La question soulevée par le journal « Libération » sur la diversité des profils au sein de sa rédaction met en lumière l’homogénéité de toute la profession, estime la chercheuse Marion Dalibert (Université de Lille 3).
Il n’existe, à ce jour, qu’une seule étude statistique sur la diversité ethnique et sociale des journalistes.
L’homogénéité des profils ethniques et sociaux dans la profession journalistique est-elle, aujourd’hui, avérée ?
Les différents travaux menés en sociologie du journalisme mettent en avant que, depuis les années 1980, la profession a changé. Elle s’est notamment rajeunie et féminisée et les titulaires de la carte de presse sont aujourd’hui beaucoup plus diplômés qu’auparavant. En revanche, comme les statistiques ethnoraciales ne sont pas autorisées en France, on ne dispose pas de données permettant de mesurer précisément l’homogénéité ou non des rédactions selon ce critère, même si on peut faire l’hypothèse que celles-ci sont majoritairement « blanches » vu que les rapports de classe s’articulent à la dimension ethnoraciale. […]
Dans ce débat, les arguments de diversité « sociale » et diversité « ethnoraciale » sont souvent utilisés en même temps. Ce recoupement a-t-il une pertinence sociologique ?
En France, on interroge souvent les rapports de pouvoir à l’aune de la classe sociale, c’est-à-dire dans leur dimension économique, et moins sur des critères liés à « l’identité » comme le genre, l’attribut ethnoracial, la religion, l’âge… Cette façon de voir provient du fait que nous sommes dans un système politique républicain, qui refuse de reconnaître l’existence de groupes sociaux en son sein, de peur que ces groupes formulent des revendications et que la réponse collective à ces revendications soit discriminante à l’égard des autres groupes.
Pour garantir l’égalité, l’échelle d’action de la République est toujours individuelle et non pas collective. C’est d’ailleurs en partie pour cela que les statistiques ethnoraciales ne sont pas autorisées en France, car elles participeraient à reconnaître l’existence des groupes « blancs » et « non-blancs ». Or, prendre uniquement en compte la classe sociale empêche de comprendre que les inégalités économiques sont articulées à d’autres rapports de pouvoir, et notamment au racisme et au sexisme. […]