L’envers des cartes : LES COULISSES DE L’ATTAQUE SAOUDIENNE

Le Yémen continue à sombrer dans le chaos. La campagne aérienne lancée par l’Arabie saoudite et une dizaine de pays arabes (dont principalement l’Egypte) contre les rebelles chi’ites Houthis, a fait plusieurs dizaines de victimes. L'intervention militaire « Tempête décisive », fait suite aux appels à l'aide du camp du président Abd Rabbo Mansour Hadi, incapable de stopper l'offensive des Houthis qui ont réussi - depuis septembre 2014 - à prendre plusieurs régions du pays, dont la capitale Sanaa. Ils menacent aussi Aden, la capitale du Sud où s’est réfugié refuge le chef de l'Etat.

Le Caire a, mobilisé sa marine et son aviation, se disant prêt à « une intervention terrestre si nécessaire » selon les propres termes du ministre des Affaires étrangères Samih Shoukri qui affirme que « toute menace contre l'Arabie saoudite est aussi une menace contre l'Egypte ». Depuis la chute des Frères musulmans au Caire, Riyad finance massivement le nouveau régime égyptien, cherchant à reconstituer un « axe sunnite » pour faire face à l’Iran. Mais les calculs du Caire semblent d’ores et déjà sentir le pétrole... En effet, cette opération yéménite pourrait être la répétition d’une intervention militaire égyptienne en Cyrénaïque.    Depuis le roi Farouk, puis Nasser, l’Egypte a toujours lorgné sur les région pétrolière de l’Est libyen et la « somalisation » de ce pays représente une merveilleuse opportunité pour la concrétisation de ce vieux rêve des nouveaux Pharaons...  Désormais, les Saoudiens et les autres pays sunnites ne pourront rien y retrouver à redire dès l’instant où cette prise de contrôle se fera au nom d’un « nouvel axe sunnite »...

De son côté, la monarchie wahhabite accuse Téhéran de s'immiscer dans les affaires du Yémen alors que l’Iran n'a jamais confirmé aider les Houthis, les meilleurs experts de la zone non plus : « Les Iraniens sont ceux qui s'ingèrent dans les affaires des pays arabes, que ce soit au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, ce que nous ne pouvons pas tolérer », affirme de manière péremptoire l'ambassadeur saoudien à Washington, Adel al-Jubeïr, « nous devons faire face à l'agression de l'Iran dans la région. Nous nous opposons à leur soutien aux Houthis et à la tentative de ces derniers de s'emparer du Yémen (...) C’est évident que l’Iran veut dominer la région ».  Cette escalade verbale, qui caractérise un climat de plus en plus volatile, s’intensifie à la veille d’une échéance capitale pour l’avenir de la paix mondiale.

En effet, cette attaque saoudo-égyptienne intervient - comme par hasard -, dans le contexte final de la négociation 5 plus 1 sur le nucléaire iranien et au lendemain de la réélection de Netanyahou. « On a jamais vu les avions saoudiens bombarder des positions israéliennes, alors qu’ils ciblent aujourd’hui des villes arabes », commente un diplomate syrien qui ajoute : « se contenter de cibler les Houthis peut modifier les rapports de force entre tribus yéménites... mais cela favorisera surtout les jihadistes d’Al-Qaïda et de Dae’ch dans toute la région ».

Quoiqu’il en soit, ces raids aériens n’auront que des résultats limités sans une intervention terrestre. Celle-ci reste peu probable en raison des risques d'enlisement et d'escalade avec Téhéran. Un porte-parole saoudien de la coalition a déclaré qu'il n'y avait pas de projet d'intervention de cette nature dans l'immédiat.   Mais  une  campagne  limitée  à  des raids       pourrait rapidement nuire à l'image de Riyad. Si l’Arabie saoudite poursuit son action, le nombre de victimes civiles augmentera rapidement et, outre celui du Caire, le soutien des autres pays arabes pourrait s’amenuiser... Les positions de la Russie et de l’Algérie notamment - cette dernière ne s’étant pas jointe à la coalition - sont, du reste très significatives des réserves d’autres pays qui craignent, non seulement un enlisement mais aussi un renforcement des factions jihadistes dans la péninsule arabique comme sous d’autres latitudes arabes et africaines...

Depuis des décennies, le Yémen est le théâtre d'affrontements incessants entre factions et tribus rivales, entre le Nord et le Sud. L’opération militaire conduite par Riyad a peu de chances de rétablir un semblant d'ordre et de stabilité, même si une opération terrestre était diligentée. Le pays de « l’Arabie heureuse » a été le théâtre d’une guerre civile entre 1962 et 1970, opposant les royalistes mutawakkilites et les républicains arabes du sud. A l’époque, cette guerre par procuration entre l’Arabie saoudite et l’Egypte nationaliste de Nasser s’était enlisée jusqu’au rétablissement d’une République arabe du Yémen. « République »...   le terme et la forme institutionnelle d’un tel régime a toujours fait horreur à la monarchie pétrolière wahhabite incarnant l’un des régimes les plus réactionnaire du monde.

En définitive, l’attaque de Riyad - soutenue aussi par Dae’ch -, aggrave la Fitna, cette vieille confrontation larvée entre les mondes sunnite et chi’ite. Avec le soutient actif de la Turquie - un accord militaire de coopération a été signé il y a trois mois entre l’armée turque et le Qatar -, les Etats pétroliers de la péninsule arabique veulent faire front à l’ « arc chi’ite » dénoncé en son temps par le roi Abdallah de Jordanie. Dans le contexte géostratégique actuel, cette alliance fait le jeu des puissances occidentales et d’Israël contre un Iran, une Syrie et un Hezbollah qui demeurent les seuls acteurs à soutenir la résistance palestinienne.

Au final, il n’est pas très surprenant de voir l’ « Etat islamique » soutenir et encourager la « tempête » saoudienne. Depuis sa création, Dae’ch bénéficie des largesses financières de la monarchie wahhabite et des dons d’autres bailleurs de fonds de pays du Golfe, c'est-à-dire des mêmes Etats qui prétendent aussi faire partie de la Coalition contre l’ « Etat islamique ». Absence d’hégémonie militaire, schizophrénie diplomatique, fragmentation politique et territoriale, ainsi que les vieilles ambitions libyennes de l’Egypte conditionnent désormais à l’avenir de la région pour le plus grand bonheur de Tel-Aviv et Washington au moment même où les Occidentaux essaient de rétablir des « relations normales » avec l’Iran...

Richard Labévière, 31 mars 2015

Pourquoi de nombreux Arabes et Musulmans n’ont pas la moindre confiance en Barack Hussein Obama

Par Marika Timar

 

“Ce n’est pas notre guerre et nous ne devrions pas y participer.”

Et pourtant, les terroristes de l’EI ont tué et blessé des dizaines de milliers d’Arabes et de Musulmans, au cours de ces derniers mois. Curieusement, l’Etat islamique n’a ciblé que très peu d’Occidentaux, dont trois furent malheureusement sauvagement égorgés, puis décapités.

Les islamistes terroristes de l’EI sont également responsables du déplacement de millions d’Irakiens et de Syriens et du massacre d’un grand nombre d’entre eux.

Toutefois, ni les atrocités commises par l’EI contre les Arabes et les Musulmans, ni la menace imminente d’une attaque à l’encontre d’un grand nombre de leurs pays, ne représentent à leurs yeux des raisons suffisantes pour déclarer la guerre au califat islamique.

Si certains leaders arabes sont favorables à l’idée d’une coalition internationale, menée par les USA contre l’EI, ils craignent, toutefois, d’être considérés comme des traîtres et agents des Américains, pour avoir rejoint des non Musulmans dans une guerre contre une organisation terroriste, qui essaye d’établir un califat islamique dans toute la région du Moyen Orient. La crainte principale de ces leaders est de voir leur population s’insurger contre eux, s’ils devaient s’allier aux non Musulmans dans une guerre, qui provoquerait la mort de nombreux Musulmans.

Dès lors, si certains Arabes et Musulmans préféreraient laisser les USA et ses alliés occidentaux combattre l’EI, d’autres expriment leur forte opposition à la nouvelle coalition menée par les USA, car ils s’identifient à l’idéologie et aux objectifs anti-occidentaux du califat.

Les dirigeants arabes avaient déclaré la semaine dernière à John Kerry, qu’ils contribueraient de diverses manières à la coalition anti-Etat islamique, mais la grande majorité avait également affirmé de ne pas se sentir prête à envoyer des troupes au sol pour lutter contre une « armée » estimée à 30.000 djihadistes... Leur contribution à la coalition internationale contre l’EI se limiterait à une aide financière et logistique, ainsi qu’à l’échange de renseignements.

La Jordanie, de son côté, a accepté d’entraîner les membres de tribus irakiennes pour les aider à lutter contre les terroristes de l’EI en Irak. Néanmoins, la Jordanie, comme la plupart des pays du Golfe, se serait opposée à ce que son territoire serve de rampe de lancement de frappes aériennes contre les bases des terroristes de l’EI en Irak et en Syrie.

Même si les chefs arabes se sont formellement engagés à rejoindre la coalition internationale, leur confiance en l’Administration Obama, perçue, comme faible et incompétente, quand il s’agit de combattre les fondamentalistes islamistes au Moyen Orient, est très limitée.

De nombreux leaders arabes et musulmans voient en l’Etat islamique un « sous-produit » résultant de l’échec des différentes politiques américaines dans la région à la suite des printemps arabes. Certains de ces leaders, comme l’Egyptien Abdel Fattah al-Sissi, considèrent les USA comme étant l’allié majeur des Frères Musulmans. Sissi et son régime ne pardonneront jamais à Obama son soutien aux Frères Musulmans

  Seuls les racistes dénigrent les Frères Musulmans

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Ils reprochent à l’actuelle administration américaine son faible soutien à l’ancien ministre irakien Nouri al-Maliki, dont les mesures répressives envers les Sunnites, ont ouvert la voie à l’émergence de l’Etat islamique. Ils soulignent également l’hésitation d’Obama à soutenir l’opposition modérée et laïque en Syrie, ce qui a facilité l’infiltration des terroristes de l’EI dans ce pays. Pire encore, nombreux sont les Arabes et les Musulmans sincèrement convaincus que l’Etat islamique est une créature des Américains et des Sionistes dans le but de détruire le monde arabe et de ternir l’image de l’islam.

Comme toujours, ce sont les affreux Occidentaux et les Juifs responsables de tous les malheurs des Musulmans. Jamais, ils ne se remettent en question, jamais ils ne s’interrogent sur leur propre responsabilité. Il est de loin plus aisé de se victimiser, parfois jusqu’à l’outrance, que d’assumer ses propres échecs.

En Egypte, le président d’al-Azhar, la prestigieuses université de l’islam sunnite, a récemment déclaré que les terroristes de l’EI, sont des « créations coloniales », à la solde du complot « sioniste » visant à détruire le monde arabe. Si un complot existe, c’est celui de la « meilleure communauté qui soit » selon Allah, qui vise à imposer l’idéologie islamo-nazie à la planète entière et non avec des pétales de rose, mais à la pointe du sabre égorgeur. Il suffit de se référer à la devise et au logo des Frères musulmans pour comprendre l’objectif belliqueux et suprémaciste de la confrérie musulmane :

«Dieu est notre but, le prophète notre chef, le Coran notre constitution, le djihad notre voie, le martyr notre plus grande espérance».

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Nombreux sont certainement les Musulmans qui n’aiment pas l’EI et le considèrent comme une menace réelle. En même temps, ils ne font pas confiance en l’Administration Obama, qu’ils perçoivent comment faible et incompétente, quand il s’agit de s’opposer aux islamistes.

Le cheikh Yusuf al Qaradawi, président de l'Union Internationale des Savants Musulmans, basé au Qatar, qui n’est pas fan de l’EI, s’est également exprimé contre la coalition internationale menée par les USA (le califat a menacé d’envahir l’Arabie saoudite et a juré de détruire la Kaaba à la Mecque, « Tuez ceux qui adorent la Pierre »).

”Nos différences idéologiques avec l’EI ne signifient pas que nous approuvons une attaque américaine. L’Amérique ne se soucie guère des valeurs de l’islam, seuls ses propres intérêts l’intéressent. »

S’il existe un seul leader arabe, réellement concerné par les répercussions d’une guerre contre l’EI, c’est le roi de Jordanie, confronté à une pression interne croissante, pour qu’il ne participe pas à cette coalition. Ironiquement, cette opposition surgit alors que la Jordanie apparaît clairement, comme étant la prochaine cible de l’EI. Selon certaines informations, les terroristes de l’EI se seraient déjà infiltrés dans le royaume. Le roi Abdullah fait face à un terrible dilemme. S’il rejoint la coalition, son pays pourrait être plongé dans le chaos et l’instabilité. S’il refuse, le roi est conscient que cela faciliterait l’invasion de son pays par les terroristes de l’EI. Au cours des dernières semaines, de nombreuses voix se sont élevées officiellement contre une participation de la Jordanie à la coalition. L’opposition ne vient pas seulement des Frères musulmans jordaniens, mais également de groupes et d’individus laïques. La semaine dernière, 21 parlementaires jordaniens ont écrit une lettre au gouvernement le mettant en garde contre l’intention de fournir une aide aux Américains et leurs alliés occidentaux dans la guerre contre l’EI. Six partis jordaniens laïques ont adhéré à l’appel en envoyant au gouvernement une déclaration dans laquelle, ils affirmaient : «Nous devons nous opposer aux régimes impérialistes et continuer à promouvoir notre devise : démocratie, indépendance et liberté.»

Reflétant le scepticisme largement répandu sur les intentions d’Obama, l’écrivain jordanien, Maher Abu Tair, proche du roi Abdallah, a lancé un signal d’alarme : « Il est dangereux d’impliquer la Jordanie dans la lutte contre l’EI. Si, comme ils le prétendent, ils sont sincèrement concernés par la Jordanie, alors pourquoi ne l’aident-ils pas socialement et économiquement, au lieu de l’entraîner dans un bourbier ? » Exprimant des sentiments semblables, un autre écrivain jordanien, Abdel Hadi al Katamin, a déclaré : « Cette guerre n’est pas la nôtre, nous ne voulons pas la faire et nous n’avons rien à voir avec elle, nous n’en voyons pas la nécessité. Nous ne voulons pas faire la guerre pour le compte des autres, en échange de rien, seulement pour apaiser Obama. Tout ce que nous entendons et voyons n’est pas toujours conforme à la vérité. La meilleure solution pour nous est de protéger nos frontières et empêcher l’EI d’infiltrer notre pays. S’ils nous envahissent, alors ce sera notre guerre. »

Si ce jour funeste devait arriver, les intellectuels et les laïques jordaniens changeraient certainement d’avis, d’autant plus que le régime jordanien est des plus fragiles : la majorité de sa population est d’origine palestinienne et constitue une cinquième colonne en affût ...

Marika Timar, 18 septembre 2014

Source : “Why Many Arabs and Muslims Do Not Trust Obama” by Khaled Abu Toameh –     Gatestone Institute (traduit et adapté par Marika Timar)