi ont trouvé leur origine dans le christianisme. Plus précisément, si l'on se réfère à l'Europe occidentale, que cette auto-culpabilisation s'enracinerait dans le sacrement du Pardon catholique. Les catholiques étant invités à faire leur autocritique et à s'excuser de leurs péchés dans le confessionnal, ils en porteraient la responsabilité. Un tel raisonnement stigmatisera tout parent qui essaie d'élever son enfant d'une manière civilisée en lui intimant de s'excuser auprès d'autrui lorsqu'il lui fait du mal. Doit-on donc promouvoir le culte de la force pour éviter d'être responsable du sentiment de haine de soi?

Cette manière de voir les choses démontre à nouveau une totale méconnaissance de ce qu'est la confession. Lorsqu'il se confesse, un catholique s'adresse à Dieu par le biais du prêtre. Il est réaliste et sait que sa nature est faillible, qu'il n'est pas parfait et, par conséquent, qu'il fait le mal autour de lui plus ou moins volontairement. Quiconque nierait cette manifestation du péché originelle ne peut qu'être extrêmement prétentieux ou béatement idéaliste.

Comme il cherche à plaire à son Père qui est dans les Cieux, le catholique se confesse pour s'excuser des fautes commises. Dès lors que cela est fait et que Dieu lui-même lui a pardonné,il a déchargé son fardeau et peut ainsi repartir le coeur léger. D'autant plus léger que puisque le Père aime que ses enfants se confient à Lui, il fournit à cette occasion de précieuses grâces pour que ceux-ci puissent vivre leur vie chrétienne plus convenablement. Contrairement à certaines idées reçues, le sacrement de confession permet au contraire d'arrêter de culpabiliser pour le mal qui a pu être fait.

De plus, la démarche permet de prendre conscience de ce qui n'est pas correct dans son comportement et d'essayer d'y remédier. D'ailleurs, la confession n'est valide que si celui qui s'y attelle désire sincèrement faire mieux. Non seulement donc le sacrement du Pardon permet-il de se rapprocher un peu plus de Dieu le Père, mais il fonctionne également en tant qu'outil de déculpabilisation et comme moteur en vue d'une vie meilleure, un moteur gonflé de grâces divines. Dieu nous aime tellement qu'il descend à nous pour nous permettre de mener une meilleure vie et d'augmenter notre proximité avec Lui.

Le chrétien face à l'immigration

Pour quiconque vit une relation filiale avec le Père, l'humanité se compose de frères et de soeurs. Chacune des créatures humaines est aimée par le Père, est conçue à Son image. Partant de là, elles sont toutes égales en dignité, ont des droits inhérents à leur existence même. Quiconque viole ces droits se met en porte à faux avec la famille chrétienne. Bien sûr, ces droits n'ont pas la même signification ni la même teneur que ceux portés par le droitdelhommisme actuel. Mais ils sont malgré tout une réalité qu'on ne peut nier. Il est dès lors évident que le chrétien ne peut accepter les manifestations de racisme ou de xénophobie visant les individus. Il s'agit là d'une profonde violation de la dignité de ceux-ci.

De même, si des personnes ont légalement le droit à certaines prestations, il n'est pas non plus acceptable qu'on les prive de celles-ci. Si violation des droits il y a, alors elles doivent être dénoncées, qu'elles touchent des migrants ou des autochtones.

Par contre, même si l'humanité est conçue comme une immense famille, il est évident que des différences subsistent et que les diverses communautés existantes doivent s'organiser de façon à assurer le bien commun. Politiquement donc, le chrétien décide en son âme et conscience de ce qui doit être fait ou non. Cela vaut également pour la gestion des flux migratoires. L'intérêt des personnes concernées mais aussi de la population d'accueil doivent être pris en compte et évalués de manière juste. Rien ne s'oppose à ce que le chrétien puisse limiter l'afflux de populations étrangères, pour autant que les arguments qui l'auront touchés sont des arguments honnêtes, ni égoïstes, ni dépourvu d'amour pour son prochain.

Ces derniers temps, les commentaires et billets ont fleuri sur ce site pour dénoncer l'attitude du pape François face au phénomène migratoire. Il est regrettable que les auteurs de ces dires n'aient pas pris la précaution de vérifier un peu plus loin leurs informations. S'il défend effectivement une culture de la rencontre a aussi insisté sur le développement dans les pays d'origine (1). Le jour où cette exigence sera respectée, le taux de migrants dans le monde baissera de manière conséquente. Ajoutons que près de 80% des personnes persécutées dans le monde sont chrétiennes (2) et que ces persécutions sont facteur de migration. Enfin, ces propos qui ont été tenus au Mexique, pays dont plus de 80% de la population est définie comme catholique, avaient pour but de dénoncer les mauvais traitement dont sont victimes les enfants migrants mexicains aux Etats Unis. Dans ces circonstances, qui peut prétendre que le pape peut dire autre chose au sujet des migrations?

Le chrétien et les autres religions

Les rapports entretenus avec les autres religions peuvent paraître contradictoires, voir même complètement inconscients/incohérents si l'on adopte une grille de lecture purement politique. De ce point de vue, l'Islam peut être perçu comme une menace. Une menace conquérante en expansion sur le continent européen et une menace qui persécute les chrétiens au Moyen Orient. Pourtant, le regard chrétien ne peut s'arrêter à cette simple dimension. Comme il a été précisé, le christianisme réside en premier lieu dans la relation qu'entretient l'être humain avec son Père céleste. Cette relation est si épanouissante et porteuse de joie lorsqu'elle est vécue avec intensité que le Chrétien souhaite la partager avec autrui. Aussi, toute personne qui recherche une relation avec Dieu est une personne dont la démarche mérite d'être louée et respectée. Même si cette démarche passe par des chemins dont le chrétien sait pertinemment qu'ils ne sont pas la vérité.

De cette attitude, pas question de déduire que cette religion est considérée comme étant la vérité. Le chrétien n'est pas idiot et sait pertinemment que sa propre religion et l'IIslam ne peuvent pas être vraies toutes les deux. Les incompatibilités fondamentales (la Trinité par exemple) sont trop nombreuses pour cela. Mais, puisque c'est la relation qui prime, il sait aussi que la recherche du musulman peut l'amener à Dieu. Ce d'autant plus que Dieu étant tout puissant, Il peut se servir de tout pour provoquer la rencontre avec ceux qui le cherchent. Rappelons nous Saint Paul arrivant à Athènes et tentant d'évangéliser les autochtones. Il ne s'oppose pas frontalement à eux en leur signifiant que leur polythéisme est une bêtise. Une telle démarche est nécessairement vouée à l'échec. Non, il prend appui sur la figure du dieu inconnu des Athéniens pour les amener au Sien. En agissant de la sorte, Paul tente de valoriser la recherche spirituelle personnelle de l'Athénien pour lui permettre de découvrir le Père.

Le Concile Vatican II ne dit rien d'autre lorsqu'il affirme que les autres religions contiennent des germes de vérité. Il n'affirme pas par là la justesse de leur(s) doctrine(s), simplement qu'elles peuvent potentiellement amener au Père si la démarche est sincère. Ou disons plutôt qu'elles peuvent amener Dieu à aller à leur rencontre si leur coeur est bien disposé.

C'est à mon avis dans ce sens qu'il faut comprendre le pape François lorsqu'il parle du véritable Islam qui s'oppose à toute violence. Dans sa bouche, le véritable Islam n'est pas une certaine interprétation du Coran. C'est l'attitude de recherche sincère du Père qui guide l'authentique musulman. Le pape n'a en effet aucune autorité à faire valoir pour distinguer dans les différents courants de l'Islam celui qui serait juste de ceux qui ne le seraient pas. D'ailleurs, une telle démarche le mettrait très certainement en porte à faux avec sa propre religion.

De la même manière, souhaiter ses meilleurs voeux pour le ramadan est une forme d'encouragement pour aider le chercheur de Dieu à continuer sa quête. Au vue de ce qui a été dit plus haut, je ne vois franchement pas ce qu'on peut reprocher à cette attitude.

Que le chrétien ait ainsi un respect immense pour la démarche de foi qui anime les croyants des autres religions ne l'empêche toutefois pas d'avoir un oeil critique sur les doctrines qui les animent. Dans le cas où certaines d'entre elles seraient porteuses de facettes contraire au bien commun, rien ne doit l'empêcher de faire le nécessaire politiquement pour éviter que ne surgissent ces problèmes. D'ailleurs, Dieu ne désire pas que certains soient brimés en son nom.

Changer le monde...

Loin de nier l'impact considérable que le fait politique peut avoir sur la vie de tous les jours, le chrétien sait que la meilleure manière de changer le monde consiste à se changer soi-même. On peut stigmatiser les agissements d'autrui, mais en définitive, le plus sûr moyen de parvenir à quelque chose de meilleur est de se transformer soi-même. C'est là quelqu'un sur qui on a une prise réelle. Non pas de devenir un mouton qui accepte tout ce qui se passe, mais simplement d'éviter au maximum tous les comportements n'allant pas dans le sens du bien commun.

Il sait également que si les gens se connectent sincèrement au Père, alors beaucoup de choses changeront et de nombreux problèmes disparaitront. Quiconque voit par exemple dans l'Islam une menace doit comprendre que le meilleur moyen de normaliser la situation est l'évangélisation. Si en interdisant les minarets ou les burqas on se donne l'impression d'une lutte, concrètement on ne résout rien. L'évangélisation, par contre, satisfera à la soif de Dieu du musulman et le mènera à éviter des doctrines peu recommandables.

Enfin, dans la même veine, il est vain de vouloir défendre des valeurs traditionnelles chrétiennes pour des populations qui ne le sont plus. Le décalage est trop grand. Après tout, on ne construit pas un hôpital pour des sorciers et des marabouts, on commence d'abord par former des médecins. Pour défendre des valeurs chrétiennes, commençons par évangéliser. Le reste viendra tout seul...

(1) http://www.zenit.org/fr/articles/mexique-changer-d-attitude-envers-les-migrants-et-les-refugies

(2) http://www.zenit.org/fr/articles/80-des-personnes-persecutees-sont-des-chretiens