Sa lucidité sur l’islam a terni l’image du philosophe Roger Scruton, qui avait raison sur tant de choses

Jean-Patrick Grumberg le 16 janvier 2020

Publié par Jean-Patrick Grumberg le 16 janvier 2020

Boris Johnson : « Nous avons perdu le plus grand penseur conservateur moderne – qui non seulement avait le courage de dire ce qu’il pensait mais le disait magnifiquement », a tweeté le Premier ministre britannique en apprenant la mort, dimanche dernier, de Sir Roger Scruton.

Margaret Thatcher, Friedrich Hayek, Milton Friedman, entre autres politiciens, écrivains et intellectuels, assistaient à ses groupes de philosophie conservatrice. Vous allez lire ses citations comme du petit lait, gardez-le sur votre table de chevet.

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Sir Roger Scruton est décédé d’un cancer dimanche dernier.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson lui a rendu les honneurs, ainsi que Melanie Phillips dans le Times,  Douglas Murray dans le Spectator, et dans le Daily Mail, Toby Young a dit de lui qu’il était un “prophète qui n’a jamais été proprement reconnu dans son propre pays”, paraphrasant une citation bien connue.

Sir Roger Scruton avait été condamné pour crime de lèse-majesté : il parlait de l’islam comme il faut en parler.

Dans ses livres et articles, il dressait un portrait sombre de l’islam et des musulmans. Scruton, il faut dire, était un expert de ce qu’il appelait « l’esprit arabe ».

Extraits :

Sur les Palestiniens

Ils ont l’ « habitude de vivre par la violence » et placent « la vengeance avant la justice ».

Si des loyautés nationales ont émergé dans le monde musulman ces derniers temps, c’est en dépit de l’Islam, et non pas à cause de lui. Et il ne faut pas s’étonner si ces loyautés semblent particulièrement fragiles et fracturées, comme nous l’avons remarqué dans le cas des tentatives palestiniennes de cohésion nationale. »

Sur la lâcheté culturelle occidentale

« En Occident, nous sommes au bord d’une dangereuse période de concession, où les revendications légitimes de notre propre culture et de notre héritage seront ignorées ou minimisées dans une tentative de prouver nos intentions pacifiques.

En termes simples, les citoyens des États occidentaux ont perdu confiance dans leur mode de vie. En effet, ils ne savent plus ce que ce mode de vie exige d’eux.

En même temps, ils ont été confrontés à un nouvel adversaire, qui croit que le mode de vie occidental est profondément défectueux, et peut-être même une offense à Dieu.

Par « manque d’esprit », les sociétés occidentales ont permis à cet adversaire de se rassembler en leur sein ; parfois, comme en France, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, dans des ghettos qui n’ont que des relations ténues et largement antagonistes avec l’ordre politique environnant.

En Amérique comme en Europe, il y a eu un désir croissant d’apaisement : une habitude de contrition publique, une acceptation, bien que le cœur lourd, des censures des mollahs, et une nouvelle escalade dans la répudiation officielle de notre héritage culturel et religieux.

Cela ne signifie pas que nous devons renoncer ou répudier les traits distinctifs de notre civilisation, comme beaucoup voudraient que nous le fassions. Au contraire, cela signifie que nous devons être d’autant plus vigilants dans leur défense. »

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Viktor Orban

« les Hongrois sont extrêmement alarmés par l’invasion soudaine d’énormes tribus de musulmans du Moyen-Orient, parce que leur relation avec l’islam n’a pas été particulièrement heureuse »

« Alors qu’il était jeune, j’ai aidé [Viktor Orban] à créer son université libre à Budapest en 1987 avant l’effondrement du communisme, et lui et ses collègues faisaient un travail fantastique.

…/…

Tout se passait plutôt bien, mais je pense que le pouvoir lui est monté à la tête. Il a un charisme énorme et il a pris des décisions qui sont très populaires auprès du peuple hongrois, parce que les Hongrois ont été extrêmement alarmés par l’invasion soudaine d’énormes tribus de musulmans du Moyen-Orient.

Il a donc pris la décision radicale d’exclure tout cela, de maintenir la sécurité de ses frontières quoi qu’il arrive. Et cela l’a mis en conflit avec l’Union Européenne, ce qu’il fait qu‘il doit s’occuper de toute la machine de propagande.

Mais je ne dis pas que je suis d’accord avec sa politique en général. Je pense qu’il se rapproche trop de la Russie.

https://www.newstatesman.com/politics/uk/2019/04/roger-scruton-interview-full-transcript

Multiculturalisme

« L’immigration musulmane pose un défi à la civilisation occidentale, et la politique officielle de « multiculturalisme » n’est pas une solution mais une partie du problème. »

Greta et le réchauffement

Ce serait merveilleux de créer un mouvement de plantation d’arbres dans les rues. Cela pourrait offrir à la jeune génération qui est si enthousiaste au sujet des changements climatiques, un but bien précis.

Par exemple, il existe de nombreuses rues stériles dans des quartiers moins privilégiés de Londres qui pourraient être transformées en avenues verdoyantes par des partisans d’âge scolaire de Greta Thunberg qui planteraient de jeunes arbres, peut-être avec l’aide de travailleurs municipaux.

Ils obtiendraient ainsi des résultats qu’ils pourraient constater quotidiennement et au fil du temps, ce qui pourrait leur donner le sentiment d’avoir contribué à leur avenir.

https://www.spectator.co.uk/2020/01/letters-roger-scruton-and-the-meaning-of-life/

L’Union européenne et le Brexit

Le problème que nous avons avec l’UE est : comment négocier autre chose que ce qui vous est dicté ?

J’ai voté pour Brexit parce que je n’ai jamais vraiment approuvé l’Union européenne. Je ne l’ai jamais approuvée en raison de ses tentatives de confisquer la souveraineté nationale dans tous les domaines qui comptent. Pour moi, c’est une dérogation à la politique réelle. Cela ne veut pas dire que je ne vois pas la nécessité absolue d’un système de coopération transeuropéen. Et je pense que tout le monde est d’accord avec cela. Mais je pense qu’il n’avait pas la bonne forme. Et toutes les tentatives de réforme semblent n’aboutir à rien. Je pense donc que nous devrions nous retirer et ensuite travailler à un nouveau traité.

https://www.newstatesman.com/politics/uk/2019/04/roger-scruton-interview-full-transcript

Comment nous protéger contre le terrorisme islamique

La haine de nos ennemis ne peut être désamorcée par nos mea-culpa

« Premièrement, nous devrions être clairs sur ce que nous défendons et ce que nous ne défendons pas.

Nous ne défendons pas, par exemple, nos richesses ou notre territoire ; ces choses ne sont pas en jeu. Nous défendons plutôt notre héritage politique et culturel.

Deuxièmement, nous devons être clairs sur le fait que l’on ne peut pas surmonter le ressentiment en se sentant coupable ou en concédant des fautes.

La faiblesse provoque, car elle avertit votre ennemi de la possibilité de vous détruire.

Nous devrions être prêts à affirmer ce que nous avons, et à exprimer notre détermination à nous y accrocher.

Cela dit, nous devons reconnaître que ce n’est pas l’envie mais le ressentiment qui anime le terroriste. L’envie, c’est le désir de posséder ce que l’autre possède ; le ressentiment, c’est le désir de le détruire. Comment gérer le ressentiment ? C’est la grande question à laquelle si peu de dirigeants de l’humanité ont pu répondre. Les chrétiens, cependant, ont la chance d’être les héritiers de la seule grande tentative de réponse, qui fut celle de Jésus, qui s’inspira d’une longue tradition juive remontant à la Torah, et qui fut exprimée en des termes similaires par son contemporain R. Hillel.

‘Vous surmontez le ressentiment, nous dit Jésus, en lui pardonnant. Tendre la main dans un esprit de pardon, ce n’est pas s’accuser soi-même, c’est faire un don à l’autre’. Et c’est là, me semble-t-il, que nous avons pris un mauvais tournant au cours des dernières décennies.

L’illusion que nous sommes à blâmer, que nous devons confesser nos fautes et joindre notre cause à celle de nos ennemis, ne fait que nous exposer à une haine plus déterminée. La vérité est que nous ne sommes pas à blâmer. La haine de nos ennemis à notre égard est totalement injustifiée et leur inimitié implacable ne peut être désamorcée par nos mea-culpa.

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Islamophobie

« L’islamophobie a été inventée par les Frères Musulmans afin d’arrêter la discussion sur une question majeure qui nous préoccupe tous.

Nous sommes tous inquiets de la mesure dans laquelle l’islam tolère ou non la violence commise en son nom.

J’ai un étudiant en doctorat que vous connaissez probablement, Ed Husain, qui est très soucieux de passer de la tradition islamique à la question de savoir ce que les musulmans disent vraiment, et peuvent dire, au sujet des manifestations violentes de leur propre foi.

Et c’est ce que nous devons faire.

Nous devons en parler ouvertement et en discuter, et ce mot [l’islamophobie] est là pour essayer d’empêcher cela.

Incompatibilité entre l’islam et l’Occident

Scruton a très tôt compris qu’il existe une incompatibilité profonde entre l’Islam et l’Occident. Cela remonte au moins aux années 1980, quand il a écrit un livre intitulé A Land Held Hostage*, défendant les chrétiens libanais.

« La loi, telle que l’Islam la comprend, exige notre obéissance, et son auteur est Dieu. C’est le contraire du concept de loi dont nous avons hérité en Occident.

Pour nous, la loi est une garantie de nos libertés. Elle est faite non pas par Dieu, mais par l’homme, suivant l’instinct de justice inhérent à la condition humaine. Ce n’est pas un système de commandements divins, mais plutôt le résidu des accords humains. »

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L’histoire récente de ces pays [Pakistan, Somalie…] pourrait nous amener à nous demander s’il n’y a pas, en fin de compte, un conflit réel et profond entre la conception islamique de la communauté, et les conceptions qui ont nourri notre propre idée du gouvernement national.

Peut-être que l’État-nation est vraiment une idée anti-islamique.

L’Égypte n’a survécu en tant qu’État-nation qu’en prenant des mesures radicales contre les Frères musulmans, et en s’appuyant sur un héritage juridique et politique qui serait probablement rejeté par sa population musulmane – mais pas par la minorité chrétienne copte – si un référendum libre était organisé.

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« L’islam est une religion qui refuse de se voir de l’extérieur, et qui ne supporte pas d’être critiquée, encore moins d’être ridiculisée – ce dont nous avons abondamment été témoins ces derniers temps. »

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Le sexe et la femme, source de souffrance des musulmans

« La mort par lapidation est encore officiellement approuvée dans de nombreuses régions du monde musulman comme une punition pour l’adultère, et dans de nombreuses communautés islamiques, les femmes sont traitées comme des prostituées dès qu’elles sortent des lignes tracées pour elles par les hommes.

Le sujet du sexe, qui ne peut être utilement discuté sans une certaine ironie, est donc devenu un sujet douloureux chez les musulmans, surtout lorsqu’ils sont confrontés, comme ils le sont inévitablement, au laxisme moral et à la confusion libidineuse des sociétés occidentales.

Les mollahs se trouvent incapables de penser aux femmes en tant qu’êtres sexuels, et incapables de penser très longtemps à autre chose. En conséquence, une tension énorme s’est développée dans les communautés musulmanes des villes occidentales, les jeunes hommes jouissant des libertés environnantes et les jeunes femmes étant cachées et souvent terrorisées de peur qu’elles ne fassent de même.

Sur la sharia

« Il n’y a toujours pas de place dans la shari’ah pour la privatisation des aspects moraux, et encore moins religieux, de la vie »

« Au fur et à mesure que notre loi s’est développée, elle a permis la privatisation de la religion et de vastes domaines de la morale. Pour nous, par exemple, une loi punissant l’adultère n’est pas seulement absurde, mais oppressante. Nous désapprouvons l’adultère, mais nous pensons aussi qu’il n’appartient pas à la loi de punir le péché simplement parce qu’il est un péché.

Dans la shari’ah, cependant, il n’y a pas de distinction entre la morale et la loi. Les deux proviennent de Dieu, et doivent être imposées par les autorités religieuses en obéissance à sa volonté révélée. Dans une certaine mesure, la dureté de la loi est atténuée par une tradition qui permet des recommandations ainsi que des obligations dans les décisions de la sainte loi. Néanmoins, il n’y a toujours pas de place dans la shari’ah pour la privatisation des aspects moraux et encore moins religieux de la vie. »

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Les Frères musulmans

« Dit simplement, les Frères musulmans n’acceptent d’ordres de personne. Ils agissent ensemble comme une famille —jusqu’à ce qu’ils se querellent et se combattent »

« La plupart des musulmans ne vivent pas sous la loi de la shari’ah. Ce n’est qu’ici et là – en Iran, en Arabie Saoudite et en Afghanistan, par exemple – que l’on tente de l’imposer. Ailleurs, des codes de droit civil et pénal occidentaux ont été adoptés, suivant une tradition commencée au début du XIXe siècle par les Ottomans. Mais cette reconnaissance accordée à la civilisation occidentale par les États islamiques a ses dangers. Elle fait inévitablement penser que la loi des puissances laïques n’est pas vraiment une loi, qu’en réalité elle n’a pas d’autorité réelle, et qu’elle est même une sorte de blasphème.

Sayyid Qutb, l’ancien chef des Frères musulmans, a précisément soutenu cela dans son ouvrage fondamental Milestones. En effet, la rébellion contre les pouvoirs séculiers est facile à justifier lorsque leur loi est considérée comme usurpant l’autorité souveraine de Dieu. »

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Sur la laïcité

« En bref, la citoyenneté et le droit laïc vont de pair.

Nous sommes tous des participants au processus d’élaboration des lois ; nous pouvons donc nous considérer comme des citoyens libres, dont les droits doivent être respectés, et dont la vie privée est notre propre préoccupation.

Cela a rendu possible la privatisation de la religion dans les sociétés occidentales et le développement d’ordres politiques dans lesquels les devoirs du citoyen priment sur les scrupules religieux. »

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De la loyauté nationale

La nationalité est composée de la terre, ainsi que du récit de sa possession

« La seconde caractéristique que j’identifie comme centrale dans la civilisation européenne : la nationalité.

Aucun ordre politique ne peut atteindre la stabilité s’il ne peut faire appel à une loyauté partagée, à une « première personne plurielle » qui distingue ceux qui partagent les avantages et les charges de la citoyenneté de ceux qui sont en dehors du giron.

En temps de guerre, la nécessité de cette loyauté partagée est évidente, mais elle est tout aussi nécessaire en temps de paix, si les gens doivent vraiment considérer leur citoyenneté comme définissant leurs obligations publiques. La loyauté nationale marginalise les loyautés envers la famille, la tribu et la foi, et place devant le citoyen comme le centre de son sentiment patriotique, non pas une personne ou un groupe, mais un pays.

Ce pays est défini par un territoire, et par l’histoire, la culture et la loi qui ont fait de ce territoire le nôtre. La nationalité est composée de la terre, ainsi que du récit de sa possession.

C’est cette forme de loyauté territoriale qui a permis aux peuples des démocraties occidentales d’exister côte à côte, en respectant les droits des uns et des autres en tant que citoyens, malgré des différences radicales de foi, et en l’absence de tout lien de famille, de parenté ou de coutume locale à long terme pour soutenir la solidarité entre eux. »

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La chrétienté, garante de la laïcité

« Le troisième élément central de la civilisation occidentale est le christianisme.

Je ne doute pas que ce soient les longs siècles de domination chrétienne en Europe qui ont jeté les bases de la loyauté nationale en tant que type supérieur à ceux de la foi et de la famille, et sur lesquels une juridiction laïque et un ordre de citoyenneté pourraient être fondés.

Il peut sembler paradoxal d’identifier une religion comme étant la force principale derrière le développement d’un gouvernement laïc. Mais nous devrions nous rappeler les circonstances particulières dans lesquelles le christianisme est entré dans le monde.

• Les Juifs de la Judée du premier siècle étaient une communauté fermée, liée par un réseau serré de légalismes religieux, mais néanmoins gouvernée depuis Rome par une loi qui ne faisait aucune référence à un Dieu quelconque, et qui offrait un idéal de citoyenneté auquel tout sujet libre de l’empire pouvait aspirer.

• Jésus se trouva en conflit avec le légalisme de ses compagnons juifs, et en large sympathie avec l’idée d’un gouvernement séculier. D’où ses paroles célèbres dans la parabole de l’argent du tribut : « Rends à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

• Après sa mort, la foi chrétienne a été façonnée par Paul pour les communautés de l’Empire romain qui ne cherchaient que la liberté de poursuivre leur culte, et n’avaient aucune intention de défier les pouvoirs séculiers.

• Cette idée de double loyauté a continué après Constantin, et a été approuvée par le pape Gélase Ier au cinquième siècle dans sa doctrine des deux épées données aux hommes pour leur gouvernement : celle qui protège le corps politique, et celle qui protège l’âme individuelle.

Cette approbation du droit séculier par l’Église primitive a été responsable des développements ultérieurs en Europe, depuis la Réforme et les Lumières jusqu’au droit purement territorial qui prévaut aujourd’hui en Occident. »

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Mai 68 en France

« Je me suis dit que je ne pouvais pas supporter tout ça parce que je me disais qu’ici, c’est la plus belle ville du monde, avec sa culture merveilleuse, toutes les choses que j’avais appris à apprécier, et ces misérables gosses gâtés essaient de tout démolir, de briser les vitrines, et de brûler les voitures qui ne leur appartiennent pas. J’ai eu une vieille révolte puritaine anglaise contre cela.

C’était aussi un signe du manque de sérieux des étudiants. Ils n’ont pas fait la vraie chose : de vrais révolutionnaires rassemblent ceux du camp opposé et les fusillent.

Mais c’était aussi très intéressant de lire les choses qui les ont inspirés.

C’est ce qui m’a fait lire Foucault pour la première fois, et reconnaître la brillance de l’homme et la nature complètement démoniaque de ce qu’il disait. »

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Le progrès

« Les choses changent. Certaines choses s’améliorent, d’autres pas. Il est évident qu’en science, il y a du progrès. Et en droit aussi, parce qu’il y a un processus de raisonnement qui s’adapte, et change progressivement les institutions sociales sans les opprimer, et je pense que tout cela est très positif. »

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L’auto-critique

Cette habitude de récompenser nos critiques est, je pense, unique à la civilisation occidentale. Le seul problème, c’est que, dans nos universités, les choses sont allées si loin qu’il n’y a plus de récompenses pour qui que ce soit d’autre

« La cinquième caractéristique notable de la civilisation occidentale est l’autocritique.

C’est une seconde nature pour nous, chaque fois que nous affirmons quelque chose, de permettre à l’adversaire de s’exprimer. La méthode de délibération contradictoire est approuvée par notre droit, par nos formes d’éducation et par les systèmes politiques que nous avons mis en place pour négocier nos intérêts et résoudre nos conflits.

Pensez à ces critiques véhéments de la civilisation occidentale comme le regretté Edward Said et l’omniprésent Noam Chomsky.

• Saïd s’est exprimé en termes intransigeants et parfois même venimeux au nom du monde islamique contre ce qu’il considérait comme la perspective persistante de l’impérialisme occidental. En conséquence, il a été récompensé par une chaire prestigieuse dans une université de premier plan et d’innombrables occasions de s’exprimer en public en Amérique et dans le monde occidental.

• Les conséquences pour Chomsky ont été en grande partie les mêmes.

Cette habitude de récompenser nos critiques est, je pense, unique à la civilisation occidentale. Le seul problème, c’est que, dans nos universités, les choses sont allées si loin qu’il n’y a plus de récompenses pour qui que ce soit d’autre. Les prix sont distribués à la gauche du spectre politique parce que cela alimente l’illusion dominante de ceux qui les décernent : à savoir que l’autocritique nous apportera la sécurité, et que toutes les menaces viennent de nous-mêmes, et de notre désir de défendre ce que nous avons. »

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Deux islams

« Je suis tout à fait d’accord avec ce que dit Ayaan Hirsi Ali, qu’il y a deux islams.

• Il y a l’Islam de La Mecque, la révélation originale qui a donné aux musulmans un mode de vie pacifique qui était le leur et qui les incluait, et puis,

• il y a l’Islam de Médine, lorsque le prophète avait été forcé à l’exil et qu’il était d’humeur combative, et les sourates de Médine du Coran sont pleines de cette colère et de cette violence et de la nécessité d’imposer des choses, et c’est une chose tout à fait différente.

Et je pense que les musulmans qui s’installent dans le mode de vie des Mecquois sont évidemment des citoyens parfaits, ils ont la sérénité intérieure que le citoyen devrait avoir et nous devrions apprendre à l’apprécier et à l’encourager.

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Donald Trump

Eh bien, il n’a pas répondu aux attentes de la gauche qui s’attendait à ce qu’il soit un maniaque complet qui présiderait à l’effondrement de l’Amérique.

Il a poursuivi ses petites obsessions, comme le mur mexicain, d’une manière relativement pacifique et provocante.

Il a essayé, il a pris des mesures audacieuses en politique étrangère, comme la tentative de réconciliation avec la Corée du Nord – probablement une erreur parce que vous avez affaire à un État totalement paranoïaque.

Au Moyen-Orient, je ne suis pas sûr que sa politique soit différente de celle d’Obama, en fait [NDLR Scruton ne parle pas ici d’Israël, mais de l’Irak, de la Syrie et du Liban].

Et sa politique intérieure laisse largement les choses inchangées, et je pense qu’essentiellement, c’est ce qu’est l’Amérique. Parce que les grands changements de politique se font par le biais de la Cour suprême et non par le biais de la présidence [NDLR : notons que Trump le sait parfaitement, qui a nommé deux juges originalistes à la Cour suprême, conformément à ses promesses].

Comme tout le monde, je le vois comme un vulgaire connard à moitié éduqué. Mais il n’y a aucune raison pour que nous, les vulgaires connards, ne soyons pas représentés en politique.

Et voici l’occasion pour l’un d’entre-eux de dire que nous ne sommes pas aussi mauvais que vous le pensez tous.

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La Chine

Il y a des difficultés au coin de la rue que nous ignorons, comme la montée de la Chine.

Il y a quelque chose d’assez effrayant dans le genre de politique de masse chinoise et la réglementation de l’être ordinaire. Nous inventons des robots mais ce sont eux.

Dans un sens, ils créent des robots à partir de leur propre peuple en limitant tellement ce qui peut être fait. Chaque Chinois est en quelque sorte la réplique du prochain et c’est très effrayant. Je n’en sais peut-être pas assez pour pouvoir porter un tel jugement, mais leur politique est comme ça, et la politique étrangère est comme ça, et les camps de concentration sont revenus, en grande partie pour rééduquer les musulmans et ainsi de suite.

Le socialisme

cela ne fait qu’envoyer les gens que vous souhaitez le plus voir rester, aller dépenser leur argent ailleurs, comme ces 300 000 Français riches qui vivent à Londres

Le déclin de l’éducation signifie que les gens ne comprennent plus ce que c’était [le socialisme]. Ils n’ont pas le récit historique qui vous dira exactement pourquoi le communisme mène au goulag, même si les preuves sont toujours là, avec la Chine et le reste.

Et ils ne savent pas vraiment ce que le socialisme signifiait.

Mais les gens continueront toujours à croire que la disposition actuelle de la propriété dans le monde est injuste, que les gens qui n’ont pas de choses devraient en avoir, et que les gens qui ont trop de choses ne devraient pas en avoir, c’est profondément ancré dans la condition humaine de penser cela.

Mais c’est un pur fantasme de penser que le socialisme rectifie cela. Il ne l’a jamais fait.

Je ne suis pas vraiment en faveur de taux d’imposition élevés, car cela ne fait qu’envoyer les gens que vous souhaitez le plus voir dans le pays, aller dépenser leur argent ailleurs, comme cela s’est produit avec ces 300 000 Français riches qui vivent à Londres.

Je pense donc que ce sont des solutions irréelles.

Non, je pense qu’il faut des dispositions appropriées à la fois pour s’occuper des pauvres et des défavorisés, et aussi pour leur donner une certaine place dans la société, afin qu’ils ne soient pas seulement des personnes à charge, c’est ce à quoi le socialisme devrait vraiment penser.

Malheureusement, le Parti travailliste a été orienté davantage vers la recherche d’un pouvoir absolu sur tout.

L’homosexualité, le conformisme et les gauchistes

Les gauchistes, « ils ne sont pas là pour les idées, ils sont là pour se venger du monde »

J’ai écrit un livre sur le désir sexuel il y a presque 30 ans, qui est resté imprimé parce que c’est la seule tentative philosophique de dire de quoi il s’agit.

Dans ce livre, je dis beaucoup de choses sur l’homosexualité, dont aucune ne peut être conçue comme ce qu’on appelle maintenant « homophobie ».

Je soutiens en fait que ce n’est pas une perversion et ainsi de suite, mais que c’est différent, et je dis beaucoup de choses sur les raisons pour lesquelles c’est différent.

Ensuite, les gens ont pris des petites phrases hors contexte, les savants rédacteurs de BuzzFeed, qui ont leur point de vue sur toutes choses, ont assemblé une sorte de patchwork « d’infractions » sans prendre la peine d’examiner les arguments, et ainsi vous êtes caricaturé comme si vous étiez quelqu’un qui veut lapider des homosexuels. Simplement parce que vous avez dit que c’est différent.

Mon opinion personnelle est qu’il ne faut pas s’engager dans ce genre de conversation. Comme ce sont des gens qui ne comprennent pas les idées, ça ne sert à rien. Ils ne sont pas là pour les idées, ils sont là pour se venger du monde.

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Enseigner l’homosexualité comme un style de vie normal

Je n’aime pas l’idée de prêcher l’homosexualité comme un style de vie dans les écoles parce que, pour commencer, ce n’est pas un style de vie, c’est un désir que certaines personnes ont.

Et vous présentez aux enfants quelque chose à un âge où ils ne peuvent pas le comprendre.

Je n’ai jamais été en faveur de l’éducation sexuelle telle qu’elle a évolué de toute façon. Je pense que cela se fait toujours dans une sorte de prurit, en éveillant les enfants à ce qu’ils ne veulent peut-être pas être éveillés, par une personne qui n’a pas le droit de le faire. Je pense que c’est aux parents de faire cela, et aux enfants eux-mêmes, comme les vieilles explorations que nous avons tous faites… »

https://www.newstatesman.com/politics/uk/2019/04/roger-scruton-interview-full-transcript

« La société dépend de la procréation et les homosexuels sont incapables d’avoir des enfants eux-mêmes ».

https://www.prospectmagazine.co.uk/philosophy/roger-scruton-a-profound-but-controversial-thinker-who-conceded-nothing-to-intellectual-fashion-philosophy-obituary

Les transgenres

C’est évidemment une sorte d’obsession théâtrale

« L’exposition devant les enfants de toutes ces complexités que les adultes ont au sujet de leur identité sexuelle, les enfants les ramassent et commencent à se demander d’une manière étrange : suis-je une fille ou un garçon ?

Cela crée toutes sortes de traumatismes chez les enfants, et bien-sûr il y a la possibilité que cela mène à cette identification systématique avec un sexe particulier qui n’est pas celui de votre corps. Je pense que nous jouons avec le feu en permettant aux enfants et à leurs parents de dire « OK alors c’est vraiment une fille et je vais lui donner cette liberté d’être une fille ».

Que se passera-t-il, après toutes les mutilations, les hormones et tout ce qu’il va découvrir, s’il n’est pas à l’aise dans ce nouveau corps qu’on lui a donné ? Peut-on lui rendre l’ancien ? On joue avec quelque chose qu’on ne comprend pas du tout.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de difficultés, mais est-ce que c’est devenu plus clair ? Pourquoi est-ce devenu l’enjeu du jour alors que cela n’a pas été un enjeu comme ça pendant les cent mille ans précédents de l’humanité ? C’est évidemment une sorte d’obsession théâtrale qui est imposée aux enfants, qu’ils la comprennent ou non.

Le conservatisme

Le conservatisme n’est pas une question d’idéologie, c’est une question d’amour

Je pense que le conservatisme n’est pas une question d’idéologie, c’est une question d’amour.

Nous avons quelque chose, ce pays, ses institutions et notre façon d’être, et c’est ce à quoi nous nous accrochons. Nous ne savons pas pourquoi, mais c’est tout ce qu’on nous a donné, alors pourquoi pas le garder ?

Ce que le mot conservateur signifie, ce n’est pas remettre les choses en place, mais les conserver. Il y a des choses qui sont menacées, et vous les aimez, alors vous voulez les garder.

https://www.newstatesman.com/politics/uk/2019/04/roger-scruton-interview-full-transcript

Scruton a souligné à plusieurs reprises que le conservatisme était essentiellement une attitude.

« L’articuler, c’est d’abord décrire ce qu’il est, et faire ressortir ce qu’il contient d’aimable, d’acceptable ou en tout cas ce qui est mis en danger par une réforme irréfléchie ».

Cela s’enracine dans l’ « oicophilie », l’amour du lieu. [NDLR j’ai abordé le sujet de l’oicophobie, la source de la haine de soi, du gauchisme et du progressisme, dans un précédent article.]

« On doit partir de la compréhension des vertus et des défauts de la chose que l’on a. »

https://www.prospectmagazine.co.uk/philosophy/roger-scruton-a-profound-but-controversial-thinker-who-conceded-nothing-to-intellectual-fashion-philosophy-obituary

Margaret Thatcher

Je suis tout à fait favorable à ce qu’elle a fait, à savoir secouer les choses et libérer l’emprise des syndicats sur le pays, et essentiellement donner aux gens la fierté de s’installer dans la vie et de prendre la responsabilité de leur propre être.

Je pense que tout cela était bien, et qu’elle avait un véritable élan de patriotisme. De toute évidence, elle était à bien des égards étroite et avait une mentalité de commerçante. Elle n’était pas le genre de conservatrice sophistiquée et super-cultivée qu’on aurait pu espérer. Mais en politique, le choix est assez limité.

https://www.newstatesman.com/politics/uk/2019/04/roger-scruton-interview-full-transcript

Pour ou contre le mariage gay

Nous ne pouvons pas prétendre que la société anglaise, britannique, à l’époque où il [le mariage gay] a été introduit, était un grand exemple pour le maintien de la vieille idée du mariage : presque tout le monde est divorcé et les enfants sont abandonnés et tout ce genre de choses, alors…

Mais quand même, j’adopte une vision sacramentelle du mariage et je pense que, selon cette vision, l’État ne peut pas légitimer le mariage, alors qu’il appelle « mariage » ce qu’il veut, ça n’a pas d’importance.

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Le futur de l’humanité

Je pense qu’il faut reconnaître ce que toutes les personnes religieuses savent, c’est-à-dire que les êtres humains sont imparfaits et déchus, et qu’ils ne peuvent pas surmonter seuls les problèmes qu’ils créent eux-mêmes.

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Conclusion

Je vous recommande de lire, et de conserver Scruton dans votre bibliothèque. Il défendait le point de vue selon lequel la vie intellectuelle exigeait que tous les points de vue soient examinés. N’est-ce pas ce que nous tentons, quotidiennement, de faire sur Dreuz ?

Bien qu’ayant une culture infiniment plus sommaire, je partage avec Scruton ce sincère désir qui l’animait, et que mes lecteurs ont pris l’habitude de trouver dans mes écrits : pointer le doigt là où personne n’aime regarder, défendre des opinions politiques même démodées, promouvoir un débat solide même – surtout – sur des sujets considérés comme tabous, et provoquer pour exercer le simple droit de dire ce qu’on a envie de dire, sans avoir à se justifier de le faire autrement que d’un « parce que ».

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

source:

La sœur d’une victime des attentats du Bataclan appelle au boycott de l’hommage national. Que faut-il en penser ?

Perdre un frère dans un attentat est un sévère traumatisme qui peut déclencher différents types de réactions psychologiques : le mutisme, la dépression, la colère, la violence, la sublimation, la révolte… Quelque soit la réaction adoptée par la personne traumatisée, on peut supposer par principe que cette réaction est légitime :   même si ce n’est pas forcément la réaction la plus efficace d’un point de vue clinique extérieur, il y a tout de même des chances que cette réaction permette au sujet souffrant de passer le cap de la douleur, et de l’aider à la surmonter. Cette réaction est inhérente au sujet et ne se choisi pas. Elle ne se discute pas non plus (en tout cas, pas sur le coup). Mais d’un point de vue objectif, c’est-à-dire sociétal voire épistémologique, la réaction de cette personne qui en appelle à un boycott de l’hommage national est-elle légitime ? Que faut-il en penser ?

Plutôt que de vouloir justifier la position de cette personne (moralement choquée) par une analyse détaillée des lacunes éventuelles du gouvernement en matière de prévention (voir plus bas), il est tout à fait envisageable de donner raison à cet appel au boycott pour une toute autre raison, une raison purement compensatoire. Dans un pays dont les leaders politiques remontent systématiquement dans les sondages à chaque fois que se produit un attentat qu'ils n'ont pas su prévenir, n’est-il pas en effet nécessaire, utile et salubre de donner une chance à tout ce qui pourrait éventuellement casser cet élan national post traumatique ? D’ailleurs, qu’en est-il exactement de cet « élan de solidarité », de ce « rassemblement national », de ce « redressement populaire » dont nous bassinent les média ? De quelle nature est-il ? Faut-il vraiment s’en gargariser ? La France s’est-elle vraiment remise « debout » depuis les derniers attentats ? Les média n’avaient-ils pas déclaré qu’elle s’était déjà « relevée » depuis ceux de janvier ?

Sans vouloir donner une image primaire de la société humaine, il faut quand même avoir le courage d’avouer que les images des attentats, les corps ensanglantés allongés sur le sol, la noria des ambulances aux sirènes stridentes, le regroupement des sauveteurs sur les blessés entourés de leur matériel médical, tout cela remue les tripes et soulève la peur. La peur de la mort, de la souffrance, de la perte d’intégrité corporelle, tout ce que notre espèce exècre intensément au plus profond des couches de son inconscient le plus primitif…

En conséquence du puissant impact psychologique de ces évènements, tout ce qui est ensuite déclaré et réalisé par les politiciens revêt presque la même force. Les discours et les décisions de nos hommes politiques rappellent ces horreurs, véhiculent la même émotion ou presque, et sont donc enveloppés d’une aura qu’ils n’ont pas habituellement. Quant aux cérémonies d’après attentats, leur impact est encore plus saisissant, et s’apparente même à celui des attaques : la foule droite et immobile, les officiels au garde à vous, la mine triste, les lèvres serrées, le vêtement sombre, le protocole et l’uniforme des militaires, la marche funèbre, les gerbes de fleurs alignées sur les cercueils, les larmes qui apparaissent ça et là au coin des yeux des personnes les plus émotives et que les caméras ne rateront surtout pas…Tout cela crée un incroyable choc émotionnel et seuls quelques très rares psychopathes ne vibrent pas à l’unisson de l’émotion générée par de telles circonstances.

Ceci étant dit, la peur et l’émotion sont très mauvaises conseillères. Sous leur effet, ne devient-il pas urgent de s’en remettre si ce n’est à Dieu, tout au moins au gouvernement et à son Président ? Car dans la panique, l’inconscient recherche à se rassurer et va saisir tout ce qui peut alentour lui permettre de se reconstruire une représentation sécurisée et cohérente de son environnement immédiat. Instinctivement, il va se raccrocher aux discours rassurants, aux mesures sécuritaires annoncées, aux images des Rafales qui bombardent les positions de l’EI, aux militaires qui stationnent en nombre dans les rues de la capitale, au engagements verbaux que Président aura soutiré d’un Obama, d’un Cameron et d’une Merkel… Choc émotionnel oblige, on a naturellement une propension à s’enthousiasmer pour tous ces détails qui vont permettre de casser la peur qui s’est introduite en nous. Or, la primauté des tripes sur l'analyse, de l'instantané sur le recul, de l'emportement visuel sur la réflexion, tout cela est purement du domaine des affects et ne peut remplacer une analyse froide et détachée de la situation. On parle d'unité nationale après chaque attentat, mais c'est illusoire. Ce n'est qu'une réaction émotionnelle post stress, purement instinctive, absolument pas réfléchie, à usage sans doute purement cosmétique. L'une des réactions rationnelles n’aurait-elle pas consisté au contraire à demander la démission du gouvernement ? N’apparaît-il pas dépassé sur tous les plans, et en particulier sur le pan sécuritaire ?

Place donc à l’analyse froide et rationnelle des faits. Hélas, il n’est même pas nécessaire d’être un spécialiste du terrorisme pour se rendre à l’évidence : de nombreux indices laissent suggérer que le gouvernement n’a pas pris la mesure nécessaire des menaces dont notre pays fait l’objet :

-alors que l’Armée danoise sécurise les locaux de son équivalent suite aux attentats de Copenhague, Charlie n’était gardé que par deux gendarmes ! On connaît le résultat.

-pratiquement tous les terroristes des attentats de ces dernières années (y compris bien évidemment ceux du vendredi 13) étaient fichés par les services de police. Ils étaient donc connus comme faisant partie des personnes à risque ! Faut-il attendre de les prendre sur le fait accompli pour s’intéresser à leur profil ? Quand on veut éviter de tels carnages, on ne regarde pas trop sur la volumétrie des actions à entreprendre. On les hiérarchise et on y met les moyens. Surtout qu’ils ne sont pas des millions d’individus à être fichés.

-certains parmi ces terroristes du vendredi 13 sont arrivés récemment, en profitant des flux de migrants. Ils n’ont donc pas été contrôlés ou identifiés à la frontière.

-bien que très localisés géographiquement, les quelques coups de filet réalisés après les derniers attentats auprès des personnes fichées ont été particulièrement fructueux et rapides. Ce qui prouve combien il aurait été facile de lesdéclencher avant.

-aucune destination à risque n’a fait pour l’instant l’objet d’une interdiction de survol de la part du gouvernement vis-à-vis des compagnies aériennes. Comme si c’était au prochain missile de donner le signal…

Ainsi, pour toutes ces raisons, l’unité nationale n’apparait pas forcément comme le meilleur réflexe d’une Nation. Dans certains cas, il se peut que la désunion, la critique, le coup de pied dans la fourmilière soient autrement plus salutaires… Le gouvernement actuel mérite t-il notre confiance ? Telle devrait-être la première question à se poser avant de lui donner de nouveau un blanc seing comme nous l’avons fait après les attentats du 11 janvier.

Claude Robert, le 27.11.2015